Un regard sur l'avenir
Scènes de la vie rurale
Ceci est un produit de l’imagination..
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n’est que pure coïncidence.
Un regard sur l'avenir
André, l'amoureux d'Yvette, avait disparu sans donner de ses nouvelles. Pourquoi? Il n'y avait pas de moyens qu'il n'avait pas cherchés pour démontrer, pour justifier, pour définir, pour prouver en quelque sorte ce sentiment qu'il concevait pour elle dans le plus noir recoin de son cœur. Elle ne pouvait ignorer toutes ces réalités et ne pouvait pas faire semblant de ne pas apercevoir se manifester autant d'intérêts qu'il avait maintes fois éprouvés à son égard. N'avait-il pas pris l'habitude de l'appeler mon amour, ma déesse, ma lumière, mon infinie et de lui découvrir son cœur qu'elle n'avait pas voulu comprendre, un cœur qui n'avait pas cessé de battre pour elle. N'avait-il pas avoué son profond amour pour elle dans les recoins les plus reculés, les plus profonds de son âme? Il avait pendant longtemps supporté ce silence qu'elle avait gardé et qui gâchait leur relation, la rendre amère, désagréable, intolérable. Elle manquait du courage, s'était enfermée dans la chambre obscure, s'était réfugiée dans les ténèbres qui avaient la puissance d'affecter la vie, de faire surgir de l'esprit affaibli des imaginations ignobles, des séquences mesquines, et des apparitions effroyables. Il s'était présenté devant elle pour livrer son cœur meurtri par la souffrance. Elle s'était accroupie au fond de la pièce, bouclant portes et fenêtres, refusant toutes communications, ne voulant même plus regarder la nature qui la rappelait Dieu sait quelle abomination. Elle refusait de voir la lumière du jour qui semblait invoquer sur elle la malédiction. Elle fuyait les gens qui étaient devenus pour elle des ennemis immortels.
Il ne la voyait pas pendant plusieurs jours qui étaient pour lui durs, pénibles. Combien de temps encore espérait-elle prolonger cette séquestration injuste, cruelle? Il se réfugiait dans la patience et attendait passer ce moment de perturbation, de désordre, de colère. Il réfléchissait sur la vie qu'ils avaient menée ensemble ce dernier temps et jetait un regard sur l'avenir qui les attendait en gardant l'espoir qu'elle se montrerait comme avant, qu'elle commencerait à vivre normalement et qu'ils se retrouveraient une fois de plus ensemble. De quelle faute était-il puni? S'il fallait recommencer à vivre d'une manière différente, avec plus de prudence, ordonnée, selon le désir de l'autre, il était prêt à accepter toutes les conditions mais, par pitié, épargne lui de tel châtiment. Il s'était mis à genoux derrière la porte comme auprès d'un autel pour se confesser afin qu'Yvette puisse s'émouvoir et fit un geste d'encouragement. Il la rappelait de la liberté avec laquelle ils se promenaient dans le bois, courraient dans la prairie, escaladaient les collines, marchaient au bord des ruisseaux, se cachaient dans des buissons, jouaient sur l'herbes, se réfugiaient dans les granges, derrière les murs, dans les caves, les creux, le grenier. Où étaient passés ces moments si merveilleux? Dans tous ces élans ne s'étaient-ils pas permis des petites caresses sincères et significatives? N'avaient-ils pas échangé des baisers fougueux? Qui aurait pu soupçonner, deviner qu'ils s'amusaient à ces jeux dangereux, interdits qui prenaient des dimensions inimaginables? Mais qui les aurait aperçus se donnant au spectacle défiant toutes les lois de la moralité pour aller colporter la nouvelle auprès des personnes responsables pour surveiller la conscience des gens du village, pour veiller à ce que personne ne se déviait du droit chemin et même pour aller rapporter le fait au prêtre du canton qui se rendit dans la maison de Mme Deschamps pour passer toute la matinée à sermonner la fille et la mettre en garde de ses actes et de son comportement contraire aux préceptes de l'église? Avait-il arraché de la fille la promesse de ne plus jamais revoir le jeune homme si elle voulait éviter que la malédiction ne frappât davantage la famille qui supportait l'épreuve déjà d'énormes difficultés? Était-ce pour se protéger de la colère divine, pour sauver une vie qui ne tenait qu'à un bout de fil, pour éloigner toutes calamités qui menaçaient la famille, pour épargner les autres membres d'être victimes de la malédiction que la fille donnait sa parole, fit le grand serment, l'ultime promesse de ne plus jamais se tremper dans le péché véniel? A la recherche de ce pardon au prix de si grand sacrifice, la fille avait-elle accepté d'expier ses fautes en prenant des initiatives rigoureuses que l'amoureux ne pouvait comprendre?
Au départ du prêtre, elle s'était métamorphosée et ne voulait plus regarder son bien-aimé. Elle éprouvait une crainte terrible en le voyant approcher de la maison. Elle le fuyait comme si dirait qu'il allait la causer le plus grand mal, lui qui voulait tant son bien, qui voulait la rendre heureuse. Elle l'évitait à tel point qu'il ne pouvait s'empêcher d'imaginer les torts qu'il avait causés pour constater un tel changement d'attitude. Elle était devenue tellement farouche qu'il voyait croître en lui l'ardent désir de se rapprocher davantage d'elle pour connaître les raisons d'un tel comportement. Il ne parvenait pas à supporter un tel silence de sa part. Il la trouvait trop éveillée, trop intelligente pour ne pas prendre conscience de ses actes. Elle était de plus jeune, belle, charmante, gracieuse pour se réfugier dans la pénombre d'une chambre exiguë. Était-ce pour lui châtier? Il se sentait fautif d'avoir éveillé en elle les instincts de l'amour. Était-il la cause de tous ces rancœurs? Il ne cessait pas de la rappeler qu'il l'aimait, qu'il l'adorait. Était-ce possible qu'il était devenu un monstre à ses yeux? Qu'avait-il fait pour subir un tel supplice, une telle cruauté? Elle le repoussait avec de telle véhémence qu'il commençait par réaliser combien il devait l'inspirer de la répugnance, du dédain, du mépris.
Il avait tout fait pour se renouer à elle. Ils étaient des inséparables et ne pouvaient se passer l'un de l'autre à tout moment de la journée et même des fois de la nuit quand il s'allongeait auprès d'elle sur le même lit tandis qu'à côté la mère poussait des gémissements de douleurs. Était-ce là le péché, de ne plus distinguer le bien du mal? Ils étaient maintenant séparés par un rempart. Aucune voix n'était accessible pour atteindre l'autre. Elle ne voulait rien entendre, n'essayait pas de comprendre ce qu'il avait tenté plusieurs fois d'expliquer. Il était accaparé par des douleurs qui lui faisaient souffrir atrocement et avait voulu chercher refuge auprès d'elle. Ses facultés commençaient par s'affaiblir par cette séparation injuste et inexplicable. Sa passion pour elle était plus forte que tout raisonnement. Il ne voulait plus rien comprendre. Il reconnaissait l'empire qu'elle exerçait sur lui. II attendait comme un animal abattu, méprisé, par un temps affreux, qu'elle se montrât à lui, qu'elle se présentât devant lui pour lui soulager le cœur, pour lui rassurer, pour lui panser la blessure profonde qu'il s'était faite en se heurtant à son indifférence totale à son égard. Il n'avait pu supporter de vivre ainsi pour longtemps et avait disparu dans la nature. Personne ne savait où il se cachait, s'il était encore vivant. Yvette se desséchait au fond de sa chambre. Elle était méconnaissable quand elle se montrât bien après dans la lueur du jour. Elle n'avait fait que pleurer tout ce temps un amour qu'elle avait repoussé de toutes ses vigueurs et aurait pu se donner la mort si elle n'avait pas sa mère à s'occuper et à prendre soin.
© Kader Rawat
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