DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 4
DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 4
Un extrait de mon autobiographie 'Le bon vieux temps'
« Ce qui nous différencie des autres créatures c’est cette mémoire que nous possédons et que nous avons toute raison de transmettre aux générations futures. »
La télévision ne tarda pas à faire son apparition. Seulement le centre social du village en possédait. Beaucoup de personnes allaient s’installer à l’arrière cour du centre social à attendre l’heure que le responsable allait allumer le poste. Généralement ce ne serait pas avant 18 h. Mais combien de personnes attendaient cet instant pour découvrir les films en noir et blanc et y restaient jusqu’à la fin ?
A cette époque les éventuelles perspectives de développer et de motiver l’imagination étaient quasiment néant. Il n’y existait pratiquement pas grand-chose qui puisse aider à avancer, à progresser de manière à ouvrir les portes de l’avenir.
J’avais très peu de chance de développer mes facultés comme je l’aurais souhaité ou mérité en fonction des efforts que je fournissais. Les cultures, les modes, les coutumes, les traditions sont tous importées et la lenteur des activités me faisait comprendre que pas grand-chose pourrait être accomplie dans ce milieu. Je vivais dans une société encore en voie de dévéloppement. Les grandes activités qui faisaient avancer le monde se passaient ailleurs. J’étais encore trop naïf pour le savoir et je m’accrochais à l’existence comme je pouvais en ayant la sensation d’être satisfait sans jamais le démontrer. Dans un tel milieu il était difficile de nourrir de grandes ambitions, de nous inciter au progrès, de fournir de grands efforts pour mener notre vie. Nous nous contentions de ce que nous avions avec notre esprit pauvre comme l’était notre condition de vie.
Etait-ce naturel que l’esprit des gens du village demeure infertile au point à limiter leur monde et à les faire ignorer les frontières qui pouvaient les montrer des nouveaux horizons ? Les gens donnaient l’impression de tourner de la même façon et de se diriger dans la même direction sans aucun contrôle. Chacun se débattait comme il pouvait pour s’occuper de sa famille et gagnait si peu dans des travaux durs qu’ils se trouvaient tout le temps suffoqués des problèmes de tout genre qu’ils pouvaient à peine envisager des quelconques projets d’avenir.
Je faisais parti de ce cocon. Je me souviens des fois que je me rendis au Centre Social de mon village les après-midis pour regarder les films de l’époque. Quand nous eûmes notre poste de télévision chez nous plus tard je passais mon temps devant l’écran et y restais jusqu’à fort tard le soir. C’était une façon pour moi de m’instruire, de me cultiver pour me faire une idée différente de ce monde. C’était un luxe que d’avoir chez soi un tel matériel. J’ignorais de quelle manière mes parents l’avaient obtenu mais je savais que mon père, par le biais de ses activités commerciales, faisait des relations. J’avais intérêt à l’époque de bien partager mon temps entre mes études et mes distractions.
A l’approche des examens de fin d’année je bossais durement et regardais moins la télévision. Les dimanches je me rendais dans la capitale pour passer toute l’après-midi dans une salle de cinéma enfumée à regarder trois films d’affilé. En quittant la salle comme un effaré je risquais de rater le dernier bus en partance vers mon village. Je courais comme un éperdu dans les labyrinthes des rues de la ville pour joindre la gare du front de mer où le chauffeur du bus attendait les derniers arrivés.
Dans les occasions de cérémonies religieuses chacun se cantonnait au sein de leur communauté pour la célébration. Notre société nous permettait de renforcer notre foi de quelque façon que nous voulions.