DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 15
Un extrait de mon autobiographie 'Le bon vieux temps'.
« Ce qui nous différencie des autres créatures c’est cette mémoire que nous possédons et que nous pouvons transmettre aux générations futures. »
Il m’arrive très souvent tout le long de ma vie de m’arrêter un instant pour revoir le passé ressurgir avec enchantement et amertume. Mes souvenirs se refoulent dans la mémoire et me ramènent dans un royaume longtemps resté dans l'ombre et qui cachent tant d'évènements heureux ou malheureux.
Les moments de plaisir, de joie, de transport, d’exaltation alternent avec ceux de douleur, de mélancolie, de tristesse, de morosité. Dans ma jeunesse dont je m’étais souvenu pendant mon voyage, il me reste encore des choses à raconter et que je ne veux laisser longtemps dans l’ombre.
La politique m’intéressait si peu que je n’y portais aucune attention. Les grandes élections de 1967 soulevaient de grands enthousiasmes au sein de la population. Je n’étais qu’un spectateur au milieu des grandes foules qui se pressaient aux rassemblements des différents partis. La confrontation des deux partis principaux, notamment le « Parti Travailliste » et « Le Parti Mauricien Social Démocrate », était âpre et sans répit.
L’avenir du pays en dépendait énormément puisque le peuple votait pour l’accession à l’indépendance qui fut proclamée le 12 mars 1968. Les murs ont gardé la trace bien longtemps des affiches portant l’emblème de la clef sur fond rouge pour le Parti Travailliste, le vainqueur, et celui du coq sur fond bleu pour le PMSD, le vaincu.
En février 1968 l’Ile Maurice fut ébranlée par une confrontation raciale opposant communauté chrétienne et musulmane à Port Louis. C’était la seule et unique crise très grave qui me toucha profondément car en voyant ce peuple auparavant uni comme des frères, je ne pouvais imaginer qu’ils arriveraient à se déchirer avec des violences inouïes.
Je n’ai jamais voulu vraiment savoir ce qui était à l’origine de ces troubles.
Bien heureusement cette situation conflictuelle ne se propagea pas à d’autres quartiers sensibles de l’île. Pourtant à l’époque, l’envergure que prenait l’évènement échauffait les esprits des adversaires et les incitait à la violence et la vengeance.
Les conséquences dramatiques qui en découlèrent endeuillèrent beaucoup de familles et plongèrent le peuple dans la crainte pour l’avenir.
La situation fut un moment temporisée par l’intervention de la police qui plaça des barrages et décréta un couvre-feu de la tombée de la nuit jusqu’au lever du jour. Les rumeurs en provenance de Port-Louis se propagèrent rapidement jusqu’à mon village de Pamplemousses et retentirent dans mon cœur et mon esprit comme un écho aberrant.
J’apprenais ces nouvelles avec tristesse et désolation et priais le Seigneur de mettre fin à un tel déchirement. En vérité, les gens du peuple ne méritaient pas cela! Des plaies se sont ouvertes, les ont marqués atrocement de sorte que l’on puisse espérer qu’ils ne reproduisent jamais une telle bêtise, une telle abomination.
Ce même mois de février 1968, alors que les flammes ravageaient la ville, mon cœur s’embrasa; j’allais avoir dix-neuf ans et n’étais pas jusqu’à présent intéressé par l’amour et les filles. Lorsque je rencontrai ma cousine pour la première fois, j’eus l’impression déjà que nous allions nous entendre admirablement.