DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 22
Une nouvelle ère débutait pour moi au moment où je commençai à travailler au collège. J’avoue que, même à l’âge de vingt-deux ans, alors que je débutais dans l’enseignement, je n’avais absolument aucune notion dans l’art d’enseigner. Mais j’avais toujours eu pour habitude de m’accrocher comme je pouvais à toutes les chances qui se présentaient à ma portée au cours de mon existence.
Je m’étais suffisamment préparé pour pouvoir entretenir bien des choses qui pouvaient intéresser une classe. Je me débrouillais assez bien en français aussi bien qu’en anglais pour n’éprouver aucune crainte, aucune hésitation quand je m’adressais aux élèves.
Cette assurance de maîtriser mon langage devant une trentaine d’élèves qui m’écoutaient avec beaucoup d’attention me donna une confiance absolue et confirmait l’intérêt que je portais à l’enseignement et aussi les avantages que je pouvais espérer dans les jours à venir.
Je prenais la précaution de bien préparer à la maison les sujets que j’avais à traiter en classe afin de donner de moi-même une opinion favorable au regard des élèves qui se montraient très attentifs.
0n venait d’introduire dans les classes moyennes les mathématiques modernes et, bien que, pendant mes études, je ne les avais pas au programme, je prenais soin de me renseigner et de parvenir à un niveau avancé afin de maîtriser à fond cette matière. Imaginez un peu l’effort que je devais fournir pour parvenir à partager ma compétence !
Je pensais beaucoup au temps que j’avais passé à me débattre avec les problèmes d’arithmétique, d’algèbre, de géométrie, de trigonométrie dans les livres de Durell et Hall and Steven qui malheureusement n’étaient plus d'usage. J'avais tellement utilisé ces livres pendant mes études que je connaissais par cœur où trouver les pages exactes de certains exercices.
A quelques années d’intervalle, le système d’éducation avait complètement changé et l’introduction de nouvelles méthodes dans les établissements secondaires annonçait les changements et les progrès de l’esprit scientifique.
Les générations prochaines étaient remplies de promesses surtout faites aux jeunes élèves qui verraient s’ouvrir bien des portes dans un proche avenir.
L’éducation des enfants a toujours été une nécessité. De plus en plus de parents, heureusement, commençaient à comprendre que, sans une bonne éducation, un enfant ne pourra jamais remplir ses responsabilités plus tard quand il sera adulte et confronté seul à son existence.
L’importance de l’éducation d’un enfant, de l’instruction, est essentielle pour le préparer à entrer dans le monde où tout lui sera plus aisé, lui évitera beaucoup de malheurs, de calamités qui gâchent une vie.
Personne n’est à l’abri des tourments, de la misère, de tout ce qui existe de plus vil, mesquin, répugnant dans un monde où la corruption est en train de se propager rapidement, d’envahir les lieux les plus sacrés.
Quand je me trouvai devant bon nombre de mes élèves qui composaient une classe, je n’eus aucune peine à lire au travers des visages innocents encore de tout un chacun les traits qui les caractérisaient et qui démontraient déjà leur degré d’intelligence.
Mon rôle tout d’abord, je le savais avant d’enseigner, était de les comprendre, d’apprendre à les connaître, de manière à estimer leur capacité d’assimilation ; la tâche la plus importante pour moi était de cerner le caractère de chacun. Je considérais cela comme étant la base même de tous les rapports que nous lierions dans les jours à venir. C’était primordial et tous les résultats en dépendaient énormément. Maître et élèves devront entretenir des relations étroites pour que la confiance puisse s’établir, pour que les complexes se dissipent et pour que l’harmonie règnent et invitent à la compréhension, l’admiration, le respect, l’obéissance, l’intérêt.
Le but de l’enseignement généralement est d’aider les élèves dans les tâches qu’ils ont à accomplir dans leurs études, de leur transmettre un savoir dans la matière concernée, de manière à ce que le sujet exposé soit bien compris de tous et notamment des plus faibles. C’était avec ce genre de réflexion que j’abordais chaque classe. C’était partout les mêmes problèmes et le principe ne devait pas changer.
Pour que, dans l’esprit des élèves, il n’y ait pas de doute quant à la prééminence du professeur et pour que celui-ci leur laisse une forte impression, il faut bien sur, afficher une personnalité assurée.
Que ce soit dans la cour de l’école ou en classe, il n’y a qu’une place pour le maître qui doit s’imposer à leurs yeux, tant par son langage, sa tenue, son aspect soigné et sa présence. Tous ces éléments doivent, s’ils sont perçus, forcer au respect.
Il n’est tout de même pas facile de se faire aimer, obéir, respecter par tout le monde.