DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 9
Un extrait de mon autobiographie 'Le bon vieux temps'.
« Ce qui nous différencie des autres créatures c’est cette mémoire que nous possédons et que nous pouvous transmettre aux générations futures. »
Tout le long de l’année et particulièrement pendant les vacances scolaires, des fêtes étaient organisées. Les habitants de tout le village, et même de l’île, pouvaient participer. Les crèches, les enceintes des établissements scolaires, les cours des collèges, les centres sociaux, les couvents et nombreuses structures à caractère social et culturel étaient bondés des gens venus s’amuser les uns à côté des autres. Cela pouvait occasionner des rencontres fortuites, comme ce pouvait être l’occasion de fixer un rendez-vous, de nouer de l’amitié, de trouver un amour, qui sait, quant aux distractions, il n’en manquait vraiment pas.
Le grand jardin botanique de Pamplemousses organise chaque année son pèlerinage dont la date est fixée depuis longtemps pour que les pèlerins débarquent tôt le matin, venant des villes et des quartiers lointains. Chaque famille se regroupe sous l’ombre des arbres centenaires, sur des gazons soignés, dans des kiosques solitaires situés au milieu des bassins remplis des poissons affamés. Munies de leurs victuailles pour passer une journée mémorable, ces familles se retrouvent dans une ambiance survoltée, où le son des ravanes se mélange à la voix stridente des ségatiers en herbe qui seront rejoints par quelques danseurs saouls, pour que la fête dure jusqu'à la dernière lueur du crépuscule.
Au début de ma jeunesse, les voiles commençaient à s’écarter de mes yeux timides et innocents. Je portais mes regards assoiffés et vides d’expériences sur tout ce qui pouvait paraître singulier pour satisfaire ma curiosité.
Des que je fus admis au collège à Port-Louis je m’éloignais de mes parents et de mon village. Le cordon ombilical étant coupé je regardais le monde avec un œil différent et un état d’esprit nouveau.
Je trouvais du mal à m’adapter malgré que je fusse aimé, considéré. Les décors de la ville, avec ses maisonnettes entassées les unes auprès des autres, le climat inhabituel, l’atmosphère qui emplissait les rues et les ruelles, les trottoirs dont les pavés remontent à l’époque coloniale, les canaux de chaque côté des rues qui entrainaient l’eau des pluies étaient pour moi du moins des plus singuliers. Je mettais du temps à m’habituer.
Mes études en souffraient énormément. La chaleur accablante de l’été à laquelle je n’étais pas habitué me déprimait davantage. J’attendais avec beaucoup de patience le vendredi après-midi pour rentrer à la maison.
Mes liens s’étendaient, prenaient de l’ampleur dans la nouvelle société. Ma vision de ce monde commençait à s’élargir et ma connaissance aussi. Je commençais à comprendre la situation embarrassante dans laquelle je me trouvais et cela ne me plaisait guère.
Je compris qu’il n’y avait pas moyen dans un premier temps de changer quoi que ce soit. Je l’acceptais avec résignation et réticence. Je pensais que ce sacrifice me ferait profiter des fruits que cela m’apporterait plus tard.
Pourtant j’aurai pu me rendre à mon école par le bus tous les jours mais les parents en avaient décidé autrement. Mon cousin de Port-Louis faisait le même chemin de l’école et pourrait jeter un œil sur moi, ce qui était considéré comme une assurance pour mes parents.
Pourtant je ne regrette rien de ces deux années passées à Port-Louis. J’eus l’occasion de me familiariser avec nombreux amis que je perdis de vue par la suite.