DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 28
Après deux années entières passées dans l’enseignement, je reçus une proposition du Prime Minister’s Office pour un poste de Clerical Officer au Ministère de la Santé. Quitter le collège me peinait car j’y avais passé les deux plus belles années de ma carrière.
C’est avec beaucoup d’émotion que je me séparai des élèves auxquels je m’étais attachés et de mes collègues auxquels je m’étais habitué et que je n’aurais plus l’occasion de revoir après.
Je laissais derrière moi un rêve qui me revenait sans cesse à la mémoire et m’emplissait d’une joie indicible en revivant les beaux moments que j’avais vécus aussi bien avec mes collègues qu’avec mes élèves, dont j’ai revu certains au hasard.
L’enseignement a toujours été une de mes professions favorites et ce temps est tellement imprégné dans ma mémoire que les images continuent à défiler devant mes yeux. En outre, j’avoue, qu’en même temps que j’enseignais aux autres, j’apprenais énormément de choses qui m’aidèrent dans ma vie courante. En délaissant l’éducation et mon passionnant métier de professeur, je me demandais si je n’avais pas tort et que j’allais bientôt regretter ma décision mais j’étais tenté par l’emploi qu’on m’offrait, emploi plus rassurant et mieux payé.
Je réalisai de suite le monde de différence entre travailler dans un bureau ou une salle de classe. Entre s’asseoir derrière un bureau et se tenir devant des élèves pour les instruire, constater leurs progrès et contrôler leurs devoirs; entre enfermer son esprit entre quatre murs et l’exercer au profit d’élèves, stimuler les jeunes dans une classe. J’étais comme un poisson privé de l’eau du lac, qui jouissait de la liberté d’exercer toutes ses capacités pour être mis dans un aquarium exigu où tout est limité !
J’intégrai la section ‘Registry’ qui se composait de plusieurs autres Clericals Assistants et un ou deux Clerical Officer qui devinrent plus tard mes collègues. Le Registrar était Monsieur Alphonse, un homme âgé et bien aimable. J’étais l’assistant d’une collègue musulmane, elle aussi très agréable avec moi. Elle me guidait dans mon travail qui consistait à réceptionner le courrier et le classer dans des dossiers en respectant les règles déjà établies.
Le « Registry » ne représente à mes yeux aujourd’hui qu’une section banale de l’empire que représente en quelque sorte le Ministère de la Santé.
Je trouvais énormément d’occasions de parcourir, en tant que personnel de l’établissement, d’autres sections plutôt administratives du Ministère.
Je pus établir des rapports, dans de rares occasions, avec des fonctionnaires haut placés, sauf avec M. le Ministre que je pus apercevoir une ou deux fois à la rigueur.
Au collège, j’avais appris à diriger, commander, faire obéir, prendre des initiatives, écouter, corriger; au bureau j’apprenais à obéir, à me soumettre, à écouter. J’avais moins de responsabilités et ne me souciais pas pour le travail.
Cette façon de fonctionner changeait mes habitudes, ma conception d’un travail valorisant et faisait de moi un homme satisfait du peu de son travail. Les ambitions que j’avais nourries se volatilisaient et je ne faisais plus d’espoir, du côté de mon travail, d’y retrouver la passion, comme dans l’enseignement. Je tuais en moi tous mes désirs de vocations et laissais s’égrener les jours, sans enthousiasme, en me livrant aux activités que mon cercle de vie m’offrait.
Je ne faisais que débuter dans une carrière dont les promotions sont liées, non à la qualité de la personne, mais à son temps de service !
Les employés du Gouvernement reçoivent généralement le tribut de leurs parents, le respect de leurs voisins, de leurs amis, la confiance des gens.
L’objectif de tous les Mauriciens est d’avoir un emploi stable et rassurant.