DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 32
Jamais joies indicibles n’avaient autant empli un cœur prêt à se dilater. Je me voyais moi-même emporté par des vagues d’enthousiasme qui me transportaient dans des espérances folles et des projets doux et fous que je savourais dans la solitude de ma chambre.
En même temps que je donnais à mon père mon consentement afin qu’il fasse, selon l’usage, la demande de mariage qui allait permettre de démarrer la gigantesque machine de la célébration, j’annonçai également à mes amis mon intention de me marier sans toutefois m’empêcher de constater combien je les avais déçus et surpris à la fois pour les avoir caché la nouvelle et ne pas leur annoncer en priorité !
Ils me reprochèrent d’avoir concocté cette affaire à leur insu, alors que, par les liens d’amitié qui nous liaient, ils auraient dû être avisés bien avant.
J’essayai de leur faire comprendre que moi-même, j’avais dû faire un effort pour réaliser la réalité, le cadeau que mon père m’offrait. J’étais encore euphorique face à la matérialisation de mon rêve qui était au départ, financièrement difficile mais que mon père, en quelques arguments venait de rendre possible.
Je parvins à les persuader des troubles de mon esprit, de l’agitation de mes sentiments ces derniers jours entre mon projet de vivre en couple et les énormes difficultés qui venaient assombrir un tableau que j’aurais voulu sans nuage, les conflits entre sentiments et raisons, les nuits blanches, les désespoirs de ne pas trouver à ce désir d’issue.
Par la suite, au cours de nos conversations, nous eurent l’occasion de revenir sur cet épisode et discuter entre nous des bénédictions et des méfaits d’un mariage. Les derniers soirs avant la cérémonie, pour profiter de ces derniers jours entre amis où nous étions encore soudés comme des frères, nous prîmes l’habitude de passer des heures jusqu’au petit matin à trinquer et bavarder dans quelque restaurant du village.
Ma cousine se trouvait encore â Maurice quand l’écho de notre mariage résonna dans les oreilles de tout un chacun. Pour ma part, je n’avais nullement le temps de considérer les effets que cette nouvelle causait dans les familles.
A juger de l’importance dont je faisais l’objet par le fait que j’occupais un emploi modeste dans le gouvernement, beaucoup de parents qui me connaissaient bien gardaient l’espoir de me voir m’intéresser à une de leur fille. Leur déception fut profonde et leurs espérances s’évanouirent au moment où tous apprirent notre mariage.
Mes respects envers la famille m’ont toujours incité à me montrer discret et réservé à leur égard. J’ai toujours tenu à manifester autant de considération aux uns qu’aux autres dans les rapports que j’entretenais avec le milieu familial où toute absence est gravement marquée et où chaque présence est source de joie.
L’amour que je portais à ma cousine durait déjà depuis sept années au vu et au su de tout le monde. Aussi, si maintenant nous décidions de nous marier, ce ne devait absolument pas être une surprise pour tous ceux qui nous connaissaient et avaient suivi les hauts et les bas de notre liaison.
Il aurait pu advenir que, en raison de la très longue durée de notre histoire, la rupture survienne avant que nous ayons pu trouver le moyen d’organiser cette cérémonie à laquelle nous tenions profondément. Mais l’ultime effort de nos parents nous offrant ce cadeau inestimable, permit à notre amour de se fortifier, de grandir encore et d’être enfin scellé par un mariage !