Les chemins de l'émigration 4
Les chemins de l'émigration 4
M. Soleman Vidat était compté parmi ceux qui avaient le moyen. Personnage bien connu de la ville il présentait une forte personnalité et était respecté et considéré non seulement par les gens ordinaires mais aussi par ceux qui étaient hauts placés. II parlait bien le français et était très loquace. Il portait toujours un bonnet turc sur la tête. Son visage était tanné et ses yeux remplis de bonté et de sagesse. Il avait l'habitude d'accueillir chez lui des compatriotes qu'il rencontrait au hasard et qui cherchaient des aides; il s’occupait des autres qui venaient frapper à sa porte pour demander hospitalité. II était réputé pour ces bienfaisances. Il ne réclamait jamais de l'argent. Il avait fait aménager plusieurs chambres d'amis chez lui dans le seul but d'héberger ceux qui étaient dans le besoin. Plusieurs employés travaillaient pour lui dans des ateliers aménagés à l'arrière-cour et démontraient que son travail prenait de l'essor. Ses trois fils, mariés déjà à des filles de bonnes familles de la région et qui occupaient chacun une chambre de la maison, l'aidaient dans son commerce. Il les avait formés dans le métier depuis leur très jeune âge. II avait voulu aussi assurer la relève et n'avait pas hésité de leur donner le sens des responsabilités très tôt et le goût pour le travail. Au début c'était très dur et il aurait dû exercer plusieurs métiers avant de devenir marchand de meubles. Il avait fait appel à des bons artisans des hauts et avait commencé à faire fabriquer ses meubles de qualités dans un minuscule atelier qu'il fit agrandir au fur et à mesure que son travail lui rapportait de l'argent.
C'était de cette manière qu'il avait développé son commerce et avait fait de l'économie pour plus tard acheter le bâtiment qui l'abritait avec sa famille. Il ne voulait pas que ses fils allassent habiter ailleurs. Quatre jeunes filles, qui occupaient chacune une chambre, contribuaient aux charmes de la maison. Elles étaient pour l'instant heureuses sous le toit paternel et le père n'était pas pressé de les marier.
Mme Ghanee et son fils Abdul Rajack occupaient une chambre à l'étage qui donnait sur le balcon. C'était une vaste pièce dans laquelle deux lits à colonnes étaient installés contre les cloisons opposées; un placard, une coiffeuse, une table et deux chaises complétaient l'ameublement. Sur le mur peint de couleur verte pale, des cadres représentant les plus grandes mosquées du monde arabe étaient suspendus et rappelaient les grands moments de la conquête de l'islam. Une pièce était également prévue pour la prière et des chapelets, un Coran était soigneusement posé sur une étagère installée dans un coin.
Mme Ghanee n'en revenait pas. Elle était en train de vivre ces moments comme dans un rêve. Les bagages transportés par les employés de M. Vidat se trouvaient dans une chambre étroite et vide, contiguë à la chambre. Mme Ghanee était allée saluer Mme Vidat; elle avait échangé avec elle des propos agréables, ne cessant pas de la remercier de son hospitalité; elle avait fait la connaissance des enfants et autres membres de la famille. Elle se rendit ensuite dans sa chambre, changeait de parure et venait s'installer dans le vaste séjour où Mme Vidat l'avait invitée pour faire ample connaissance avant de passer à table dans la salle à manger où les membres étaient réunis pour le déjeuner.
© Kader Rawat
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