Les Amants de l’île Bourbon 2
Les Amants de l’île Bourbon
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Nous avons souvent besoin de nous exprimer pour libérer notre cœur des maux qui l'affligent et pour nous soulager. Ce que je vais raconter se rapporte particulièrement à une idylle que j'ai vécue dans le plus grand désordre et dans d'incessants tourments au fin fond des îles. Je reconnais les risques que je prends en racontant ma vie. J'ai eu des déceptions là où je croyais avoir de la gloire. Je désirais tellement vivre comme je le voulais sans jamais songer aux malheurs qui m'attendaient. J'étais aveuglé des charmants moments de la vie. N'est-il pas vrai que la joie nous fait oublier nos peines? Comment pourrais-je prévoir des malheurs quand j'étais si heureux? Les folies de la jeunesse nous poussent à commettre des bêtises. Les plus doux moments de notre vie sont ceux que nous passons avec la personne que nous aimons. Nous cherchons tous des moyens à rendre notre vie agréable? Nos meilleurs contacts sont dans la douceur de l'amitié. Nous nous engageons souvent dans des conversations qui traitent sur la vertu, sur les faiblesses de la nature humaine, sur des problèmes qui nous concernent dans notre vie sentimentale. Les pensées qui nous occupent l'esprit sont ceux qui se rapportent à notre milieu social, aux personnes qui nous sont les plus proches, aux liaisons que nous gardions dans notre société et aux sentiments que nous évoquions aux gens de notre entourage. La vie n'est qu'un jeu où nous avons autant de chance de gagner que de perdre. Nous devrions nous montrer courageux pour l'affronter avec dignité. Nous attendons toujours d'elle le meilleur moment. Nous ne pouvions pas tous vivre de la même façon. Le Seigneur l'a décidé ainsi. Il est vrai que certains sombrent dans le désordre sans pouvoir se relever tandis que d'autres luttent pour survivre. Nous avons besoin de l'aide. Nous sommes souvent victimes de nos propres actes. Nous devrions nous accrocher à l'existence. Nos efforts sont récompensés après de persistantes luttes. Notre destin y dépend beaucoup. Je me laissais entraîner dans une succession d'aventures passionnantes. Je trouvais tant de joies dans le bonheur que j'aspirais. C'était suffisant pour être heureux. J'aurais dû apprendre que la félicité est éphémère. Ne cherchons nous pas ces plaisirs qui nous comblent le cœur et nous embellissent l'existence? Le jour où je connus le bonheur j'étais prêt à tout sacrifier. Je perdais le sens de raisonnement et me dirigeais tout droit vers le désastre. J'aurais pu m'en tirer si je pouvais raisonner. Quel conseil n'avais-je pas reçu, quel avertissement ne me donnait-on pas, quelle réflexion ne me passait pas par la tête sans m'influencer? Je les avais tous écartés pour une passion. Je n'avais qu'un seul désir : Aimer.
Je débarquais à Port-Louis en Septembre de l'année 1787. Mon oncle était venu m'accueillir sur le quai et m'avait emmené à sa magnifique résidence. Mes parents me parlaient souvent de l'île de France où je naquis d'ailleurs et où je passais mon enfance. J'avais de vagues souvenirs de ce temps passé. J'étais peut-être encore enfant pour comprendre. Je me rappelle par contre des charmants moments que je passais en compagnie de mes parents. J'avais l'habitude de me rendre dans la journée chez des voisins pour jouer avec des enfants de mon âge. Je redoutais le mauvais temps qui avait souvent laissé des mauvaises impressions sur mon état d'esprit. On parlait souvent lors des conversations du naufrage de Saint-Géran. La mort tragique de Paul et de Virginie était un événement qui bouleversait nombreuses familles. Nous étions même allés voir leur tombe à la Baie du Tombeau.
Mon père était le fils d'un baron qui connut diverses infortunes et qui terminait ses jours dans le cachot pour des délits graves dont on n'en avait jamais parlé mais que je soupçonne d'avoir des liens étroits avec la politique. Engagé par une Compagnie Maritime comme conseiller technique, mon père suivait avec grand intérêts divers travaux d'aménagement entrepris par des ingénieurs venant de France. Il rencontra ma mère lors d'un banquet donné par Monsieur le Gouverneur au Château de la Ville Bague. Ils ne se quittaient plus depuis. Le mariage fut célébré en grande pompe au Château de Mon Plaisir.
Mes parents étaient allés habiter une superbe maison dans le quartier de Pamplemousses. Ils menaient une vie modeste, étaient entourés des gens de leur milieu qu'ils rencontraient souvent dans des fêtes et des réceptions qui désormais ne plaisaient guère à ma mère. Elle préférait retourner vivre à Paris. Elle s'était mariée, disait-on, pour se ranger et pour assouvir quelque peu ses désirs qui furent très mal interpréter par mon père. Elle était prête à tout sacrifier pour retourner dans sa ville natale Paris qui la manquait énormément. Mon père se plaisait par contre énormément dans l'île. Il se rendait souvent à l'île Bourbon pour surveiller et contrôler les travaux en cours. Ma mère d'habitude l'accompagnait mais détestait ces déplacements pénibles et lassants. Les maisons dans lesquelles ils devaient se loger n'étaient pas confortables. En été, elle n'arrivait guère à supporter la chaleur quand elle devait résider dans la Capitale pendant que mon père s'occupait à travailler.
Mes parents s'engageaient souvent dans de violentes disputes qui empoisonnaient déjà leur existence. La vie avait un goût amer. Oncle Henri, cousin de mon père, qui se trouvait dans l'île pour s'occuper de ses affaires habitait à peu de distance de la maison. Il intervenait souvent dans les conflits qui opposaient mes parents dans leur vie conjugale. Ma naissance n'apportait guère de changement dans la manière dont mes parents avaient choisi de vivre leur vie. J'étais peut-être venu au monde au mauvais moment.
Quand le contrat avec la Compagnie Maritime vint à son terme, mon père trouvait une raison valable pour retourner vivre en France. Je fis mon premier long voyage en mer. Mon oncle nous écrivit de longues lettres et nous parlait de la tristesse dans laquelle il se trouvait après notre départ. Il ne cessait de nous demander de retourner dans l'île. Les lettres s'entassaient dans le tiroir sans que mes parents n'en portent attention. Mon père s'était lancé dans le commerce et était très occupé dans les affaires. Il élargissait le cadre de ses relations et était souvent retenu ailleurs pour conclure des contrats d'une importance capitale. Ses affaires tournaient bien. Il faisait de bonnes relations qui lui ouvraient les meilleures portes du monde avec une grande rapidité. Il s'occupait de mon éducation avec soins. Je me montrais très sage à l'école et travaillais avec ardeur et application. Mes maîtres éprouvaient beaucoup d'estime pour moi.
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ne peut être que fortuite.
©Kader Rawat