Des vacances inoubliables 1
Des vacances inoubliables 1
Alors que la vie reprenait son cours normal et que je commençais à m'adapter sans trop me plaindre, malgré le froid intense qui s'abattait sur Paris, une visite improviste d'un jeune étudiant que mon père avait envoyé, à la fois pour prendre de mes nouvelles que pour me remettre une parcelle contenant une belle robe pour moi et des présents pour Akbar.
Akbar se montrait curieux et m'aidait souvent à briser le silence dans lequel je me réfugiais habituellement quand je n'avais personne avec qui bavarder. Je saisissais donc l'occasion de parler longuement de mon père et de l'Île de la Réunion. J'étais comblée de cette marque d'attention si significative pour moi. J'écrivis ce soir-là à mon père une longue lettre jusqu'à fort tard, lui remerciant de ses cadeaux et lui assurant de mes sentiments à son égard. Il voulait savoir, dans une lettre qu'il m'avait adressée par la même occasion, si je n'avais besoin de rien et si je tenais absolument à continuer à vivre en France. Je lui affirmais que, bien loin à vouloir lui déplaire ou même lui décevoir, mon intention restait inchangeable, d'autant plus qu'il connaissait la vraie raison que je ne souhaitais pas une fois de plus mentionner. Mais outre tout cela, de passer des bons moments toute seule en sa compagnie était le désir ardent que je ne pouvais ne pas lui communiquer. J'étais disposée de passer mes vacances auprès de lui s'il s'arrangeait pour se trouver seul., sans la femme qui partageait sa vie. Et puis, mon fils devrait connaître son grand-père un peu mieux. Un père et une fille, séparés par les aléas de la vie et éloignés par un mauvais coup du destin, n'ont-ils pas toutes raisons au monde de se revoir pour se rapprocher et consolider ce lien familial qui a pendant longtemps enduré les épreuves de l’existence? C'était cette phrase qui fit germer l'idée à mon père de nous décider, par un accord commun, de nous retrouver dans un endroit précis pour les prochaines vacances.
Mon père était venu me rejoindre au début du mois d'août. Il s'était installé dans un hôtel et m'avait téléphoné dans mon bureau pour me prévenir qu'il viendrait me chercher le soir pour que nous dînions ensemble dans un de ces restaurants luxueux. J'étais si contente que j'avais demandé permission à mon patron de sortir tôt dans l'après-midi afin d'aller récupérer Akbar à la médersa et me préparer pour rencontrer mon père. Je savais qu'il pourrait débarquer devant ma porte à n'importe quel moment et je ne voulais pas lui donner cette impression de mener une vie qu'il ne pourrait approuver et qui pourrait l'affecter profondément. Je préférais prendre mes précautions, d'être à l'avance et me parer de toutes éventualités. J'avais mis de l'ordre dans ma petite maison et avait préparé Akbar depuis très tôt sans que lui-même ne pouvait comprendre ce qui se passait. Je lui avais réservé la surprise.
Il n'était pas encore sept heures quand mon père était venu me prendre dans une voiture de location et nous emmené au cœur de Paris dans un restaurant que j'eus tout le plaisir de découvrir et d'apprécier. Nous avions parlé de tas de choses au cours de ce dîner que nous étions obligés d'abréger parce que Akbar tombait de sommeil. J'avais compris que mon père avait de gros problèmes avec son épouse et qu'il n'avait plus le courage de diriger ses entreprises dans l'état où il se trouvait. Il voulait me faire comprendre qu'il n'avait aucune raison de se tuer dans le travail s'il n'avait personne pour lui succéder. Il était temps pour moi de me décider de me joindre à lui afin de lui permettre de développer ses activités comme il le souhaitait. Il avait dépensé suffisamment d'énergie depuis qu'il se débattait dans le commerce pour ne pas continuer à tenir bon jusqu'au bout et de contempler du haut de son piédestal le fruit des années de labeurs et de luttes acharnées. Il avait jugé bon de me tenir au courant de cet état de chose et de m'exprimer son ardent désir de m'avoir à ses côtés pour l'épauler à accomplir un travail dans lequel il s'était tant dévoué. Il voulait passer également quelques moments agréables en ma compagnie. Je lui avais trouvé fort déprimé et par moment soucieux de ce qui pouvait lui arriver. Il n'avait personne en qui mettre toute sa confiance et avait l'air parfois d'un homme perdu. C'étaient des faiblesses que je parvenais à déceler pendant le peu de temps que je passais à ses côtés. J'avais toute raison de croire que la situation était beaucoup plus grave que cela semblait être au moment où mon père laissait échapper des bribes de ses sentiments cachés et frustrés. Ce n'était pas de son habitude de faire des confidences mais à savoir maintenant les raisons qui lui avaient poussé à me parler de la sorte était une question que je ne cessais de me poser pendant que je me trouvais toute seule chez moi.
J'avais bien compris que mon père avait besoin de moi à ses côtés pour reprendre courage afin de donner plus d'ampleur à ses activités et aussi un sens à sa vie. Étais-je prête à me mettre à côté de lui pour lui épauler dans ses entreprises ? Ce n'était pas la première fois qu'il m'exprimait son désir de me voir se ranger à ses côtés. L'autre fois je n'avais pas pu prendre une décision parce que l'idée était nouvelle et que je n'avais pas encore eu le temps de réfléchir là-dessus. C'était la raison pour laquelle je n'avais pas voulu aborder la question. Cette fois-ci il valait mieux que je réfléchisse bien avant de prendre une décision.
De venir passer les vacances avec moi n'était qu'un prétexte, je le savais depuis le début. Ses affaires pouvaient difficilement lui permettre de telles fantaisies. Pourtant il était venu me voir avec des idées bien définies. Il m'avait beaucoup questionné sur ma condition de vie. Il était venu chez moi pour voir de quelle manière je vivais et pour se faire une idée de ce que je possédais. Je ne vivais pas dans le luxe et chez moi il n'y avait rien d'attrayant. Ma vie était modeste mais je me sentais bien. C'était l'essentiel.
©Kader Rawat
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