Dans la jungle de l’existence 2
J'avais changé de "look" depuis un certain temps ; non seulement j'avais adopté une nouvelle coiffure mais je portais également des lunettes solaires. Je savais que cela faisait classe. Les produits de beauté, le maquillage et les fards qui venaient compléter cette transformation me faisaient paraître comme une fille libérée de l'époque.
J'avais reçu une lettre de Devika qui m'avait fait beaucoup plaisir. Elle m'apprit qu'elle avait effectué un voyage agréable jusqu'à Delhi et qu'elle n'avait pas rencontré des difficultés. Le plus grand moment était quand elle rencontrait le docteur Ajay à l'aéroport. Il était venu l'accueillir personnellement, accompagné d'une ribambelle d'enfants l'offrant des fleurs. Ses enfants se portaient très bien et parlaient de moi très souvent dans leur conversation. Elle s'était rendue dans sa maison en voiture. Le peu de choses qu'elle avait vues en Inde l'avait fascinée. Elle commençait à s'adapter dans la nouvelle société où elle souhaitait passer le reste de ses jours. « C'est un pays merveilleux », écrivait-elle, « et je souhaite que tu viennes me rendre visite un jour ». Elle m'avait promis de m'écrire une longue lettre quand elle serait bien installée.
Cette lettre m'avait rassurée sur la situation de Devika. J'étais contente qu'elle se plaise dans sa nouvelle vie. Je l'écrivais quelques jours plus tard pour l'informer de mes nouvelles et pour la raconter de quelle manière je me débrouillais toute seule. Je ne cessais de la rappeler combien elle me manquait et combien j'avais hâte de la revoir.
Le soir, je me demandais ce qui me retenait vraiment à Marseille. Je voyais mille possibilités d'affronter l’avenir autrement au lieu de perdre mon temps dans cette jungle où mon existence n'avait aucun sens. L'idée de retourner à l'Île de la Réunion me revenait souvent à l'esprit et, qu’avais-je à raconter à mes parents après plusieurs d'années d'absence ? Me revoilà avec un enfant dans les bras. Tous les ragots qui allaient être dits sur mon compte suffisaient à me faire regretter d'avoir pris de telle décision. Je connaissais très bien les gens que j'avais côtoyés pendant des années pour ne pas comprendre les langages qui seraient utilisés contre moi, les regards qui me seraient lancés, la froideur avec laquelle je serais accueillie, et la manière dont je serais traitée. N'est-ce-pas suffisant pour me faire éloigner de ce monde où mon existence n'avait aucune signification? Mais quand je pensais à mon fils, à son avenir, je me sentais prète à affronter tous les obstacles qui se présentaient sur mon chemin.
©Kader Rawat
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