Devika, la mauricienne 3
Mon congé de maternité arrivait à son terme. Akbar commençait à s'adapter au rythme de la vie quotidienne que je menais. J’engageais une nounou pour s’occuper de lui pendant mon absence. Il se montrait sage dans la journée de manière que la nounou n'éprouvait aucun problème. Cela me permettait de me reposer aussi. Je descendais parfois en ville pour faire des courses et me permettais de m'absenter de la maison sans me faire du souci. Devika devait récupérer des pièces administratives à Londres. Elle décida de s'y rendre avec les enfants. J'étais inquiète quand elle était partie. Elle était retenue pour compléter d'autres démarches administratives. Elle me téléphona pour me raconter que le docteur Ajay la cherchait et qu'il avait laissé des messages au concierge de l'immeuble dans lequel elle habitait. Le concierge lui remit une lettre qui datait une année auparavant dans laquelle il la dévoilait ses désirs de pouvoir partager son existence avec elle. Il ne cessait de penser à elle et aux enfants. Il souhaitait tellement les avoir auprès de lui. Il les avait cherchés pendant des semaines. Il les attendait à tout moment. Elle dut s'adresser à un notaire qui l'informa que le docteur Ajay Chowdurry avait mis à sa disposition une maison à New-Delhi, en indiquant l’adresse précise. Si Devika acceptait, le notaire ferait le nécessaire pour les passeports, les visas et les billets de passage.
Devika retournait au bout de deux semaines époustoufflantes. Elle voulait avoir mon avis. Je ne pouvais pas faire mieux que de l'encourager à aller rejoindre le docteur Ajay en Inde. Elle devait saisir sa chance. L'avenir de ses enfants en dépendait beaucoup. Elle avait pendant longtemps pataugé dans la misère pour ne pas éprouver de la joie de voir de belles perspectives s'ouvrir devant elle. Combien ne remerciait-elle pas le Seigneur d'avoir entendu ses prières. Elle avait des idées confuses et ne savait comment démontrer son enthousiasme.
L'ombre de la tristesse s'était emparée de moi quand je constatai que j'allais perdre une amie. Devika se dirigeait vers le bonheur auquel tout le monde aspire. J'étais heureuse de constater que sa vie s'arrangeait de cette manière. Mes bénédictions les accompagnaient partout. A qui allais-je confier mes peines et qui allait m'écouter et me consoler ? Mais si le destin avait voulu nous séparer de cette manière après que nous ayons trouvé dans la douceur de l'amitié tous les bonheurs qui nous avaient accompagnés dans notre vie solitaire, nous étions obligés de l'accepter sans rechigner. Nous n’avions aucun regret pour ces moments inoubliables que nous avions passés ensemble et dont nous gardions de merveilleux souvenirs. Je me réconfortai en énumérant les raisons plausibles qui poussaient les gens étroitement liés à se séparer. Je parvenais à atténuer mes peines en imaginant Devika dans son bien-être, entourée de sa petite famille, à savourer le confort que sa nouvelle vie allait lui procurer. Ce tableau me revenait si souvent à la mémoire que je ne pouvais ne pas le raconter à Devika. Elle éprouvait les mêmes peines à se séparer de moi. Mais elle ne me cachait pas ses joies d'aller à la rencontre de l’homme qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer. Je cherchais donc à partager avec elle ce bonheur auquel elle aspirait tant.
J'étais allée la déposer à la gare un l'après-midi et, après que nous ayons fait nos adieux sans nous empêcher de verser abondamment de larmes, nous nous séparâmes le cœur gros et la gorge serrée. Tandis que le train emportait la seule amie qui comptait beaucoup pour moi, j'aperçus se refermer cet épisode de ma vie avec la plus grande tristesse. Mon fils me permettait de remonter ce handicap par toutes les distractions que je trouvais en sa compagnie.
©Kader Rawat
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