UN ÉTAT DE CONFUSION
UN ÉTAT DE CONFUSION
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Entretemps mes yeux commençaient à s’habituer à la pénombre et découvraient les recoins enfouis dans la profondeur de la chambre. J’apercevais des objets qui prenaient forme et cherchais à les comprendre en continuant à porter mes regards scrutateurs et remplis de curiosité sur la moindre silhouette qui se dessinait. Mes efforts tout de même restaient vains sur certains objets qui n’avaient aucune forme. Je n’insistais pas trop à chercher à percer le mystère de la chambre. Je me résignais à fouiller dans mes souvenirs, ma rencontre avec le type qui s’était présenté dans le magasin afin de raconter à la dame avec tout l’art que je pouvais déployer de mon langage pour la faire écouter au sujet de son fils, ce qu’elle attendait avec impatience.
Nos voix s’étaient tues. Le silence était complet. Je pouvais entendre les froissements de vêtements. Je compris que la dame se redressait pour m’entendre. J’hésitais avant de commencer à parler. Je prenais tout mon temps comme pour la faire languir d’apprendre ce qu’elle désirait tant. Je me plongeais parfois dans une profonde réflexion en laissant une phrase inachevée. Je cherchais mes idées, mesurais mes paroles avant de prononcer avec discernement mes mots. Je me montrais prudente afin de ne pas raconter n’importe quoi. Je tenais à ne rien omettre des impressions que m’avait laissées ce monsieur, aussi beau, élégant qu’il paraissait, le prétendu fils de la dame. En dépit de mes minces connaissances à son sujet et de peu que j’en avais à dire je constatais que je ne m’en sortais pas mal.
J’avais la notoriété d’être une bonne comédienne et une bonne blagueuse par le biais des activités que j’exerçais. Donc quand j’avais commencé à étaler le peu que je savais je n’avais eu aucune peine à charmer au plus haut degré cette dame par le langage que j’avais déployé et par le récit minutieux que j’avais fait. Elle ne faisait que pousser des soupirs et des soubresauts en m’écoutant, ne pouvant assurément retenir ses émotions.
A la fin de mon récit, j’avais dû attendre longtemps avant qu’elle ne m’adresse la parole. Sa gorge m’avait paru serrée par l’intensité de douleur ressentie en elle-même. Elle devait se trouver dans un état pitoyable et devait souffrir atrocement l’absence de son fils. L’avais-je fait plus de mal que de bien en parlant de lui ? J’étais moi-même dans un état de confusion quand je constatais ses souffrances sans pouvoir ni comprendre ni agir devant la situation. Je voudrais tellement la voir, la consoler, la dire combien elle se faisait elle-même des torts en se comportant comme telle. Comment pouvais-je deviner sa réaction ? Je me sentais mal à l’aise de la position dans laquelle je me trouvais, ridicule même que je voulais me retirer au plus vite possible afin de ne pas assister aux souffrances de cette malheureuse dame qui avait fait le choix de vivre cloitrée.
– Je dois m’en aller, madame. Le destin a voulu que cette rencontre se fasse quoi que dans les plus drôles de façon. Je ne regrette rien sauf de n’avoir pas eu le plaisir de vous voir. C’est vraiment dommage que j’aille devoir vous quitter sans pouvoir laisser dans mon imagination une image de vous. C’est votre choix et je le respecte. Mais croyez-moi ce n’est pas le désir qui me manque à vous connaître davantage et pour cela c’est vous seule qui décidez.
– Vous avez raison mademoiselle, me dit-elle de sa voix rauque, grave et remplie d’émotion. Il est temps de nous séparer. Mais croyez-moi vous m’avez fait énormément de plaisir en me parlant de mon fils comme je voulais bien l’entendre. Je vous en suis reconnaissante. Ne m’en voulez pas de vous avoir reçue de cette manière. Je vous demande de me pardonner. Je suis sûre que vous le comprendrez quand vous saurez la raison.
– Ne vous inquiétez pas, madame. Je ne vous tiens pas rigueur pour cela. Je présume que vous devez avoir de bonnes raisons pour vous comporter de la sorte. Je prierai Dieu Tout Puissant de vous donner goût à la vie, confiance et vous emmener une fois de plus dans ce théâtre qu’est le monde où je vous assure vous avez beaucoup à faire, vous avez votre mission à accomplir d’ailleurs comme chaque être humain.
– C’est réconfortant ce que vous me dites, mademoiselle. Je souhaite aussi quitter ce monde comme une bonne croyante. Je garde l’espoir de retrouver mes forces pour affronter le monde ici-bas. Mais pour l’instant, croyez-moi, je n’ai vraiment pas le moral.
J’avais cette impression de parler à un fantôme. Je n’entendais que la voix sans voir personne. Cela me perturbait de telle sorte que je me demandais si vraiment un être vivant était en train de m’adresser la parole. Il se peut que l’on ne comprenne pas quel effet cela fait de parler à une personne que l’on ne peut voir. Mais croyez-moi, ce n’était pas drôle du tout. Pourtant j’avais moi aussi besoin de lui adresser la parole.
– Bien, dis-je, je dois prendre congé de vous, madame. Je vais m’assurer que les marchandises achetées par votre fils ont bien été livrées et je vous souhaite de passer une bonne soirée. Au revoir madame.
– Au revoir, mademoiselle.
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