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au comble du désespoir
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Sur le chemin du retour je n’avais pas hésité d’en parler à Salim de ce que j’avais appris de cette dame mystérieuse et de son histoire telle qu'elle me l'avait racontée. Le rapport qu’elle entretenait avec son fils, pour lequel une livraison de marchandise avait été effectuée, m’avait laissé sur ma faim. Salim m’avait écouté parler pendant un long laps de temps avant de me dire que je n’avais pas à me faire une maladie de tout ce que j’aurais pu comprendre de cette histoire. Il y existait un peu partout dans l’île et dans le monde un tas d’histoire de ce genre qui, si nous en tenons compte, pourraient nous pourrir l’existence et nous donner des insomnies. Je demeurais tout de même perplexe de ce que j’avais appris et me montrais très intéressée à connaitre cette dame davantage. Elle avait laissé dans mon état d’esprit une forte impression que j’avais pensé à elle pendant longtemps après.
Pendant un certain temps j’étais débordée de travail et Salim aussi de son côté n’avait pas le temps de respirer que nous nous voyions rarement. Au mois de Mars le temps était plutôt pluvieux et les dépressions qui se formaient dans les Mascareignes provoquaient de fréquentes instabilités au climat. Une de ces dépressions se transformait en cyclone qui causait de dégâts considérables à son passage sur l’île. Les marchandises exposées dans des entrepôts subissaient des préjudices graves et entrainaient des pertes énormes. Le vent avait arraché les tôles ondulées ; le magasin était inondé et Salim perdait dans cette catastrophe naturelle non seulement tout son stock mais aussi tout l’argent qu’il avait investi. Il était un homme ruiné. Ayant commis la négligence de ne pas souscrire à aucune assurance, il n’avait que ses yeux pour pleurer. Pour comble de malheur, quelques semaines après avoir subi à une telle épreuve, alors qu’il commençait à récupérer ce qui était récupérable dans la ruine qu’il lui restait, un court circuit causé par les fils électriques déclencha un feu et embrasa et le magasin et l’entrepôt qui se réduisaient en cendre avant même que les pompiers eurent le temps d’intervenir. Le matin de ce sinistre Salim empiétait, tout effondré, les décombres.
Je ne parvenais pas à comprendre de quelle manière Salim se faisait autant pourchassé par la malchance qu’en si peu de temps tout l’espoir qu’il entretenait de pouvoir améliorer sa situation s’anéantissait, ne se brisait comme personne ne l’aurait imaginé. Je me trouvais dans une tristesse inouïe de constater les peines que subissait un homme pour lequel je commençais à éprouver des sentiments. Mon père était bouleversé à tel point qu’il avait perdu l’usage de la parole pendant un certain temps. Ce revers de situation avait poussé Salim à se replier sur lui-même qu’il s’était retiré dans sa demeure à la Montagne pour ne plus avoir l’envie de voir personne. Je m’étais déplacée en compagnie d’Akbar pour aller lui rendre visite afin de lui assurer que nous nous trouvions à ses côtés et qu’il ne devait pas baisser les bras et que nous étions prêts à l’aider à se relever de cette situation. Il m’avait écouté avec un esprit évasif qui me faisait penser qu’il n’y croyait pas trop s’il pouvait vraiment trouver suffisamment de force pour se relever ou même s’il en avait vraiment l’envie tant le courage le manquait. Au fait, ce qui intriguait le plus Salim c’était les dettes considérables qu’il avait cumulées, les échéances qu’il avait signées, le découvert que la banque l’avait accordé sous des garanties spécifiques alors que ses affaires commençaient à prendre de l’ampleur. Il était conscient que ce qui l’attendait dans un proche avenir serait lourd à gérer et son seul bien, cette maison à la Montagne, en subirait les frais. Que faire quand il avait compris que la voie de l’avenir était sans issue et qu’il n’avait aucun moyen pour s’en échapper. Quiconque qui tenait à réussir, qui comptait garder son seul bien qui lui tenait tellement à cœur, qui faisait tout sa fierté ne réagirait pas comme il le faisait.
Dans ce moment de tourment et de turpitude, au lieu de faire face à la situation financière quasiment désespérée et chaotique, Salim avait choisi de quitter le département pour aller trouver refuge ailleurs. J’avais bon lui faire comprendre que ce n’était pas une bonne idée et qu’il ferait mieux faire face à la situation, trouver des solutions pour régler ce problème à l’amiable avec ses créanciers et sa banque. Il l’avait jugé trop lourd à supporter et savait au fond de lui-même qu’il n’était pas à la hauteur de pouvoir s’en sortir sans laisser des plumes. Je n’avais pas trop voulu m’impliquer dans cette affaire quand j’avais appris que mon père lui avait avancé une importante somme d’argent pour se lancer dans les affaires. Je me retenais à en savoir davantage sur le rapport que mon père entretenait avec Salim. Mais je savais qu’il le faisait à cause de moi parce qu’il souhaitait nous rapprocher en gardant l’espoir que nous allions nous entendre sur le plan sentimental. Ce qui n’était pas une évidence. Je me mettais tout le temps sur mes gardes et au bout du compte je ne m’étais pas trompée. Quand Salim avait quitté le pays, je ne m’étais pas autant sentie soulagée. Je n’éprouve aucune honte ici de dire ce qui en était de la situation. La vie m’avait tellement endurci le cœur que quiconque pourrait imaginer que je devais surement avoir un gros problème pour me comporter comme telle. Absolument pas. J’étais aussi lucide comme je ne l’avais jamais été.
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©Kader Rawat