À la recherche d'un jeune homme perdu dans la nature.
À la recherche d'un jeune homme perdu dans la nature.
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Je pus à peine distinguer deux silhouettes dans la lueur faible que projetait la lanterne. Une se trouvait debout tout près du brancard tandis que l’autre, probablement celui qui n’avait pas encore prononcé une seule parole et qui s’appelait le vieux Cheik, se trouvait assis encore dans la charrette, derrière la jument dont les pattes, sous le reflet de la lumière, se prolongeaient, comme celle de géants, dans la pénombre.
– Qu’est-ce que cela nous servira Ragounadan, répondit le vieux Cheik, que nous rencontrions qui que ce soit ? Ne sommes-nous pas capables de nous occuper de nous-mêmes ? D’ailleurs je me sens mieux, et les tisanes me font beaucoup de bien. Mais, à mon âge, je ne peux pas avoir les vigueurs d’un jeune homme.
– Laisse-moi t’aider à descendre vieux Cheik. Je suis sûr que nous avons des choses à faire avant de nous reposer. Cette demeure me paraît étrange et sinistre. Les bruits que nous faisons et notre lumière auraient dû attirer l’attention du chien que nous avions entendu aboyer tout à l’heure. C’est quand même bizarre qu’avant notre arrivé il aboyait comme s’il voyait le diable. Cela m’étonne qu’il n’y en ait pas dans le parage. Maintenant que nous sommes si près de la maison il s’est tu et ne se montre pas. Comment peux-tu m’expliquer tout ça vieux Cheik, toi qui as vécu si longtemps, qui a beaucoup d’expérience et qui connaît bien les manifestations singulières des animaux.
– J’ai l’impression que nous ne sommes pas seuls Ragounadan.
– Vieux Cheik, vieux renard pensai-je, si tu savais combien ta réponse est exacte ! Tu mérites une récompense pour avoir deviné juste, sans éprouver de doute ni d’hésitation.
Je ne savais combien je me sentais réconforté, soulagé, assuré par la présence de ces deux individus que je n’avais même pas encore vus. J’étais certain qu’ils étaient inoffensifs, respectables et qu’il n’y avait en eux, d’après les paroles qu’ils avaient échangées, rien de méchant, de dangereux. Je ne voyais même pas l’intérêt de me méfier d’eux, ni de douter de leur bonté et de leur sincérité. Leur présence dans la région était encourageante. Je commençais par me poser des questions sur ce qu’ils étaient venus chercher dans une si lointaine contrée. J’étais pourtant étonné de n’éprouver ni de l’inquiétude ni voyais-je mon état d’esprit perturbé par une telle apparition. Je sentais au contraire une force morale qui faisait disparaître mes douleurs, diminuer la pression qui me pesait dessus, calmer mes angoisses et enlever ma frayeur.
Je voulais m’approcher d'eux, les appelés afin qu'ils puissent savoir que j'étais là, tout près, mais je fus retenu par je ne savais quel sentiment d'hésitation, comme pour vouloir demeurer encore dans la pénombre afin d'épier leurs mouvements, d'écouter leurs conversations, de connaître davantage sur ce qu'ils se disaient, de comprendre ce qu'ils étaient venus chercher dans cette région, d'apprendre plus qu'il m'en fallait sur eux avant de me montrer. Je ne voulais pas les choquer, les étonner, les surprendre par mon aspect délabré et sinistre, mon état dépravé, miséreux, et piteux.
– Faut trouver un abreuvoir, parla le vieux Cheik d’une voix lointaine, distante, faible, étouffée dans une gorge vieillie, pendant une bonne partie du trajet nous l'avons privé d’eau.
– Pas besoin de t'inquiéter de tout ça vieux Cheik, dit Ragounadan en baissant sous la charrette pour décrocher la lanterne, ma jument est habituée à parcourir de long trajet à travers toute l'Ile sans montrer la moindre fatigue. Elle est encore jeune et vigoureuse. Je la nourri aussi très bien pour qu'elle ne me donne pas des ennuis. Et puis je n'aime pas trop m'abuser d'elle quoique je connaisse ses capacités. Je vais la détacher de la charrette et la laisser dans la prairie jusqu'au matin afin qu'elle puisse retrouver sa forme. Je n'y pensais pas, quand nous avions quitté la ville le matin, que nous aurions fait tout ce trajet pour arriver jusque-là. Je me demande comment cette insurrection pouvait t'intéresser à ce point. Tu me parlais tout d'abord que tu voulais t'acheter un esclave et quand tu t'es aperçu de ce qui fut arrivé aux maîtres tu te lances à la recherche d'un jeune homme que tu veux absolument rencontrer pour Dieu sait quelle raison. Est-ce que tu crois que je peux comprendre quelque chose dans ce que tu mijotes. Il est vrai que tu m'as offert une bonne récompense, tu m'as payé plus qu'il en faut pour t'assister dans ton entreprise mais ne trouves-tu pas, vieux Cheik, que c'est plutôt une perte de temps et que tu es en train de poursuivre un fantôme que tu ne parviendras jamais à attraper. Crois-tu en cet esclave mourant que nous avons rencontré en chemin et qui t'a dit que tu trouveras ce ... comment s'appelle-t-il encore ?
– Charles, répondit le vieux Cheik.
– Oui, que tu trouveras Charles sur le chemin qui mène vers le nord. On verra bien s’il t'a dit la vérité.
Cette fois ci il n'y avait pas de doute que le vieux Cheik me cherchait. Je ne voulais plus rester un instant dans l'ombre et, comme poussé par un instinct, je fis quelques pas et dis à haute voix.
– C'est vrai ce que cet esclave vous a dit, monsieur le vieux Cheik. Je me trouvais bien ce matin dans la région. J'ai dû marcher pendant longtemps avant d'arriver jusqu'ici. Si vous me cherchez ce n'est pas la peine de vous fatiguer. Voyez-vous mêmes dans quel état je suis. J'ai à peine atteint la maison que vous vous pointez au loin dans votre charrette.
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©Kader Rawat
L'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance.
L'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance.
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
L’aboiement d’un chien, le même qui courrait après les animaux de la basse-cour dans la journée, me retira de ce rêve dans lequel j'étais plongé. Il sortait derrière la maison et voulait me sauter dessus. J'étais pris de frayeur et allais me réfugier derrière un talus d'où je pus voir, malgré qu'il fasse sombre, l'aspect désordonné de la cour. Les granges qui se trouvaient à peu de distance de la maison furent entièrement détruites et les poteaux brûlés et noircis par la fumée se tenaient à peine debout. Plusieurs cases des esclaves étaient complètement aplaties et c'était bien de là que montait la fumée, indistincte pendant que je regardais. Plus loin, je vis trois tombes sur lesquelles on avait enfoncé, avec précipitation, des croix qui s'inclinaient vers le sol comme pour vouloir tomber. La maison par contre n'était pas atteinte par le feu qui semblait plutôt avoir ravagé les alentours. L'apparence désuète de la demeure me fit vite comprendre que les gens qui l'avaient habitée n'avaient pas de grands moyens et se contentaient, comme mes parents, des maigres productions de la terre, des plantations qui ne leur rapportaient presque rien, tant une grande partie de la région n'était que jachère.
Les ustensiles de cuisine, les instruments aratoires, les fournitures de maison, les diverses pièces de vêtements qui traînaient un peu partout démontraient quelques scènes de violence, de lutte que des gens avaient livré avant de quitter le lieu. Les désordres indiquaient que par-là, des gens bien enracinés dans leur existence furent arrachés par la force, laissant derrière eux l'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance. La maison était plantée solidement sur une base de pierres taillées et s'élevait dans le crépuscule comme un gigantesque palais rempli de mystères et des multiples objets fascinants. En vérité çà n'était qu'une maison comme tant d'autres que les colons pauvres construisaient un peu partout dans l'Ile. Mais mon imagination me faisait voir des choses jusqu'au fantasme : une maison banale prenait la dimension d’un palais, la prairie se présentait comme un désert aride. Je m'apercevais plonger dans la nuit comme le passage d'une éclipse, de voir scintiller les étoiles comme la présence des comètes, de trouver autrement les apparitions ordinaires de l'existence. Etrange illusion occasionnée assurément par une dépression dont je fus atteinte.
Le chien n'avait pas cessé d'aboyer et m'exaspérait à telle point que je ramassais un morceau de bois qui se trouvait tout près de moi et lui lançais dessus. Il le reçut en plein sur le derrière et courut, en poussant des gémissements, se réfugier dans la maison.
J'écoutais les bruits des sabots sur la terre dure des sentiers et me demandais de qui pouvait-il bien s'agir. Ce pouvait bien être le propriétaire de la maison qui retournait chez lui après une longue absence sans se douter ce qui fut arrivé. Ou bien ce n’était qu’un aventurier qui cherchait un abri pour passer la nuit. Pourquoi pas un parent qui voulait s’informer sur l’état de santé de la famille qui habitait la maison, un visiteur qui passait par là et qui venait prendre des nouvelles, ou un brigand, un voleur de grand chemin, un tueur qui sait ? Au fait il pouvait s’agir de n’importe qui. Quelle importance ? Il ne me ferait pas du tort j’espère. Et si c’était quelqu’un qui me cherchait. C’est qu’il avait bien eu la chance. Je ne me trouvais pas très loin. Il n’avait qu’à m’embarquer et m’emmenait là où il avait eu l’instruction de m’emmener. Je n’éprouvais aucune crainte quand je me levais pour aller me ranger au milieu du sentier en sorte que je serais mieux aperçu. La charrette n’était pas loin et je pus distinguer les grincements des roues comme une longue plainte.
Soudain, alors que j’étais debout et que j’attendais, la charrette s’arrêta, et le silence s’établit de telle sorte que je pus entendre mon souffle. Je continuais de regarder dans la pénombre sans pouvoir distinguer grande chose et je tendis mon oreille comme un animal attentif. Ce silence obstiné m’effrayait un instant, et puis un sentiment d’inquiétude, de déception s’empara de moi. Je regardais dans le firmament et vis une myriade de petits points étincelants, lumineux, sublimes et fantastiques qui retenaient mon attention. Je baissais mes regards pour voir l’horizon se plonger dans les ténèbres et le ciel se perdre dans un gouffre. La nature dormait paisiblement et sa respiration apportait une certaine quiétude dans mon état d’esprit. J’étais perdu dans le noir et me voyais transporté dans je ne savais quel royaume fantastique qui me faisait éprouver des étranges sensations.
Le reniflement de la jument venait me retirer dans mon état de transe et me faisait comprendre que j’étais sur terre et face à une réalité que j’avais toute raison d’affronter. Un bruit de pas qui foulait le sol dur du sentier me fit comprendre que quelqu’un se dirigeait dans ma direction. Je retenais mon souffle, tendis mon oreille, regardais dans le noir pour deviner l’intention de l’individu. La jument était probablement exténuée par une longue distance quand elle agitait drôlement pour faire son maître comprendre que quelqu’un ne se trouvait pas trop loin et qu’il devait se méfier. Elle grattait la terre de ses pattes, piaffait, claquait ses sabots sur des pierres qui jonchaient probablement le sol. L’obscurité aussi devait lui troubler, lui gêner, ce qui influait sur son comportement et démontrait son impatience de quitter un lieu pareil.
– Tu sais vieux Cheik, parla une voix rauque, enrouée, je crois que nous allons passer une nuit encore dans la fraîcheur des bois. Tu dois assurément le trouver pénible, dans ton état, particulièrement le matin, de supporter le froid. Je t’avais averti, tu dois le reconnaître, qu’en cherchant de poursuivre notre route à travers le bois nous nous exposions à des risques qui pourront se répercuter sur notre santé. Et maintenant, poursuivait-il en craquant une allumette pour allumer une lanterne qui était suspendue au-dessous de la charrette, nous voilà seuls devant une ferme abandonnée. Je te l’avais bien dit que nous avons une chance sur mille de trouver quelqu’un dans la région.
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Un profond sentiment de tristesse
Brûler sur un bûcher
Brûler sur un bûcher
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