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Un amour de jeunesse Chapitre 12

21 Juin 2013 , Rédigé par Kader Rawat

 

A la recherche de Devika.

 

C'était un monde différent que je découvris en débarquant à l'aéroport de Delhi. Je me sentais perdue parmi une foule de gens affairés qui me laissait à peine la place pour circuler. De toute évidence, après avoir frayé un chemin dans la vague humaine je parvenais à trouver un taxi dans lequel je prenais place en poussant un grand soupir de soulagement. J'aurais dû déployer tout mon art pour expliquer au chauffeur l'endroit où je voulais me rendre. Il ne comprenait pas du tout le Français. Je traversais plusieurs régions qui me choquaient par les aspects désastreux de la nature humaine. Les rues du village où je me rendais étaient si étroites et la circulation si dense que j'avais préfère poursuivre ma route en utilisant d'autres moyens de transport pour atteindre ma destination avant la tombée de la nuit. Je grimpais dans un rickshaw et parvenais à me trouver dans le quartier indiqué dans le télégramme. C'était la cité des pauvres où la misère noire régnait dans tous les coins. Aussitôt que j'avais mis les pieds à terre une foule de gens se mettait autour de moi pour me demander l'aumône en m'appelant Sahiba, Sahiba. Heureusement un pujari qui passait par là venait à mon secours en les dispersant. Il voulait savoir ce qu'une fille comme moi faisait dans le quartier. Il m'avouait que ce n'était pas prudente de ma part de m'exposer dans les rues de cette manière. En vérité des gens grouillaient un peu partout avec une apparence à faire peur. Les trottoirs étaient occupés par des personnes sans abris qui dormaient avec leurs enfants dans les bras pendant toute la nuit. Le pujari comprenait difficilement le français mais je parvenais quand même à livrer conversation avec lui. Je lui donnais l'adresse où je devais me rendre. Il approchait plusieurs personnes pendant que nous marchions dans les rues et prenait des directions qui, je supposais, devaient nous mener à l'adresse que nous cherchions. En fin de compte quand il commençait à faire nuit nous nous trouvions devant une vieille demeure en décrépitude dont la porte était fermée avec un cadenas rouillé. C'était là ma destination. Je devais attendre jusqu'au lendemain matin pour obtenir le moindre renseignement. Donc ce soir là je n'avais pas d'autre choix que de me trouver un logis au centre ville. Le pujari me mit entre les mains d'un jeune indien auquel, me dit-il, je pourrais faire confiance. Il s'appelait Soubash et devait me servir de guide pour me conduire dans un hôtel. Je pris place dans son rickshaw et nous traversions à une allure folle plusieurs rues étroites avant d'atteindre ma destination. C'était une course époustouflante que nous avions faite. Je poussai un soupir de soulagement en me retrouvant devant un hôtel délabré situé dans une rue bruyante. Après le dîner je montais dans ma chambre. De ma fenêtre je regardais une femme exécuter des danses classiques dans une grande salle d'en face. Même quand je me trouvais dans mon lit j'entendais cette musique de cathare qui m'accompagnait jusqu'au matin.

L'indien Soubash était venu me voir pour m'aider à retrouver mon amie Devika. Le pujari lui avait envoyé vers moi parce qu'il connaissait bien le quartier où il opérait depuis son très jeune âge. Il parvenait de plus à échanger quelques mots en français. Il était âgé d'une quarantaine d'années mais en paraissait beaucoup plus. Il était marié à une femme qui pouvait avoir deux fois son âge et qui lui avait donné quinze enfants dont le plus grand n'avait pas plus de vingt ans. Il n'avait jamais cessé de travailler dure pour nourrir sa femme et ses enfants. Il m'avait emmenée chez lui dans une maison située dans le faubourg et entourée d'un mur construit depuis bien longtemps par les anciens habitants probablement pour se protéger contre les inondations. La maison était construite avec des bambous dont les fentes étaient calfeutrées par des bouses de vache et badigeonnées à la chaux. Le toit était couvert de pailles et de feuillages. Des morceaux de tôles pourries, ramassées assurément dans des dépôts d'ordures aidaient à camoufler les ouvertures qui pouvaient nuire au temps pluvieux. La cour était suffisamment grande pour permettre aux enfants de jouer pendant toute la journée. Ils préféraient se regrouper sous l'ombre douce des arbres. Le soleil était cuisant et répandait une chaleur torride. Quelques femmes attendaient autour d'un puits et papotaient bruyamment en tournant leur regard dans la direction des champs où des hommes travaillaient. Des poules caquetaient dans des poulaillers rangés sur le côté gauche de la cour et à l'arrière, loin de la maison, des vaches beuglaient dans une écurie qui répandait une odeur nauséabonde. Les autres maisons étaient assez loin et se cachaient derrière les bosquets. La femme de Soubash était venue m'accueillir et m'avait introduite dans une pièce dégarnie mais propre. C'était je suppose le seul endroit convenable pour me recevoir. Un lit se trouvait au fond tout près de la fenêtre. Je fus invitée à m'assoir dessus. A peine je fus installée que des enfants entraient dans la maison pour me porter une grande admiration. Ils parlaient entre eux mêmes en continuant à me regarder et en pouffant de rire. Soubash les chassait et dit qu'elles me trouvaient comme une actrice de cinéma dont elles avaient le portrait. La femme de Soubash s'appelait Shanti. Elle m'avait apporté une tasse de thé bien chaud et s'était installée à côté de moi comme pour me livrer conversation. Mais elle ne comprenait pas du tout le français. Ses amies étaient venues la voir pour s'informer qui j'étais. Ma présence avait incité leur curiosité. Shanti savait que j'étais à la recherche d'une amie qui courait un grand danger. Elle était allée leur expliquer cela en les entraînant dans la chambre à côté. Je demeurais toute seule à réfléchir sur le genre de vie que les femmes menaient dans une région pareille. Elles me semblaient satisfaites et peut-être un peu écrasées par des travaux durs et exténuants. Shanti elle même donnait l'air bien plus âgé qu'elle ne l'était. Soubash m'avait demandée de l'attendre pendant qu'il était allé voir un ami. Shanti me fit visiter la maison. Des portraits des dieux étaient suspendus aux murs et dans le coin se trouvait la statue de Dieu Vishnou entourée des offrandes et des lampes. C'était là que Shanti faisait ses prières tous les matins. Je ne trouvais pas de miroir. Shanti ne se souciait guère de sa beauté. Et puis les soucis de la vie ne la permettaient pas de prendre soin d'elle même. Ensuite pour faire des fantaisies elle devait avoir des moyens. Les enfants portaient des vêtements sales et déchirés. Ils jouaient toute la journée dans la poussière. Les femmes avaient l'habitude de se rendre une fois la semaine à la rivière pour laver les linges. Pour les enfants c'était une joie d'accompagner les groupes de femmes qui défilaient dans les sentiers, les ballots sur la tête. La région n'était jamais certaine. Des voyous, des voleurs, des personnes sans scrupules, ceux qui étaient chassés de la société se cachaient quelque part dans la nature pour s'attaquer aux faibles. Ils blessaient et tuaient les hommes et violaient les femmes et les jeunes filles. La justice se faisait par une épreuve de force entre adversaires. C'était toujours les plus forts qui établissaient les lois.

Toutes les saisons n'étaient pas bonnes pour les habitants. Les fléaux qui venaient souvent perturber l'existence des gens étaient la mousson, les inondations, et la sécheresse. Ce n'était pas les seuls ennemis de la population. Les épidémies, les maladies, les conflits intérieurs entre communautés emportaient également une forte proportion de la population. Ce n'était pas pour cela que les gens ne grouillaient pas dans les rues. Les mendiants poursuivaient par essaim les touristes. Depuis le lever du jour des gens sortaient de tous les recoins pour parcourir les rues de manière à ne pas laisser la moindre petite place libre. Cette vague des gens en mouvement permanent était effrayante. En nous engouffrant à l'intérieur nous avions peu de chance d'en sortir vivant. Toute sorte de personnes opérait au milieu de ce tumulte. Des pickpockets, des trafiquants de drogue, des criminels que la justice n'avait jamais pu mettre la main dessus, des escrocs, des voleurs de grands chemins, des imposteurs, enfin tous ceux que d'une manière ou d'une autre cherchent à gagner leur vie aux dépens d’autres sont présents. Seuls ceux qui connaissent les risques et les dangers ne s'y aventurent jamais. Parmi eux se trouvent bien entendu les grands négociants, les riches, et les personnes illustres et distinguées.

Après avoir bu le thé, je décidais d'aller faire un tour dans les environs. Alors que je marchais dans un sentier défoncé, accompagnée des enfants qui commençaient à s'habituer à moi, j'aperçus une case cachée derrière un bosquet. En l'approchant, j'entendis les voix des enfants qui répétaient ce que leur professeur leur lisait. Quand je contournais le mur en pierre je vis des enfants assis par terre sous l'ombre des arbres centenaires. C'était leur école.

Le professeur était vieux et avait des moustaches blanches. Sa tête était couverte d'un turban blanc. Il portait un jaleba, un paletot gris foncé et un dhoti. Son visage était tanné et ses yeux exprimaient la fatigue. En m'apercevant il s'était précipité dans ma direction. Il avait deviné que j'étais une étrangère et avait voulu me livrer conversation en anglais. Il ne comprenait pas du tout le français. J'étais nulle en anglais. C'était avec beaucoup de tristesse et de regret que nous nous séparions.

La chaleur était accablante. Pour éviter l'ardeur du soleil je m'engageais dans des étroits sentiers en passant dans l'ombre que projetaient des grands arbres. Je remarquais plusieurs cases dans lesquelles habitaient nombreuses personnes. Je m'étonnais devant la condition de vie de ces gens. Ils n'avaient aucune perspective d'avenir devant eux. Je me demandais si c'était bien ça le pays où Devika était venue vivre. Enfin quand on est heureux n'importe quel coin du monde est un paradis. Il suffit tout simplement d'accepter la vie de grand cœur et de se contenter de ce peu de plaisir qu'elle nous procure. De toute manière chacun est habitué dans son univers. Ce serait inutile pour moi de déplorer le sort des autres. À bien voir leur existence pourrait être dans un sens meilleur que la mienne.

Les enfants étaient venus m'annoncer que leur père était de retour. Je prenais la direction de la maison sans perdre un instant. Soubash était là en compagnie d'un pondichérien qui parlait bien le français. Il s'appelait Joseph parce que, parait-il, il avait été vendu par ses frères. Peu de temps de cela il était venu habiter chez sa tante qui prenait soin de lui. Son arrière grand-père était un esclave d'Afrique qui mourut d'un arrêt cardiaque quand il apprit que l'esclavage était aboli. Ses enfants étaient vendus et partis pour servir les familles dans des autres pays. Ceux qui étaient restés n'avaient jamais pu profiter de leur liberté. Les colons continuaient toujours à exploiter les travailleurs. Le prolétariat venait remplacer le terme esclavage et l'exploitation de l'énergie humaine continuait avec plus de discrétion. Les lois promulguées pour la protection des travailleurs, les décrets étaient des formalités que beaucoup des colons ignoraient. Ils gouvernaient leur empire à leur façon avant que les délégués des syndicats ne viennent leur faire des ennuis. Les générations se succédaient ainsi jusqu'à ce que les riches deviennent encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres. Quand Joseph vivait encore à Pondichéry avec son père invalide, sa mère malade et ses frères et sœurs il avait gardé un souvenir indélébile de ce temps dont il allait me raconter quand nous nous installions dans une charrette qui devait nous emmener au village.

« J'avais trois frères plus grands que moi, racontait-il, je devais les accompagner pour aller en Europe. En arrivant sur le quai ils m'avaient confié à des arabes et m'avaient dit que je devais les suivre. Ensuite ils avaient passé l'immigration et avaient monté les escaliers du grand navire. Je les regardais en imaginant que je devais les rejoindre. Les deux arabes m'avaient attrapé par les bras et m'avaient conduit dans une voiture. Je savais que mes frères m'avaient vendu et avaient empoché l'argent qu'ils avaient assurément utilisé pour payer leurs billets. Le soir, alors que nous étions couchés dans une clairière et qu'un feu de bivouac était allumé pour effrayer les animaux, je réussis à me sauver. Je me cachais dans la brousse et poursuivais ma route dans les bois. Après plusieurs jours de marche épuisante je m’engageais dans un sentier qui débouchait sur la route principale. Tôt le matin, un camion citerne qui allait distribuer l’eau dans les environs de mon village me permettait de gagner ma maison sans problème. Je pleurais pendant longtemps le vilain tour que mes frères m’avaient joué. J’ai toujours chercher d’effacer de ma mémoire cet épisode de ma vie qui m’a beaucoup marqué. Je me résignais à l’accepter me disant que le Seigneur avait voulu que ce soit ainsi. Je demeurais à la maison, sans travail. Comme moi des milliers de chômeurs attendaient un travail, bien sû avec une patience qui n’avait pas de bornes. Je ne considérais pas mon cas comme particulier, sachant que la vie des chômeurs est généralement identique. Mais je dois toutefois avouer que j’avais besoin d’avoir une bonne morale pour trouver mon équilibre dans la vie courante. Je ne connaissais pas de fatigue, n’avais aucune responsabilité à assumer, me réveillais sans pouvoir déterminer de quelle manière j’allais pouvoir passer ma journée. Imaginez un peu ce que je pouvais représenter avec mes parents, mes frères et mes sœurs, nous étions dix en tout, dans la banlieue, entassés dans deux minuscules pièces au fond d’une cité en dépravation, une région qui n’avait rien d’attrayante. Est-il nécessaire que je vous parle de la vie désagréable qu’une famille se trouvant au bord de la famine menait dans ce petit coin retiré ? Vous n’entendrez que des histoires de souffrances, de misères et d’interminables conflits. Je n’ai pas grand-chose à raconter des premières années de mon adolescence. Je me souviens très bien que je n’aimais pas aller à l’école et que j’ai une éducation médiocre. Je suis le quatrième de la famille ; mes trois frères sont partis sans plus jamais donner de leurs nouvelles. Les six qui me précèdent n’ont pu que suivre mon exemple. Ils ont fait de l'école buissonnière comme moi d'ailleurs et sont aussi ignorants que je le suis.

En été quand nous nous regroupions dehors dans la chaleur accablante de la nuit, nous ressemblions à une tribu d'Afrique. Nos visages luisaient sous la lueur d'un feu de bivouac que nous avions fait pour chasser les moustiques. Les voisins venaient nous rejoindre et nous tenir compagnie jusqu'à fort tard. Les enfants jouaient et faisaient des tintamarres. Les grandes personnes parlaient de tous les potins de la ville. Je dormais à la belle étoile sur ma paillasse. Je me perdais des fois dans une profonde réflexion. Je voyais mon avenir sombre. Je n'avais pas d'éducation et ne savais pas faire grand chose.

J'étais encore bien jeune et pouvais avoir encore seize ans quand, en rentrant à la maison un après-midi je trouvais ma mère qui pleurait. Je voulais savoir ce qui l'avait mis dans un tel état. Elle m'apprit que mon père avait été renversé par un autobus et était gravement blessé. Il perdit dans cet accident non seulement sa jambe mais aussi son maigre salaire de fin de semaine qu'une personne sans scrupule et malhonnête avait assurément volé.

Nous demeurions deux jours sans manger. Cela avait laissé sur mon état d'esprit une étrange impression qui m'accompagne tout le long de ma vie. Mes frères et mes sœurs pleuraient et poussaient de cris parce qu'ils avaient faim. C'était pénible pour moi de supporter tout cela. Je résolus de quitter la maison ce jour là pour ne retourner qu'avec les mains pleines de nourritures. Je me   présentais devant toutes les portes et passais dans toutes les rues pour chercher du travail. Personne ne voulait de moi. Ma déception fut grande. J'étais exténué quand la nuit tombait. J'implorais le Seigneur de m'aider et d'épargner ma famille de souffrances. Je m'appuyais contre le poteau d'électricité avant de reprendre la route en titubant. J'avançais dans le chemin défoncé, passant des fois sous les réverbères où des gens s'étaient regroupés pour parler. Je longeais les routes des boulevards, rasais les murs des grands bâtiments en pensant à mes frères et sœurs qui attendaient mon retour certainement.

Quand je passais dans un quartier mal éclairé j'entendis quelques poules caqueter et j'eus l'effroyable pensée de les voler et les apporter à la maison. D'un seul bond je me trouvais de l'autre côté du mur. Je tenais dans mes mains deux poules bien grasses en parcourant les rues. Je trouvais le parcours long et entendis même dans le lointain des voix m'accusant de voleur. Mon imagination me jouait des tours. Mes escapades nocturnes me donnaient l'occasion de commettre d'autres délits. Je cambriolais des boutiques et volais des gens riches en pénétrant par effraction chez eux pendant leur absence.

« Le bien mal acquis ne prospère jamais. » Le malheur était venu me frapper trois années de cela. Je me trouvais dans un lointain quartier quand un mauvais temps se déclarait. Le vent avait commencé à souffler si fort qu'il n'y avait aucun moyen de rentrer à la maison. C'était un cyclone qui durait pendant toute la nuit et toute la journée. Le pays avait subi à des grands dégâts. Les routes étaient coupées, les radiers submergés, les ponts emportés, des centaines de maisons détruites et de nombreuses personnes mortes ou disparues. Mes parents, toute ma famille étaient victimes de ce fléau. Je demeurais tout seul dans la douleur. Ma tante était venue me trouver une semaine plus tard dans un centre d'hébergement". Joseph s'était juré de ne plus jamais faire un travail malhonnête même s'il fallait qu'il crève de faim. Prakash l'avait rencontré une fois dans la ville alors qu'il poursuivait trois moribonds qui lui avaient volé son sac. Ils étaient devenus dès lors des bons amis.

Depuis qu'il était venu habiter chez sa tante Joseph se sentait gêne. Il voulait apporter sa contribution pour les dépenses de la maison. Son oncle occupait une place importante dans l'administration. Les soutiens qu'il avait apportés à Mahatma Gandhi avant la proclamation de l'indépendance lui avaient valu de grands mérites qui lui avaient permis d'accéder à des hautes fonctions qu'il assumait d'ailleurs avec componction et habilité. Il occupait une superbe maison coloniale délaissée par les anglais lors de la révolte des cipayes.

Bien qu'il était aimé et considéré par sa tante Irène et son oncle Daram Joseph préférait fuir le confort, la sécurité, l'assurance que lui offrait cette grande demeure. Il se rendait dans de lointain quartier pour contempler du haut d'un promontoire le paysage vaste et immense qui s'étendait devant lui. Il admirait bien souvent les touristes qui partaient à l'intérieur du pays sur les dos d'éléphants. C'était là que lui venait l'idée de se mettre au service des visiteurs qui avaient les poches remplies d'argent. Il pouvait facilement gagner sa vie étant donné qu'il connaissait bien la région pour l'avoir parcourue en plusieurs occasions. Il se rendait donc souvent à l'aéroport pour approcher les étrangers afin de proposer ses services. Il avait acquis la réputation d'être parmi les meilleurs guides par sa façon d'aborder les multiples aventures qui l'attendaient à chaque fois qu'un accord était conclu entres ses clients et lui­ même. Il entraînait ses nouveaux compagnons dans des lieux les plus sordides jusqu'aux palais les plus fantastiques. Les aventures qu'il les fit vivre les émerveillaient de telle manière qu'en se séparant de lui ils lui remplirent des cadeaux et lui donnaient beaucoup d'argent.

Son imagination lui faisait découvrir l'existence d'un monde différent et meilleur de ce qu'il avait connu. Ses contacts constants avec les étrangers lui permirent d'augmenter ses connaissances et d'inciter sa curiosité. Il connaissait lui même très peu son pays. Une seule fois il avait effectué un voyage jusqu'à Calcutta pour accompagner sa tante à un enterrement. Ce voyage par le train bondé des passagers lui avait laissé des souvenirs qu'il ne pouvait oublier.

Joseph avait des problèmes plus importants. Dans la maison où il vivait ses cousins étaient jaloux de lui. Il occupait une chambre personnelle et bénéficiait des égards de sa tante et de son oncle. Pour ne pas avoir besoin de supporter des affronts que lui faisaient ses cousins il préférait demeurer longtemps en dehors de la maison. Il rentrait très tard le soir. Sa tante faisait du souci pour lui. Elle craignait qu'il ne lui arrivât malheur. Son oncle était trop absorbé dans ses affaires pour remarquer cela. Joseph avait de la reconnaissance et des gratitudes envers son oncle, sa tante qui se donnait de la peine pour son bien être. Il ne voulait pas les déplaire ni les blesser dans les sentiments. Mais il avait compris que sa présence gâchait l'harmonie qui devait normalement régner dans la maison. Il ne désirait pas mettre en épreuve les sentiments qui unissaient une mère et ses fils. Il savait qu'il était de trop.

Un jour il décida d'aller habiter une vieille cabane abandonnée à l'extrémité du village. L'ancien locataire, un vieux prêtre musulman, y avait trouvé la mort dans des conditions effroyables. Personne ne désirait l'habiter. Joseph n'avait peur de rien, n'était pas superstitieux et était en bon terme avec tous les gens. Il avait pourtant entendu dire que des mauvais esprits habitaient la cabane. Les voisins venaient lui raconter des histoires à faire dresser les cheveux.

Joseph avait l'habitude d'interférer dans des disputes entre musulmans et hindous sans jamais prendre les faits et causes des uns et des autres. Il se rangeait toujours du côté des plus faibles pour les défendre. Il était respecté par son sens de justice et pour ses adresses dans le combat corps à corps. Une fois il luttait tout seul contre cinq malfaiteurs notoires qui terrorisaient les villageois. Il avait appris l'art de combattre par un vieux maître chinois qui habitait dans la montagne.

Prakash était content de nous voir ainsi entamer conversation. J'étais moi même fière d'avoir pu trouver quelqu'un à qui parler. Nous traversions plusieurs rues étroites et bondées avant d'atteindre notre destination. Devika avait laissé un message à un vieux pandit. Je devais me rendre à Door-Desh, un village perdu dans le cœur de l'Inde et difficile à atteindre.

 

 

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