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Un amour de jeunesse: Chapitre 6 Je donne naissance à un fils

16 Avril 2013 , Rédigé par Kader Rawat

 

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Cycle

 

LES GENS DE LA COLONIE

 

Tome 1

La Colonie Lointaine

Tome 2   

L’épouse et la concubine

 Tome 3

Confessions sentimentales

Tome 4

La vallée du diable

 

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UNE JEUNE FILLE ZARABE

 

Tome 1

Un amour de jeunesse

Tome 2

L’entreprise familiale

Tome 3

Une femme d’affaire

 

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LES AMANTS DE L’ÎLE BOURBON

 

Tome 1

La fille de l’Intendant

Tome 2

Les évadés de l’Île Bourbon

 

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MAÎTRES ET ESCLAVES

 

Tome 1

Des maîtres et des esclaves

Tome 2

Splendeurs et misères des petits colons

Tome 3

Le temps de la révolte

Tome 4

L’instigateur

 

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CES PAYS LOINTAINS

 

Tome 1

La belle étrangère

Tome 2

Le domicile conjugal

Tome 3

Un ange à la maison

 

Le bon vieux temps

 

Les naufragés

 

 

Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

 

© Kader Rawat Février 2013

 

Tous droits réserves

 

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Chapitre 6

 

Je donne naissance à un fils

 

Devika était une femme remarquable. Elle m'avait plu tout d'abord par sa façon très particulière de me livrer conversation dans laquelle elle me découvrait des aspects cachés de son caractère. Elle me parlait souvent de sa vie à Maurice avec ses parents. Issue d’une famille nombreuse elle avait connu une enfance heureuse dont le souvenir refoulait dans sa mémoire bien souvent. Elle avait pris un infini plaisir de parler de ce temps pendant que nous nous retrouvions les soirs après le repas dans le salon. J'appris qu'elle habitait à Quatre-Bornes et que son père était avocat. Elle était élevée dans une superbe maison à étage en compagnie de ses cinq frères et de ses quatre sœurs. Parmi les membres de sa famille certains étaient docteurs, d'autres instituteurs et avocats. Elle était destinée à réussir dans la vie. Après avoir terminé ses études au collège Queens Elizabeth, ses parents décidaient de l'envoyer en Angleterre pour étudier la médecine.

Elle avait voyagé avec de grandes ambitions. Elle avait à peine vingt ans quand elle débuta ses études médicales. Elle ressemblait beaucoup à ces filles indiennes que j'avais connues au lycée. Elle était belle. A l'hôpital où elle se rendait pour suivre ses cours d'anatomie elle rencontrait un jeune docteur qui ne nommait Ajay et qui se montrait très intéressé à elle. Elle ne tarda pas à tomber amoureuse du séduisant docteur et à avoir avec lui de nombreuses aventures avant qu'elle n'apprenne qu'il était marié et qu'il vivait avec sa femme dans une villa à quelques kilomètres de l'hôpital. Elle était déjà enceinte et aurait dû interrompre ses cours pour accoucher. Le docteur Ajay Chowdurry était originaire de l’Inde. Il avait connu en compagnie de Devika un bonheur immense. Il réussit à persuader Devika d'abandonner ses études pour élever son enfant. C'était une décision difficile à prendre. Quand elle échoua à ses examens, elle décidait de consacrer son temps à s'occuper de son enfant et à attendre le docteur Ajay qu’elle voulait rendre heureux. Elle fut logée dans un modeste appartement où le docteur alla le trouver pour passer des moments agréables. Elle lui donna deux enfants en tout avant que ne s'éclatât le scandale qui allait mettre un terme à cette vie heureuse qu'elle avait commencé à mener. La femme d'Ajay était venue la trouver pour la proférer des menaces. Comment savait-elle qu'elle habitait cet appartement ? Le docteur Ajay avait commencé à négliger sa femme et ses trois enfants depuis qu'il connaissait Devika. Il se rendait rarement à son domicile conjugal. Il n'était pas non plus en bon terme avec son épouse. Ses enfants en souffraient beaucoup. Sa femme avait été informée de sa liaison avec Devika. Elle avait fait venir son oncle de l'Inde pour mettre de l'ordre dans son ménage. Devika savait qu'elle ne pouvait pas garder Ajay pour elle. Elle n'avait pu rien faire pour empêcher le docteur de retourner en Inde. Elle se retrouvait toute seule avec ses enfants. Mais le docteur Ajay l'avait laissé une importante somme d'argent pour élever les enfants. Elle ne voulait pas dépenser cet argent. Elle l'avait gardé précieusement dans une banque et s'était juré d'en avoir recours si c'était vraiment nécessaire. Devika décida de déménager. Elle loua deux petites chambres dans le quartier pauvre de la ville. Elle avait commencé à travailler. Elle ne percevait pas beaucoup d'argent et faisait d'énorme sacrifice pour atteindre la fin du mois sans se faire des soucis d'argent Elle recevait régulièrement de l’argent de ses parents à Maurice et se permettait l'achat de quelques bricoles qui étaient utiles pour la maison et des vêtements dans le marché aux puces. Quand elle apprit que son oncle se rendait en Angleterre et souhaitait la rencontrer elle décida de quitter le pays. Elle retirait tout l'argent qu'elle avait dans la banque, vendit tous ses meubles et embarqua avec ses enfants dans le premier navire qui l'emmena à Marseille.

Elle logeait pendant quelques jours dans un petit studio. Elle trouvait de l'emploi chez un dentiste. Ses deux années de cours de médecine l'avaient donnée suffisamment d'expérience pour la permettre de percevoir un salaire confortable. Elle habitait déjà pendant plusieurs mois dans l'immeuble des Immigrés quand je débarquais. Ses enfants étaient très sages et bien élevés. Ils m'appelaient tante et venaient souvent me voir pour prendre de mes nouvelles. Quand je me rendais chez Devika je les trouvais toujours plongés dans leurs études. Le fils s'appelait Raj et la fille Nargis.

Devika m'inspirait une confiance absolue. Elle me paraissait si sincère, si franche, si honnête que je n'avais pu m'empêcher de la mettre au courant de ma situation et de raconter ma vie dans les détails. Après le dîner, quand les enfants étaient couchés, Devika venait me voir dans ma chambre pour parler des choses de la vie jusqu'à fort tard le soir. Parfois je me rendais chez elle pour causer de tout et de rien sans jamais nous lasser. Nous partagions nos confidences, évoquions nos souvenirs, parlions de nos griefs, des déceptions que nous avions essuyées, des bonheurs que nous avions connus pour éprouver ensuite un grand soulagement.

Nos voisins étaient des gens respectueux et tranquilles. Je me plaisais parmi ce petit monde qui représentait pour moi une grande famille à laquelle je tenais énormément. Mes visites chez le gynécologue me rassuraient de la grossesse parfaite que je faisais. Mon ventre était énorme au moment où j'approchais les dernières semaines. J'effectuais en compagnie de Devika de longues marches dans le quartier. Cela me donnait l'occasion de visiter certains recoins cachés de la région. Nous profitions des dimanches pour emmener les enfants se promener au bord de la mer, dans des parcs ou des foires animées par les gens du quartier.

Devika qui n'était pas habituée de sortir prenait énormément plaisirs de ces randonnées. J'avais l'impression de l'avoir redonné du goût à l'existence. Je dois toutefois avouer qu'elle était une femme très brave pour affronter la vie toute seule. Il est arrivé un temps où les femmes ne veulent plus être dominées par les hommes. La preuve en est que les femmes également parviennent à assumer des responsabilités sans avoir besoin de l'aide de personne. L'émancipation de la femme modifie le rapport qui unit l'homme à la femme. Il est toutefois indéniable que des inégalités existent encore dans l'attribution des salaires. Mais la force de chose ne tarderait pas à remédier des situations comme telles. La femme ne représente qu'un objet de plaisir sur lequel les hommes imaginent pouvoir défouler leur débiliter. Les violences qu'on entend tous les jours ne se font que par la main et l'esprit de l'homme. Les viols, les crimes, la guerre ne sont que l'acte de l'homme.

La femme a toujours été la première victime. L'homme est né égoïste et veut tout avoir à lui tout seul. Le partage n'est pas son fort. La femme est désignée à procréer et à peupler le monde. Elle conçoit dans le calme et délivre dans la douleur. Les hommes ne savent rien, ne sentent rien. Ils se croient pourtant forts.

Un couple très particulier venait habiter notre immeuble. Ils ne cessaient pas de se disputer et d'élever la voix depuis qu'ils occupaient la chambre au-dessus. C'était désagréable de les entendre à longueurs de journée et la nuit. Le concierge aurait dû intervenir à plusieurs reprises. Ils avaient une étrange façon d'aimer. Ils étaient partis un beau matin et n'étaient plus revenus fort heureusement pour nous.

Un samedi après-midi je me trouvais au centre ville en compagnie de Devika. Je profitais de la demi-journée pour faire des emplettes et pour acheter des layettes. Nous attardions souvent dans des grandes surfaces et des arcades. Devika me conseillait de ce que je devais m'acheter avant mon accouchement. En prenant le chemin du retour à une heure tardive je tombais sur Rachid. Je ne lui avais pas reconnu. Il avait complètement changé. Il était vêtu d'un vêtement sale et déchiré. Il avait l'air content de m'avoir rencontrée. Il voulait savoir où je me logeais. J'avais préféré ne pas lui donner mon adresse et avais fais de mon mieux pour me débarrasser de lui le plus rapidement possible. Je prenais tout mon temps dans le métro pour raconter à Devika de quelle manière j'avais connu Rachid et ce que j'avais appris sur lui. Elle approuvait la façon dont je m'étais comportée envers un individu de ce genre, me disant que nous ne devrions faire confiance à personne. Je ne savais pas de quelle manière Rachid parvint à connaître mon adresse. Il s'était présenté à deux reprises devant ma porte alors que j'étais absente. Je jouissais d'une bonne réputation dans mon quartier et craignais que Rachid ne vienne ternir cette image que je voulais garder. Bien résolue de lui dire que je ne voulais plus le voir sous aucun prétexte je l'attendais de pied ferme pendant plusieurs jours sans qu'il ne se présente.

Un matin je me réveillais avec des douleurs atroces. Devika me fit transporter à l'hôpital où je mis au monde un beau bébé que je nommais Abkar et qui signifie "grand". Cet enfant fut toute ma joie, tout mon bonheur, toute ma raison d'être. Je me sentais fière de l'avoir conçu et l'avoir eu au terme de grands sacrifices et de grands efforts. Quelques jours plus tard, à ma sortie de l'hôpital, j'avais le cœur serré en lui trouvant déjà privé de son père. Je devais lui en trouver un si c'était nécessaire. Mais qui acceptera de jouer ce rôle dans ce monde quand l'enfant ne lui appartient pas ? Pourtant son vrai père existe. Je me disais que je ferais mieux d'aller à sa recherche et de lui annoncer la nouvelle. Bien que j’ignore son adresse je savais en tout cas qu'il habitait Paris. Mon intention était de lui informer qu'il avait un enfant. Libre à lui maintenant de le reconnaître ou pas. Je voudrais qu'Akbar soit élevé dans des conditions normales. L'absence d'un père dans unfoyer cause un grand handicap à l'enfant qui y grandit. Les enfants de Devika me faisaient pitiés parfois. Ils avaient l'air profondément éprouvés par la vie. Je voulais éviter que mon fils connût un sort semblable. Il est bien vrai que le destin est varié. Si je tournais mon visage vers des nouveaux horizons c'était pour préparer l'avenir de mon fils. Devika me donnait entièrement raison de vouloir retrouver le père d'Akbar.

– Un enfant a besoin d'un père pour s'occuper de lui,  me disait-elle, et la femme a besoin de l'homme qui sera capable de l'aimer aussi profondément qu'elle le désire.

– Je ne suis pas sûre si Christophe a besoin de moi dis-je. Il m'a certainement déjà oubliée. Cela ne change rien de la situation.

– L'enfant est de lui. Il est bien le père ? Donc où est le problème ?  répondit Devika.

– C'est ridicule pour moi d'imaginer que ma vie pourrait s'arranger aussi facilement. Quand je pense aux peines que j'ai données pour porter cet enfant pendant neuf mois je peux difficilement accepter l'idée de lui voir méprisé ou maltraité par l'homme qui partagera ma vie. Tu as eu la chance Devika d'avoir connu le seul homme qui a su t'aimer avec autant de dévotion. Ce n'est pas pour autant qu'il est resté fidèle à toi. La plupart des hommes sont cruels. Ils se permettent de jouer avec le cœur des femmes. Ils délaissent leurs progénitures à notre charge sans se faire le moindre souci. Nous sommes toujours victimes de leurs irresponsabilités. Quelle confiance nous inspirent-ils vraiment ? Pourquoi avons-nous besoin d'eux ? Nous avons notre courage et nous devrons leur prouver que nous pouvons nous battre nous aussi pour gagner notre vie, pour n'avoir plus besoin de nous dépendre désormais d'eux.

 – Et moi j'en souffre énormément de cette rupture. Je n'ai jamais eu le courage de dire à mes enfants que je suis séparée de leur père. Je leur fais toujours croire qu'il est parti dans un autre pays et qu'il ne retournera pas sitôt.

– Pourtant ils sont arrivés à l'âge de connaître la vérité. Tu dois la leur dire un jour ou l'autre.

– Tu as raison, Yasmina. Je dois les préparer pour leur faire un tel aveu.

– Tu dois aussi penser à te marier Devika.

– Mais de quoi me parles-tu là ? Il ne s'est rien passé de méchant entre Ajay et moi. Je garde encore l'espoir de le retrouver, Yasmine. Je veux lui garder fidélité. Aucun homme ne m'intéresse au monde si ce n'est pas Ajay. Je me débrouille pas mal. Je pourrais continuer à vivre ainsi tout le temps si cela s'avère nécessaire. L'attente ne me fait pas peur.

– J'ai connu un amour factice. J'ai été dupe. Je n’ai rien à attendre de cet amour. Je souhaiterais bien rencontrer Christophe. Nous pouvons décider ensemble de ce qu'il nous reste à faire. Mais avant tout j'ai besoin de mettre un peu d'ordre dans mon état d'esprit fragile encore après mon accouchement. Franchement te dire, pour l'instant cela ne me tente pas d'associer ma vie, mon existence, et celle de mon fils au destin d'un homme qui ne se soucie pas de nous. Je préfère assumer mes responsabilités comme je peux.

– N'as-tu jamais songé de rentrer chez toi à la Réunion Yasmine, pour retrouver ta famille? Cette idée me trotte souvent dans la tête. Mais moi comment retourner dans mon pays à Maurice avec deux enfants sur les bras. Les parents m'attendent avec des diplômes ? Ma vie est déjà foutue en l'air. Je ne les ai pas donnés de mes nouvelles depuis que j'ai quitté Londres. Je suis venue me réfugier ici pour cacher ma honte. Je n'ai pas de visage à montrer à mes parents. Je sais que j'ai commis un péché grave et je n'ai pas d'excuse pour me présenter devant mes parents. Je sais que je ne serais jamais acceptée au sein de ma famille pour l'avoir déshonorée. Donc la seule chose qu'il me reste à faire c'est d'expier mes fautes, de supporter mes souffrances Et puis je dois reconnaître que l'amour que j'éprouvais pour Ajay au début de notre liaison m'avait fais transgresser les lois de la moralité. Je savais qu'il était marié et je lui avais encouragé à commettre l'adultère tout en étant sa maîtresse. Je suis en train de subir aux conséquences et me résigne à accepter mon sort comme tel. En élevant mes deux enfants, j'ai eu des expériences de la vie que je ne peux oublier sitôt. Je te vois aujourd'hui dans la même situation que j'étais cinq ans de cela.

– Je dois te remercier pour les aides que tu me portes et les précieux conseils que tu me donnes pour m'éviter de commettre des erreurs. Ces quelques jours que j'ai passés au lit m'ont permis de réfléchir sur la façon dont j'envisage d'aborder l'avenir. Cela m'attriste de te voir te tuer dans le travail dès le matin jusqu'au soir sans pouvoir consacrer un peu de ton temps à tes enfants. Je n'aurais pas souhaité vivre comme ça.

Devika partageait mes idées et m'avouait qu'elle vivait une existence contraire à ce qu'elle souhaitait. Elle ne pouvait pas satisfaire ses aspirations dans un monde qui la déçoit et la fit subir les épreuves les plus dures. Notre vie, elle et moi, n'était qu'une copie conforme qui avait tendance à nous rapprocher et à nous unir dans nos liens d'amitiés. Je profitais quelque peu de ce rapprochement pour parler un soir à Devika de mon désir d'habiter une grande maison à la campagne mais quand elle imaginait les charges à supporter et les risques à courir à demeurer toute seule elle avait préféré ne jamais penser. Mais l'idée ne la déplut pas d'habiter à deux une grande maison. Après avoir fait mes calculs j'étais arrivée à la conclusion que nos revenus modestes ne nous donnaient guère la possibilité de louer une maison du genre colonial qui nous rappelait beaucoup certains coins bien choyés de notre île. Nous n’avions jamais plus parlé après.

Avant de reprendre mon travail je décidais de chercher une personne pour s'occuper d’Akbar. Il se portait bien par la grâce de Dieu. Je lui avais fait faire ses premières visites médicales et avais commencé déjà ses vaccins. Il prenait ses biberons à sa soif régulièrement et se réveillait même le soir pour en chercher davantage. Il poussait des grands cris tard dans la nuit et je craignais qu'il ne réveillât les voisins. Les enfants de Devika aimaient beaucoup jouer avec lui. Ils passaient des heures devant le berceau pour lui faire des grimaces et pour lui toucher les mains et les joues avec leurs petits doigts. Devika m'invitait souvent chez elle pour boire une tasse de thé le soir. Nous nous installions dans le salon pendant que les enfants jouaient dans la chambre à côté et qu’Akbar dormait dans mes bras. Notre conversation se rapportait souvent sur nos menus problèmes. Devika voulait m'emmener une jeune femme pakistanaise qu'elle connaissait depuis un certain temps. Elle me donnait l'assurance de son honnêteté et de sa bonté. Elle s'appelait Sheinaz et vivait avec ses parents depuis que son mari avait trouvé la mort un an de cela. Elle se présentait chez moi quelques jours plus tard. Je l'engageais tout de suite.

Mon congé de maternité approchait à son terme. Akbar commençait à s'adapter au rythme de la vie. Il se montrait sage dans la journée de manière que Sheinaz n'éprouvait pas de problème à s'occuper de lui. Cela me permettait de me reposer. Je descendais en ville pour faire des courses et me permettais de m'absenter de la maison pour un bon moment sans me faire du souci sachant qu'Akbar était en main sûre. Sheinaz  attendait mon arrivée pour rentrer chez elle. Pour inscrire les enfants à l'école Devika aurait besoin des pièces administratives qu'elle devait récupérer à Londres. Elle décida de s'y rendre avec les enfants. J'étais inquiète quand elle était partie. Elle me téléphona dans mon travail le jour suivant pour me dire qu'elle avait fait un bon voyage. Elle se logeait dans une pension de famille et serait de retour dans une semaine. Je l'attendais avec impatience.

Une semaine plus tard elle me prévenait qu'elle était retenue pour compléter d'autres démarches dont elle n'avait pas voulu me révéler la nature par téléphone.

Je compris que cela devait être très important. Je brûlais du désir d'en savoir davantage. Elle rentrait un samedi après-midi. Dès que je l'avais aperçue au fond de l'allée, je savais qu'elle avait une bonne nouvelle à me donner. Elle me racontait que quand elle était en Angleterre elle avait hâte de faire un tour dans l'hôpital où elle suivait les cours. Elle était allée rencontrer des anciens collègues pour prendre de leurs nouvelles. C'était là qu'elle apprit que le docteur Ajay la cherchait et qu'il avait laissé probablement des messages au concierge de l'immeuble qu'elle habitait quand le docteur était parti. Elle se précipitait vers l'immeuble. Le concierge affirma qu'il y avait un message pour elle mais il ne se souvenait plus où il l'avait mis. Après de vaines recherches qui duraient plusieurs heures le concierge parvenait à mettre la main sur l'unique lettre qu'il remit à Devika.

C'était une lettre qui datait plus d'une année auparavant. Le docteur Ajay la découvrait ses profonds sentiments et ses désirs les plus chers de pouvoir partager son existence avec elle. Il ne cessait de penser à elle et aux enfants. Il souhaitait tellement les avoir auprès de lui. Il les avait cherchés partout pendant des semaines. Il les attendait à tout moment. Elle devrait s'adresser chez un notaire à Londres où elle serait informée des autres dispositions prises à son égard. Le notaire la reçut dans la journée même. Il sortit son dossier et l'informa que le docteur Ajay Chowdurry avait mis à sa disposition une très grande maison à New-Delhi, 146, Ramprasad Road. Si Devika acceptait de rejoindre le docteur Ajay à New-Delhi elle n'avait qu'à donner son accord au notaire qui ferait le nécessaire pour les passeports, le visa et les billets de passage. C'était une décision qui demandait réflexion. Devika voulait avoir mon avis avant de téléphoner au notaire. Je ne pouvais pas faire mieux que de l'encourager à aller rejoindre le docteur Ajay en Inde. Elle devait saisir sa chance. L'avenir de ses enfants y dépendait beaucoup. Elle avait pendant longtemps pataugé dans la misère pour ne pas éprouver de la joie de voir de belle perspective s'ouvrir devant elle. Combien ne remerciait-elle pas le Dieu Vishnou d'avoir entendu ses prières. Elle avait des idées confuses et ne savait comment démontrer son enthousiasme.

L'ombre de la tristesse s'était emparée de moi quand je constatais que j'allais perdre une amie. Devika se dirigeait vers le bonheur que tout le monde aspire. J'étais heureuse de constater que sa vie s'arrangeait de cette manière. Mes bénédictions les accompagnaient partout. A qui allais-je confier mes peines et qui allait m'écouter et me consoler ? Maïs si le destin avait voulu nous séparer de cette manière après que nous ayons trouvé dans la douceur de l'amitié tous les bonheurs qui nous avaient accompagnés dans notre vie solitaire, nous étions obligés de l'accepter sans nous rechigner. Nous n’avions aucun regret pour ces moments inoubliables que nous avions passés ensemble et dont nous gardions de merveilleux souvenirs. Je me réconfortais en énumérant les raisons plausibles qui poussaient les gens étroitement liés à se séparer. Je parvenais à atténuer mes peines en imaginant Devika dans son bien-être, entourée de sa petite famille, à savourer le confort que sa nouvelle vie allait la procurer. Ce tableau me revenait si souvent à la mémoire que je ne pouvais ne pas le raconter à Devika. Elle éprouvait les mêmes peines à se séparer de moi. Mais elle ne me cachait pas ses joies d'aller à la rencontre de l'homme qu'elle n'avait cessé d'aimer. Je cherchais donc à partager avec elle ce bonheur auquel elle aspirait tant.

 

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