DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 27
Je remettais les trois quarts de mon salaire à mes parents et gardais le reste pour mes trajets et mes sorties avec mes amis dont la plupart travaillaient. Cet argent nous permettait les fréquentations des restaurants, des excursions et des pique-niques. Nos fréquents déplacements nous poussèrent à rechercher, pour limiter nos dépenses, des personnes propriétaires de voitures qui pourraient se joindre à nous et avec lesquels nous pouvions organiser des sorties.
Nous avions formé un moment le projet d’acheter une vieille voiture qu’une connaissance voulait bien nous vendre. Nous nous associâmes pour cet achat de sept cents roupies facilité par un crédit avec un acompte de quatre cents roupies et trois mensualités de cent roupies.
Cependant, comme aucun d’entre-nous ne possédait de permis de conduire, nous arrivions toujours à trouver quelqu’un pour prendre le volant quand nous allions nous promener le dimanche et nous avons réussi tous à apprendre à conduire sur cette voiture. Je fus le premier à obtenir mon permis; mes amis l’eurent assez vite, de sorte qu’il ne manquait plus de chauffeur. Quant à l’entretien du vieux véhicule, un ami était chargé d’en prendre soin.
Il y eut en ce temps de telles périodes où ma cousine et moi n’échangions plus de lettres ou entrecoupées de temps très longs que nous pouvions redouter la rupture totale ! Nous ne nous donnions aucun signe de vie et chacun s’isolait de son côté pour panser une plaie que nous avions, par notre comportement, créée et qui en fait nous dévorait de l’intérieur.
Avant de cesser de nous écrire, nous nous déchirâmes le cœur par des paroles insidieuses que nos jalousies, nos doutes, nos colères, nos exaspérations, nos désespoirs nous poussaient à commettre. Nos déchirements soulageaient beaucoup de cœurs qui n’approuvaient pas notre liaison.
Cet intermède dans ma vie amoureuse m’incita à m’intéresser de près à une jeune collégienne que j’avais aperçue à tout hasard à Port–Louis mais que déjà je passais beaucoup de temps à rechercher, simplement pour la regarder car rien de sérieux ne se passait entre nous par la suite. Je ne l’avais rencontrée que deux ou trois fois dans le bus sans que nous nous soyons dit grand-chose. Mes hésitations à aller à sa rencontre ainsi que les efforts qu’elle faisait pour m'éviter mirent fin à cette éventuelle aventure.
Je découvris par là que mon cœur était profondément attaché à ma cousine et que malgré le mutisme que je lui réservais, mes sentiments n’avaient pas changé à son égard.