IL ÉTAIT UNE FOIS …LA COLONIE 3
Les lumières envahissantes du lever du soleil chassaient les ombres trop noires par l’absence de la lune. Omar se trouvait dans sa misérable case, dans le faubourg de Port-Louis. Il était réveillé déjà mais ne pouvait pas bouger. Il avait fourni des efforts la veille en transportant des meubles qu’il avait vendus à un négociant de la ville. Il était épuisé et ressentait des douleurs aiguës qui lui avaient fait pousser de longues plaintes qui se mélangeaient souvent avec les croassements des grenouilles. Personne ne l’entendait.
La mort pourrait le surprendre dans cet état, sans que personne ne sache. Omar avait l’habitude de se réveiller tôt le matin. Seulement la maladie pourrait le retenir au lit. Il demandait à Dieu de lui venir en aide, de lui donner sa force, de ne pas lui abandonner dans un moment aussi important de son existence. Il reconnaît en lui-même un homme trop vieux pour continuer à vivre seul. Son état de faiblesse, la mauvaise nuit qu’il avait passée l’accablait de telle sorte qu’il était convaincu qu’il ne lui restait que peu de temps à vivre. La maladie troublait très souvent ses pensées et lui fit voir la réalité en face.
– Je ne dois plus vivre tout seul, dit-il, je suis trop vieux et j’ai besoin de l’aide.
Les chants des coqs lui parvenaient à l’oreille et lui annonçaient l’approche du jour. Il voulait se délivrer de ce cauchemar qui commençait déjà par l’affliger. Il remarquait des lueurs sombres qui s’infiltraient par les interstices de sa case. Le froid qui passait à travers les issues n’eut aucun effet sur le vieil Omar. Le matelas était humide de transpiration. Durant toute la nuit Omar était accablé par des crampes et des fièvres. Il se levait avec beaucoup de peines et de volonté pour préparer une tisane avec des plantes qu’il avait récupérées dans les montagnes et qu’il avait entassées sur l’étagère à côté de son lit.
– Ta vieille carcasse ne tiendra pas longtemps Omar, se dit-il, en allumant le feu, tu quitteras ce monde bien avant que tu l’imagines et sans avoir accompli ton devoir. Qui se soucie de toi, de ton existence? Ton visage ridé, ta barbe blanche ne signifient rien dans l’esprit de ces quelques bougres du quartier que tu connais. Ta présence dans cette société n’est que l’ombre qu’on oubli si vite. Tu dois fuir avant qu’il ne soit trop tard. Pourtant, vieux renard, si on savait que tu possèdes une fortune si immense le monde serait à tes pieds. Mais n’as-tu pas toujours fui la société? Tu redoutes tellement les riches que tu t’es résigné, malgré ta fortune, à demeurer pauvre. C’est ta conviction. La vie t’a appris de leçons que tu ne peux oublier si vite. Et puis remarque que tu as vécu une existence jalonnée de malheurs. » L’aboiement des chiens lui indiquait le lever du jour.
Les gens se rendaient aux champs. Il ouvrit grandement la fenêtre pour inviter l’air frais à entrer dans les trois pièces vides de sa case. ‘Cet air pur’, pensa-t-il, “qui provient des montagnes chasse les maladies. J’ai donc toute chance de me guérir. Je n’ai pas l’intention de garder le lit et pourrir dans cette pièce. Un vaisseau devait débarquer des esclaves ce matin. Je ne dois pas manquer cette occasion. Il faut absolument que je me rende sur le quai pour m’acheter un esclave. J’en ai grand besoin.’
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