IL ÉTAIT UNE FOIS …LA COLONIE 10
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ne peut être que fortuite.
Un après-midi il se promenait dans le bois sans but précis ; la chaleur était accablante, Charles, connaissait bien la région et décidait de faire un détour pour se diriger vers une digue à l’intersection d’une rivière, à l’arrière de la propriété d’une famille bourgeoise. Il marchait nonchalamment sur la berge couverte d’herbes sauvages que les pieds foulaient rarement. Il était silencieux comme à ses habitudes, furtif pour ne pas effrayer les gibiers ; il gardait les oreilles tendues aux moindres bruits qui pourraient attirer son attention. Avant même d’atteindre son but où il pensait pouvoir se rafraîchir par un bon bain il sentit la présence humaine aux alentours.
Les expériences qu’il avait acquises pendant de longues heures passées au fond des forêts l’aidaient à n’éprouver ni peines, ni difficultés pour deviner l’approche d’un danger ou l’existence des pièges dans les parages tant ses flairs ne pouvaient lui tromper et ses perceptions ne pouvaient lui mettre en doute.
Ce jour-là, il ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait à peu de distance d’où il se trouvait ; ses idées étaient brouillées par des manifestations incompréhensibles. Il apercevait son imagination titiller par l’instinct qui lui prévoyait quelque moment de réjouissance dont il devait s’attendre. Charles avançait vers la digue avec précaution. Il écartait les feuilles des broussailles qui lui obstruaient la vue, pour voir le bain que prenait une belle jeune fille. Ce spectacle exerçait sur lui un effet qu’il ne pouvait décrire. Ses yeux étaient hagards et avides. Il ne parvenait pas à détacher ses yeux de la cible tant ils étaient rivés sur ce corps souple et élancé. La peau douce et blanche resplendissait dans un soleil ardent et sur laquelle des gouttes d’eau apparaissaient comme des perles.
En demeurant longtemps à admirer avec joies cette jeune fille dont la beauté lui rendait fou, Charles dégustait dans le silence et avec frayeur le meilleur moment de sa vie. Il acceptait tous les péchés pour ce spectacle qui s’offrait à ses yeux. L’effet qu’avait causé sur Charles la présence de cette charmante demoiselle était d’une telle dimension qu’il s’était senti captivé, charmé, extasié par ce que lui dévoilaient ses yeux. Son cœur battait à une allure et à un rythme qui lui emmenait des sensations nouvelles. Il savourait ce moment de délice dans le silence. Seul le clapotement de l’eau faisait écho. Charles éprouvait déjà la frayeur que ce moment s’évanouisse à jamais, apportant à sa vie regret, tristesse et désespoir. Une envie terrible de connaître cette fille s’empoignait de lui de sorte à lui faire prendre la résolution de la suivre. Il ne se doutait pas de l’épreuve qui l’attendait dans l’avenir.
Quand il entendait dans la confusion des voix qui appelait « Mamselle Roseline, dépêcez vous le maît ne sea pas content de vot retard » il comprit que deux femmes esclaves surveillaient, attendaient et s’impatientaient quelque part dans les environs. Evidemment l’attente se prolongeait. Il était impatient de découvrir ce que la nature avait de si belle à lui montrer. Dans des mouvements naturels, par des mouvements pudiques la nymphe se retirait de l’eau. Charles découvrit ce qu’il y avait de sublime, d’extraordinaire dans ce monde. Jamais créature ne s’était apparue à ses yeux de manière à lui laisser des impressions qu’il avait peine à effacer, à oublier.
Il faisait tard. Le temps fuyait comme Charles ne l’attendait pas. Ce n’était pas convenable de s’y aventurer dans un lieu où l’on pouvait se faire attaquer par des voleurs de grands chemins. En retournant à la maison, le chemin à parcourir paraissait long et pénible. Charles avait l’imagination troublée ; ses idées s’embrouillèrent par la manière dont l’avenir se présenterait à lui. Il se laissait dominer par une torpeur qui se remarquait sur son visage. Ses parents qui lui connaissaient très bien soupçonnaient ce qui pouvait être responsable de son état.
Il dormait la nuit en se faisant persécuter par des rêves entrecoupés qui lui renvoyaient des images de la jeune fille dans des séquences qui lui faisaient pousser des cris, qui l’obsédaient au point à inquiéter ses parents, les mettre dans de doutance sur son état de santé.
Les tourments qui l’affligeaient lui donnaient un air mélancolique, maussade et même renfrogné de sorte que, ses trois sœurs, pour lui retirer de cette torpeur, lui jouaient des tours, lui taquinaient, attirant ainsi son attention sur des préoccupations pouvant lui distraire, lui égayer.
Cette attitude qu’il adoptait et qui était indépendant de sa propre volonté était due à une transformation mystérieuse qui s’effectuait en lui depuis qu’il avait vu la fille prendre son bain.
Un soir le vent soufflait dans un long gémissement plaintif et que dans le lointain le hurlement d’un chien annonce quelques mauvais présages. Charles ne pouvait dormir, ce qui lui ramenait à l’esprit une foule d’idée. Il prit la résolution de se renseigner sur la jeune fille à qui il ne cessait de penser.
Malgré la fatigue qu’il ressentît pour la mauvaise nuit qu’il avait passée, en se réveillant de bon matin Charles était satisfait du beau temps qu’il fasse. Peu de nuage parsemait le ciel. Dans un élan que seule la quête du plaisir pouvait provoquer, de ses pieds fermes et décidés à fouler les herbes des forêts et des plaines, Charles, avant que le soleil ait parcouru la moitié de son chemin, était à peu de distance d’un grand domaine situé dans le quartier de Cap Malheureux.
Ayant marché pendant des heures sans se reposer Charles décida de s’arrêter au bord d’une source. Une eau fraîche et limpide coulait ; il but à sa soif. Il dégustait ensuite des fruits juteux qu’il trouvait dans les environs. Il s’installait sur l’herbe sèche à l’ombre des eucalyptus et, probablement bien fatigué de cette longue marche, s’était endormi pendant des heures et ne se réveillait que bien tard pour constater que la nuit était proche, que le temps était couvert, qu’il n’y avait pas moyen de retourner à la maison ce jour là et qu’il lui fallait trouver un abri pour se cacher contre le mauvais temps qui s’annonçait.
Charles n’eut pas le temps de décider ce qu’il fallait faire quand une pluie battante, accompagnée d’un vent qui s’était levé, vint le surprendre alors qu’il s’était mis à courir dans la direction d’un pavillon qui lui paraissait inhabité. Il se trouvait à mi-chemin quand des chiens surgissaient d’un bosquet. L’atmosphère était noire et lugubre de ce côté là ; les chiens lui aboyaient après. Il s’arrêtait et allait prendre la fuite dans la direction opposée. Il était confus sous une averse qui lui avait trempé jusqu’aux os, quand un homme, un fusil à la main, apparaît comme un fantôme et lui demandait de sa voix rauque et lointain ce qu’il cherchait dans le parage. Il ne pouvait se douter que c’était le contremaître. La grande maison s’élevait pale et grise sous la pluie qui tombait. Charles ne voulait pas répondre ; il était effrayé et hésitait ; il réalisât qu’il n’avait pas de choix ; il d’avouait qu’il avait perdu son chemin et que le mauvais temps était venu interrompre sa route. Il avait aperçu un lieu où il pouvait prendre refuge et n’avait pas hésité d’en approcher. Le contremaître l’examina avant de le croire sur parole. Les chiens n’aboyaient plus quand Charles entrait dans le pavillon
©Kader Rawat