LE TEMPS D'UNE LIVRAISON
LE TEMPS D’UNE LIVRAISON
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Le samedi après-midi Salim avait l'habitude de se retrouver sans chauffeur ; un client d'une trentaine d'années se présenta dans le magasin pour acheter un lit complet qu'il paya au comptant dans la seule condition que les marchandises lui soient livrées avant le soir. Autrement les livraisons des ventes de samedi après-midi étaient souvent reportées dans le cours de la semaine suivante. Il était trois heures de l’après-midi et Salim qui n'avait pas encore réalisé de vente ne voulait pas perdre ce client, le seul de la journée toute entière, pour dire que le métier devenait dur et difficile. Il tenait à faire la livraison au bas de la rivière, à un quart d'heure de route s'il évitait les rues encombrées. Pendant que le garçon du magasin chargeait les marchandises, il prenait l'adresse exacte. Le client avait quelques courses à faire en ville et Salim devait trouver son domicile où il y aurait quelqu'un pour réceptionner les marchandises. Je décidais de l'accompagner.
La pluie avait cessé quand nous montâmes dans la camionnette, emmenant avec nous un manœuvre pour décharger les marchandises. Comme à cette heure de la journée la rue Maréchal Leclerc est encombrée, nous prîmes la direction de la rue Sainte-Marie qui nous emmenait tout droit vers les rampes sans que nous ayons besoin de suivre la file des voitures comme un cortège sans nous attarder aux feux de signalisation. Les nuages se dissipaient graduellement et les rayons du soleil commençaient à faire leur apparition timidement pendant que nous prenions la route.
Nous nous dirigeâmes donc vers la destination avec, en mémoire l'adresse exacte où la livraison devait être effectuée, de même que les renseignements nécessaires, tels que repères des bâtiments publics s'il y en avait ou autres indications qui aideraient à trouver sans trop perdre de temps le domicile. Ayant une connaissance assez vague des banlieues de la ville, malgré que l'exercice de son métier l’eût accoutumé à découvrir beaucoup de lieux, certaines régions demeuraient encore inconnues, nouvelles et même étranges quand il les voyait. Nous roulâmes un bon moment, descendant les routes asphaltées et sinueuses, traversant un pont qui reliait les berges d'une vaste rivière et nous engageant dans des chemins étroits qui nous emmenaient vers une maison coloniale, peinte en gris pâle et vert, et qui, par son aspect, attirait le regard et l’attention des passants et des visiteurs. Nous n’avions eu aucune peine de retrouver cette demeure située sur les hauteurs pour se mettre à l’abri des inondations comme au temps de l’esclavage, ce qui était un des fléaux de la nature. La plupart des autres maisons de proximités se trouvaient également à une distance ou dans une position qui les mettait hors d’atteinte des débordements, des crues, ce qui leur donnait un air dominateur sur toute l’étendue de la rivière où un faible cours d’eau, venant des montagnes, sortant des vallées ou de la profondeur de l’île se dirigeait tranquillement vers la mer à l’embouchure de la rivière où des vagues houleuses leurs faisaient un accueil en fanfare.
Salim gara la camionnette une centaine de mètres plus bas, ne pouvant avancer plus loin. L’extrémité de l’allée dans laquelle nous étions engagés se terminait en cul de sac et se trouvait au pied d’un promontoire où des flamboyants se dressaient pour donner de l’ombre aux escaliers en pierres taillées qui menaient vers la maison cachée derrière un bosquet et une variété des plantes nutritives. Salim descendit de la camionnette pour aller s’informer s’il y avait bien quelqu’un pour la réception des marchandises. Le manœuvre qui l’accompagnait pour décharger les marchandises attendait tout près de la camionnette pendant qu’il se dirigeait vers la maison.
Un vent léger et doux soufflait en permanence en faisant bruisser les feuilles des arbres. Quelques oiseaux qui volaient faisaient entendre leurs chants en s’éloignant dans le ciel sans tache. L’atmosphère qui y régnait donnait une étrange impression que je ne suis pas prête à oublier. Des buissons touffus, épais, cachaient des grands rochers et des lianes liaient dans un décor sublime ces buissons aux troncs des arbres, de sorte à donner un aspect mystérieux à la région. Je devinais tout de suite que peu de gens se rendait là et croyait comprendre même que s’élevait dans l’air, comme évaporer de la terre gorgée de sang, une forte odeur de fumier, une odeur si répulsive que des frissons me parcouraient le corps entier, me secouaient pendant un moment si convulsivement que pour repousser cet aspect maléfique qui m’impressionnait, m’intimidait, me possédait même j’eus recours instinctivement aux quelques versets du Coran pour me libérer, me soulager, me protéger.
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