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Un profond sentiment de tristesse

2 Juin 2023 , Rédigé par Kader Rawat

 

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Quel que soit la réponse que je pusse obtenir nulle ne m’apporterait remède et soulagement, et, dans la logique de toute chose, pour ne pas me laisser abattre, pour que ma morale ne soit pas affectée, j’en vins à la conclusion que rien de toutes les imaginations que je me faisais n’était vrai et que mon existence ne dépendait que des efforts qu’il me restait à fournir avant de me mettre à l’abri dans la maison qui ne se trouvait pas loin de moi.
Je me mis debout avec beaucoup de difficultés et me lançais à petits pas dans un sentier étroit. La plantation de la canne à sucre étant bien haute à cette saison de l’année, je m’engouffrais parfois dans des champs pour déboucher longtemps après dans un espace vide où les plantes de maïs étaient petites encore. L’air était chaud à cette heure de la journée et il me restait encore une bonne distance à parcourir. Mes bottes me gênaient tellement que plusieurs fois je m’étais arrêté pour m’en débarrasser, mais mes pieds enflés étaient coincés de sorte que j’éprouvais beaucoup de peines pour les retirer. Mes tentatives me faisaient si mal que je n’insistais pas et continuais à piétiner le sol en boitant. Des oiseaux volaient un peu partout et chantaient, donnant au paysage un aspect moins triste, plus vivant.
Pendant que je marchais dans la vaste prairie qui s’étendait jusqu’à la ferme, j’avais l’impression d’avoir perdu toutes mes facultés et ne plus reconnaître en moi-même l’homme que j’étais. Ma capacité de percevoir les choses me faisait tellement défaut que je ne parvenais pas à distinguer la présence des créatures à peu de distance de moi. Mon flair ne me donnait aucun bon résultat et je ne cessais de me poser la question de ce qui aurait pu apporter une telle transformation dans ma nature. Était-ce parce que j’avais reçu des coups très durs à la tête ou tout simplement c’était dû à mon état déprimant ?
Je recevais sur mon corps tout trempé de sueurs, les derniers rayons du soleil qui descendait lentement derrière la colline, projetant sur une partie des bois et des champs une ombre gigantesque qui s’étendait graduellement jusqu’à l’horizon lointain, envahissant plaines et prairies. Je fus moi-même submergé par cette ombre qui plongeait toute la région dans une atmosphère sombre quand le soleil disparaît derrière des épais nuages. Ce changement de climat apporta un air frais qui parcourait les espaces, enveloppant sur son passage une espèce de couverture invisible qui me fit frémir, frissonner alors que je franchissais à peine la clôture qui faisait le tour de la maison. J’étais presque au bout de mes forces quand, à mon grand étonnement, j’entendis au loin le bruit des sabots et le roulement des roues d’une charrette.
Pendant que j’écoutais attentivement les bruits sinistres que faisait la charrette en progressant lentement dans la direction de la ferme, je fis instantanément la vision de l’approche de mes parents qui retournaient d’une longue promenade. J’avais l’habitude de les attendre jusqu’à fort tard le soir et de courir les rejoindre dans le sentier dès que je vis pointer la charrette. Je ne cessais de regretter de les avoir perdus si mystérieusement et c’était bien pour cette raison que je gardais l’espoir de les retrouver un jour. Dans toutes les silhouettes que je distinguais, il n’y avait pas une seule qui ne me faisait pas croire que c’était ceux de mes parents, frères et sœurs. Et à chaque fois je fus envahi par un profond sentiment de tristesse, de désolation. Parfois même je le sentais pénible à supporter l’écho d’un passé, d’un temps si injustement, si cruellement interrompu sans que je pusse moi-même donner aucune explication ni ne fusse éclairé sur cette affaire qui me paraissait louche, bizarre, insolite. Des gens ne peuvent pas disparaître ainsi sans laisser de trace, même par le passage si insignifiant d’un mauvais temps. Des fléaux d’une telle puissance ne peuvent causer une aussi grave conséquence. Ce n’était ni un tremblement de terre, ni un glissement de terrain, ni l’éruption d’un volcan et mes parents n’étaient pas menacés par les flots de la mer. Furent-ils surpris par un débordement, une inondation dévastatrice, ils se seraient emportés dans les flots de la rivière, se seraient jetés dans la mer mais, au moins un de ces six corps aurait été découvert. Cette hypothèse, la seule qui puisse expliquer leur disparition, me semblait invraisemblable dans la mesure où jusqu’à présent aucune découverte ne fut encore faite et rien ne fut non plus signalé pour marquer leur passage dans un lieu quelconque. Où pourraient-ils bien être ? Je me souviens encore ce que j’avais fait dans le bois. J’avais mis toute ma confiance dans cette parole qui me fut adressée et j’attendrais même jusqu’à la fin de mes jours que le moment soit venu pour me retrouver auprès de ma famille. Je pense que le destin nous oblige, nous force à nous patienter jusqu’à ce que nous obtenions ce que nous attendons. “Les forces morales que j’avais acquises dans le bois pendant que je me livrais à la lecture des saintes écritures, à la méditation, me soutiendrait, j’étais certain, dans toutes les entreprises que j’espérais m’engager dans le futur, pourvu que ces entreprises se rattachent, se rapportent, se rapprochent plus à l’exercice de bonnes actions dans le milieu social, dans le cœur de chaque individu, et même dans la vie quotidienne de l’île. Cela me fut dit une fois dans mon rêve et j’en croyais aussi.
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©Kader Rawat
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