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Un amour de jeunesse Chapitre 10

7 Juin 2013 , Rédigé par Kader Rawat

Un amour de jeunesse

 

 

Un choix difficile.

 

Une amie de longue date que j'avais connue dans mon lieu de travail me parlait d'une medersa située à peu de distance de mon domicile. Des prêtres musulmans enseignaient les préceptes de l'Islam. Des jeunes musulmans du quartier s'y rendaient tous les après-midis. Je décidais d'y envoyer Akbar. Mon but était de lui faire apprendre les rudiments de sa religion, de lui laisser découvrir la beauté de l'Islam. Il aurait besoin de foi pour survivre dans ce monde en perdition.

Je fis son inscription quelques jours plus tard. Il débutait ses cours un lundi après-midi. Mes contacts avec quelques femmes musulmanes de la région me firent prendre conscience de l'état de mon existence. La vie irrégulière que je menais était mise en question. Mon fils pouvait trouver sa place dans la société dans la seule condition que je mette de l'ordre dans ma vie. Les lois rigoureuses de la religion me firent vite comprendre que j'étais dans le péché. Une femme musulmane ne doit pas se livrer à un homme qu'elle n'a pas épousé par la voie de la religion. Je fus avertie par des femmes missionnaires qui me furent envoyées spécialement pour me prêcher la religion et m'expliquer ses préceptes. Je fus même avertie que si dans un certain délai qui me fût accordé je ne changeais pas ma façon de vivre, mon fils risquerait d'être expulsé de la medersa. Mais on me fit entendre que si j'avais des suggestions à faire ou des explications à demander je n'avais qu'à m'adresser aux femmes missionnaires qui venaient me voir régulièrement. Je savais que je n'avais pas des arguments pour me défendre. J'étais tourmentée durant plusieurs nuits et ne savais pas de quelle manière aborder Frank pour lui parler de ce problème.

J'avais l'impression de me trouver sur la ligne médiane qui séparait d'une part l'islam que je faisais face et qui me tendait les bras et d'autres part l'Occident qui me tenait dans ses griffes. Je n'avais qu'un pas à faire en avant pour m'enfermer dans ce cercle ou sinon un pas en arrière pour basculer dans la vague brulante de l'occident.

Frank était retenu par son travail. Quand il venait me voir c'était seulement pour me faire l'amour Il avait l'air toujours pressé et abrégeait à chaque fois ses visites sous prétexte qu'il avait du travail à achever. Il ne se montrait plus tendre comme avant et m'accordait à peine ses attentions. Ces changements dans ses habitudes me marquèrent et me touchaient beaucoup. Malgré tout il comptait énormément dans ma vie. Surtout quand j'imaginais que je devais pourtant mettre fin à tout cela. Il était évident que je ne pouvais continuer à le voir. Je me réfugiais auprès de mon fils qui méritait beaucoup mon affection. Je lui en donnais énormément et imaginais que ce n'était pas suffisant. Je lui trouvais des distractions pendant lesquelles nous partagions nos joies afin de vivre heureux l'un auprès de l'autre.

Depuis un certain temps Frank me faisait comprendre qu'il voulait me présenter à ses parents. Je me sentais indigne de me voir passer pour la petite amie de Frank d'autant plus que j'avais du mal à cacher la honte que je ressente dans la situation où je me trouvais. J'étais une femme de couleur venant de région lointaine qui n'avait pas intérêt d'aller séduire le fils d'un industriel destiné à un avenir brillant et prometteur. Je trouvais toutes les fois des prétextes pour reporter pour une autre fois ces présentations pour m'épargner ce supplice de me voir parmi des gens qui devaient ne pas approuver ma présence dans leur société. Frank était un temps amoureux fou de moi et nourrissait cette frayeur de me perdre d'un moment à l'autre. Il me parlait souvent de mariage et de vie commune. J'étais très embarrassée et ne savais quoi répondre. Je savais qu'un moment à l'autre ma vie allait basculer dans le mauvais côté. J'essayais de gagner du temps. Nos rapports ne se détérioraient jamais pendant que nous nous aimions. Nous avions vécu ensembles sans nous faire des engagements. Il arrivait souvent que nous n'étions pas d'accord sur certains points mais nous parvenions à régler ces problèmes aimablement sans trop nous abîmer dans des discussions inutiles. Frank m'avait invité dans une maison de campagne appartenant à son ami. J'étais allée le rejoindre un vendredi après-midi quand Akbar terminait sa classe. Au couché du soleil, Frank et moi-même marchions le long d'un sentier qui nous dirigeait vers le bois. C'était là que j'appris à Frank la décision que j'avais prise de me séparer de lui. Je tenais beaucoup à l'avenir d’Akbar et je devais du respect à ma communauté. Ma conduite comptait énormément dans cette affaire. Frank n'avait pas prononcé une seule parole.

Frank voulait difficilement accepter l'idée d'une séparation. Il m'avouait qu'il ne pouvait plus vivre sans moi. Il me trouvait bien cruelle de lui éloigner de moi et de ne plus le permettre de venir me voir. Il n'admettait pas que je puisse lui causer autant de tort.

Un cœur qui aime, me dit-il, ne peut insinuer des choses pareilles. Tu n'as plus d'amour pour moi dans ton cœur, Yasmina. Avoue-le. Et dire que c'est en toi que je puise toutes mes forces. Comment t'expliquer la confiance absolue que j'ai en toi. Je reconnais les sentiments profonds que tu éprouves à mon égard. Jamais l'ombre d'un doute n'est une seule fois venu me perturber l'imagination. Tu me gardes fidélité et je t'en suis reconnaissant. Ma conscience n'a jamais été autant tranquille du moins dans nos amours depuis que je t'ai connue. Et maintenant tu insistes à me faire comprendre que ton chemin et le mien est différent et qu'il est temps de nous séparer. Je  ne le supporterai pas.

L'intérêt que me portait Frank, son amour me mirent dans l'embarras. J'étais confondue. Ce serait imprudente de ma part de repousser un homme que j'avais pris plaisir à séduire et qui m'avait donné la joie de vivre. Pourtant je devais trancher entre l'amour que je vouais à cet homme et le respect que j'avais pour ma religion. Ma vie privée et mon image dans la société étaient deux facteurs principaux qui étaient en cause. Comment faire comprendre à mon amant que les lois de ma religion m'interdisent tout rapport avec lui? Je pataugeais dans le péché et devais avoir honte devant Dieu et devant les hommes. En me séparant de Frank ce dimanche bien triste, je versais beaucoup de larmes. Il fut convenu qu'il ne viendrait plus chez moi sous aucun prétexte. Je déplorais beaucoup cet état de chose et pleurais pendant toute la nuit. Akbar me demandait souvent si j'avais mal. Devant lui je me retenais avec beaucoup de peine afin de ne pas lui donner des soupçons des problèmes qui se posaient entre Frank et moi-même. Mes collègues de travail me firent des remarques sur les fatigues décelées sur mon visage. Je leur chantais n'importe quoi pour me débarrasser d'eux. Je ne voulais partager mes peines à personne. La première semaine était dure. Au bout de deux semaines, Akbar me demandait si oncle Frank ne venait plus nous voir. Je lui trouvais toujours une explication. J'étais affligée de cet état de chose. Akbar avait des nombreux amis avec lesquels il passait son temps. Il cherchait de plus en plus rarement Frank.

Je devais trouver du courage pour vivre à cause de mon fils qui avait besoin de moi. Mon logis me refoulait des souvenirs difficiles pour moi à supporter. J'étais obsédée par la présence imaginaire de Frank. Je décidais de déménager. Je trouvais une maison dans un quartier plein d'immigrés.

Ma nouvelle demeure était meilleure que mon studio. C'était une petite maison de trois pièces, indépendantes qui faisait la fierté d’Akbar. Il avait sa chambre à lui, son lit et son bureau. Souvent il emmenait ses amis pour regarder des dessins animés à la télévision. Une grande cour à l'arrière de la maison permettait aux enfants de jouer jusqu'à fort tard le soir. Leurs cris retentissaient jusque dans le lointain.

Akbar voulait posséder autant que ses amis. Je touchais un salaire qui ne me permettait pas de faire des fantaisies. Je pouvais à peine faire de l'économie. J'essayais d'expliquer à Akbar que je n'étais pas riche et que je ne pouvais pas lui donner ce qu'il désirait. Mon seul plaisir à moi était de lui rendre heureux. Il m'étonnait beaucoup par son intelligence et sa façon de raisonner. A sept ans il avait un esprit éveillé et surtout de l'ambition. Il faisait surtout ma fierté quand sa maîtresse de classe me félicitait des progrès qu'il faisait à l'école. Il avait des bonnes manières qu'il montrait d'ailleurs aux voisines et aux amies qui ne manquaient pas de me faire des compliments.

 

Akbar avait lié amitié avec un jeune marocain. Il vivait avec sa mère dans un lotissement à peu de distance de notre maison. J'eus le plaisir de faire la connaissance de sa mère lors de la fête de fin d'année. Nous devenions bien vite amies peut-être en raison que nous avions affronté des problèmes semblables. Comme moi elle avait fui le toit paternel pour avoir commis des fautes que ses parents ne pouvaient la pardonner. Et comme moi elle affrontait la vie toute seule. Elle me donnait l'idée d'aller rendre visite à mes parents à l'Île de la Réunion. J'avais toute raison de savoir ce qui se passait au sein de ma famille. Je leur devais des explications. Mais sans de l'argent de quelle manière pouvais-je envisager un déplacement? Je travaillais durement pendant des mois en mettant de côté des économies. Quand quelques années plus tard je réunis la somme qu'il me fallait pour tirer deux billets aller retour Paris Réunion Paris je pris mes congés pendant les vacances scolaires et m'embarquais avec mon fils sur le Charter à destination de l'Île de la Réunion.

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