Un amour de jeunesse Chapitre 8
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Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
© Kader Rawat Février 2013
Tous droits réserves
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Je me rends à Paris
Je décidais de quitter Marseille. Je voulais me rendre à Paris. Sheinaz était triste de se séparer de moi et d’Akbar. Le train quittait la gare vers les neuf heures. J'avais pris place dans un compartiment où plusieurs personnes s'étaient déjà installées. C'était l'époque où les garçons portaient des cheveux longs. Ma nouvelle coupe attirait sur moi des regards remplis d'admiration. Un couple d'âge mur se trouvait sur le sofa d'en face. A côté, tout près de la fenêtre un jeune homme habillé en costume était perdu dans ses réflexions; à ma gauche un homme d'affaire avec son attaché-case posé sur ses genoux et un journal du jour grand ouvert devant lui me jetait des regards curieux. A côté de lui, un autre individu à l'aspect grave portant un chapeau regardait tout droit devant lui. J'étais toute seule sur un grand canapé avec mon fils qui dormait dans mes bras. Le train poursuivait sa cours pendant longtemps avant qu’Akbar ne se réveillât. Il avait soif. Je plongeais ma main dans le panier pour retirer le biberon que Sheinaz avait préparé le matin. Akbar buvait tout son lait avant de s'endormir. Le train roulait pendant des heures. Je regardais les grands arbres des forêts et les paysages se défilaient devant moi en essayant de tout oublier pour quelque instant. Quand nous croisions un autre train qui venait en sens inverse les bruits infernaux firent sursauter Akbar. Pendant ce long voyage le vieux couple avait à peine échangé quelques mots. L'homme passait son temps à dormir et à ronfler tandis que la femme surveillait. Elle remuait ses lèvres tout le temps. Je compris qu'elle ne cessait de prier. Elle m'avait regardée plusieurs fois et j'avais décoché à son égard un sourire pour essayer d'avoir ses sympathies et d'entamer conversation avec elle, imaginant que de cette manière je me sentirais moins seule. Elle avait continué à me regarder avec un air indifférent. Elle ne devait pas apprécier ce voyage. J'essayais de trouver un peu de sommeil. J'étais fatiguée et n'avais pas dormi pendant plusieurs nuits. Une multitude de pensées me grouillait la cervelle. J'avais très peu d'argent en ma possession. Je prévoyais déjà les dépenses qui m'attendaient dans la grande ville qu'est Paris. Je faisais des inquiétudes pour cela.
J'avais confiance que la Providence n'allait pas m'abandonner dans des moments difficiles. Je devais pouvoir me débrouiller toute seule. Je trouverais bien le moyen.
Que pouvait-il m'arriver dans la grande Métropole? Toute seule, sans argent, sans travail, sans logis, sans protection je ne voyais pas de quelle manière j'allais pouvoir m'en sortir. Je devais m’armer de beaucoup de courage. L'enfant que j'avais mis au monde était toute ma raison de vivre. C'était mon devoir de m'occuper de lui. J'étais prête à le faire.
Je ne connaissais pas Paris et avais une vague idée du genre de vie qui m'attendait. Pourrais-je trouver du travail facilement? Devrais-je éprouver de regrets d'avoir quitter le toit paternel pour me jeter si brutalement dans le monde ? Ma vie devenait difficile. Comment j'avais pu arriver jusque là? C'était inutile pour moi de regretter mes bêtises. Ce n'était pas le moment. J'avais besoin du courage pour affronter l'avenir.
Le train continuait à rouler avec le même rythme et les passagers qui se trouvaient dans le compartiment n'avaient pas bougé. La vieille dame était assoupie à côté de son mari qui dormait toujours. L'homme qui se trouvait à ma gauche était plongé dans sa lecture. Il tenait un livre volumineux grand ouvert devant lui. L'ardeur du jour me fit regarder du côté de la fenêtre. Mes regards croisaient ceux de ce jeune homme. Il me regardait également. Je devais paraître bien laide dans l'état où je me trouvais. Je n'avais pas eu le temps de me faire belle. Mes cheveux courts me faisaient drôles quand je me regardais dans un petit miroir que je retirais de mon sac à main.
En approchant Paris il ne restait pas beaucoup de personnes dans le compartiment. Le jeune homme qui se trouvait tout près de la fenêtre s'était approché de moi et me livrait conversation. J'étais contente qu'il me tienne compagnie. Je ne tardais pas à savoir qu'il s’appelle Alain et qu'il fût originaire de l'île Maurice. Il s'était rendu en Angleterre pour travailler comme infirmier dans un hôpital. Il avait accepté ce boulot qu'il n'aimait pas d'ailleurs dans le but de quitter son île pour chercher du travail comme nombreux de ses amis. Son intention était d'aider ses parents qui dépendaient beaucoup de l'argent qu'il devait les envoyer. Il avait déjà commencé à travailler dans des restaurants, dans des bistrots mais comme ses papiers n'étaient pas à jour et qu'il n'avait pas de visa ni de permis de séjour il courait toujours le risque d'avoir des ennuis avec la justice. Il avait eu des problèmes avec son patron qui avait menacé de lui dénoncer à la police. Il avait préféré quitter le pays pour éviter tout désagrément. Il avait passé quelques jours à Marseille et se rendait comme moi à Paris.
J'avais parlé très peu de moi-même. Je reconnais que dans la vie tout n'était pas bon à raconter, surtout aux gens que l'on ne connait pas. Quand Akbar se réveilla, je lui changeais sa couche, lui donnais son biberon et me postais devant la fenêtre. Alain voulait m'aider. Je lui remerciais. Je pouvais m'occuper de mon fils. Il me demandait s'il pouvait demeurer en ma compagnie à Paris. Il ne connaissait personne et cela ne lui dérangerait pas de m'aider à trouver un logement et de se rassurer que je m'étais bien installée. Je voulais lui faire comprendre que ce n'était pas la peine et que j'allais pouvoir me débrouiller. Il avait insisté et m'avait juré que ses intentions étaient bonnes et qu'il allait disparaître de ma vie aussitôt que je trouverais un logement. Je ne lui avais rien demandé mais puisqu'il insistait et que cela le fit plaisir je n’avais pas refusé.
Akbar était attiré par l'ardeur qui provenait de la fenêtre. Ses yeux étincelaient de joie. Le train s'arrêtait dans les gares. Des gens grouillaient sur les trottoirs, se bousculaient pour entrer dans les compartiments. Parfois dans une station, Alain allait acheter à boire et à manger chez des marchands. Je lui donnais de l'argent pour qu'il achète pour moi aussi.
Le temps était lourd. L'obscurité envahissait le compartiment et annonçait l'approche de la nuit. Il faisait froid. Le ciel était couvert. J'enveloppais Akbar dans une couverture de laine et lui mis son bonnet. Il avait commencé à pleuvoir. Le train ralentissait. Les lampadaires étaient allumés. Dehors, les paysages s'estompaient dans le brouillard. Rien n'était perceptible. La nuit approchait et engloutissait tout. Les passagers se préparaient à descendre. Je pris Akbar dans mes bras et le serrais fort contre moi. J'avais hâte de quitter ce train et de me sentir libre. Et puis j'avais besoin de me dégourdir les jambes. Alain transportait mes bagages. Les passagers se bousculaient dans l'étroit couloir qui nous conduisait vers la sortie. Main passait devant moi pour me frayer un chemin et pour me protéger.