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UN DÉBUT DANS LA VIE DEUXIÈME PARTIE

23 Août 2023 , Rédigé par Kader Rawat

Un dÉbut dans la vie

DEUXIÈME partie

Ceci est un ouvrage de fiction.

Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

Avoir de bonne intention envers une fille dans le but de la demander en mariage n’est pas une simple affaire. Comment pouvais-je savoir ce que me réservait l’avenir alors que j’étais moi-même en train de tout faire pour conquérir le cœur d’une fille à laquelle je tenais énormément. A force d’insistance et de persévérance je réussi à la convaincre d’accepter mon invitation chez un glacier qui venait d’ouvrir ses portes dans la rue du Grand Chemin. Elle avait beaucoup hésité avant de me donner son accord. J’aurais dû attendre longtemps, avoir beaucoup de patience et aussi essayer de comprendre sa situation qui ne devait pas être facile. A vrai dire ce n’était pas de coutume à l’époque de s’afficher publiquement avec un garçon. Encore moins avec quelqu’un qui était complètement étranger à la famille. Je peux dire que j’avais de la chance qu’elle avait pris ma demande en considération pour me donner enfin une réponse positive. Nous avions pris place dans un petit coin tranquille au fond de la salle ; j’avais pu apprendre plus sur sa famille et je peux dire, toutefois, que la suite de cette relation ne me paraissait pas vraiment facile et que j’aurais du fil à retordre, vu que nous n’étions pas du même rang social ni de même milieu, elle une créole blanche de bonne famille et moi un cafre d’une famille modeste si l’on pouvait dire cela ainsi.

Son père était un agent de la compagnie EDF de la réunion et sa mère, employée de la collectivité locale. Des postes qui permettaient de percevoir une rémunération plus que confortable à une époque où ce n’était pas facile de gagner sa vie. Elle avait deux sœurs et trois frères plus jeunes qu’elle et tous répartis au collège, lycée et université. Elle avait tout de suite trouvé du travail après avoir terminé ses études universitaires. Elle habitait avec ses parents dans une magnifique villa entourée d’un jardin fleuri et des beaux arbres centenaires. En vérité ce n’était pas une modeste maison comme je l’avais imaginé ou qu’elle avait voulu me faire croire au début. La maison était vraiment superbe la première fois que je la découvrais pour satisfaire ma curiosité. Au cours de ce premier contact avec Karine, j’avais tout de suite compris que je devais absolument me montrer à la hauteur afin de garder toutes mes chances de me faire accepter par la famille.

Mon père avait travaillé toute sa vie comme employé dans une compagnie de construction en bâtiments. Il avait terminé sa carrière pas trop longtemps comme chef d’équipe et commençait à peine de profiter de sa retraite quand je débutais dans mon travail. Il était fier d’avoir pu transformer de ses mains et de ses économies, au fil de longues années de sacrifice, notre petite case en une superbe villa à étage qui nous mettait d’une part en sécurité et nous permettait d’autre part de mener une vie convenable. Ma mère avait toujours été femme au foyer et s’occupait avec dévotion de son mari, de son ménage et de ses enfants, sans jamais pousser la moindre plainte. Ces derniers temps des huissiers s’étaient présentés devant la porte de la maison pour réclamer le remboursement d’une dette qui remontait dans le temps. C’était bien cela qui avait perturbé la tranquillité qui régnait dans la maison. Mon père ne pouvait accepter ce genre de situation. Je compris qu’il vivait un moment difficile. Ma mère se repliait sur elle-même et avait du mal à cacher sa tristesse. J’imaginais que ce n’était pas si grave et qu’une solution devrait être trouvée dans les jours à venir.

Ce n’était pas le moment pour moi d’annoncer quoi que ce soit sur le rapport que j’entretenais avec Karine. Ce n’était pas non plus l’envie qui me manquait de rendre officielle notre relation. J’avais cru bon et même honnête de mettre ma mère dans mes confidences. Elle était sceptique et me demandait d’être prudent et surtout me montrer très vigilent avec le temps qui courait.  Je préférais attendre le temps qu’il faudrait pour donner suite à mon projet. Je continuais à voir Karine dans les jours à venir. J’aurais dû utiliser toutes les ruses pour me rapprocher d’elle et de tous ceux qui faisaient partie de sa vie. J’avoue que je n’étais pas un fervent pratiquant mais quand il s’agissait de rencontrer Karine, de la voir, de me trouver à ses côtés pourquoi aller chercher loin ? L’Eglise de la Trinité était un lieu où l’on se rendait pour prier. Son espace verdoyant et arborisé occasionnait des rencontres fortuites. Je n’avais pas hésité de me tourner un peu plus souvent vers Dieu, si cela pouvait m’aider dans mes démarches de connaître davantage Karine. C’était de cette manière que j’avais eu l’occasion de faire la connaissance de ses parents que j’avais trouvé sympathiques, sociables et d’un niveau intellectuel élevé. C’était l’opportunité pour moi de prouver que j’étais un bon chrétien. Depuis petit, maman, qui était une fervente catholique, nous emmenait, mes frères, mes sœurs et moi à la messe. Très jeune, j’avais reçu le batême, la communion et la confirmation. Je n’avais pas de reproche à me faire de ce côté-là quand j’évoquais mon attachement à la religion. Je savais que tous ces critères étaient pris en considération pour évaluer le genre de personne que j’étais avant de décider si je pouvais faire partie ou pas de leur cercle familial. J’avais tout fait pour donner de moi-même une bonne image, mais je pensais que ce n’était pas suffisant. Je savais qu’il manquait quelque chose mais ne parvenais pas à trouver ce que c’était. J’avais besoin de chercher encore et cela m’agaçait énormément, au point à me faire avoir de l’insomnie tous les soirs.

Tous droits réservés y compris les droits de reproduction, de stockage des données et de diffusion, en totalité ou en partie sous quelque forme que ce soit.

©Kader Rawat

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Un début dans la vie

12 Août 2023 , Rédigé par Kader Rawat

Ceci est un ouvrage de fiction.
Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

 

Vers la fin de l'année 1964, je décidais d’abandonner mes études secondaires, dans lesquelles je ne brillais pas du tout, pour chercher un travail quelconque qui me permettrait d’apporter de l’aide à ma famille dont la situation financière laissait à désirer. Cela, je l’avais compris depuis un certain temps, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre, et surtout de quelle manière. Mes frères et mes sœurs, plus jeunes que moi, représentaient un lourd fardeau pour mes parents qui étaient d'un âge avancé mais qui faisaient de leurs mieux pour que nous ne manquions de rien. J’habitais le quartier des Camélias, à peu de distance du centre-ville de Saint-Denis. Je m’y rendais souvent avec mes amis pour errer dans les rues, fréquenter les cabarets, les salles de cinéma et de dance et aussi profitais des fêtes organisées par la Mairie. Cela n’avait pas été difficile pour moi de dénicher un emploi d’agent d'entretien dans un de ces bureaux miteux situés dans la rue de la Compagnie. Le salaire qui me fut proposé me paraissait raisonnable pour un début dans ma vie professionnelle et je n’en demandais pas mieux.
Je peux dire que j’avais mis du temps à m’adapter aux horaires qui me fut proposés mais, avec la volonté de réussir ma vie et surtout d’aider mes parents, au bout de quelques mois, j’assumais mes responsabilités, avec beaucoup de sérieux et d’enthousiasme.
Après plus d’une année de service dans la boite, un matin mon patron me convoqua dans son bureau pour me proposer un emploi de coursier, en même temps qu’une augmentation de salaire. La boite s’était fructifiée dans les Imports/Exports et vente en gros et de son aspect miteux, elle s’était métamorphosée complètement par des travaux de rénovation intense tout le long de l’année en cours. Je fus plus que satisfait de cette promotion et le remerciais du fond du cœur pour cette confiance qu’il me faisait tout en lui affirmant mon dévouement dans mon travail.
Ma nouvelle tâche consistait à déposer et récupérer des courriers dans les autres boites de la ville. Un trajet que j’effectuais à vélo, en parcourant les rues de la ville de long en large à toute heure de la journée. Cela me donnait l’occasion de me rendre tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, dans les bureaux des secrétaires, à l’accueil des agences qui venaient d’ouvrir leurs portes dans les quatre coins de la ville pour présenter le registre, délivrer les courriers, en récupérer d’autres et obtenir la signature.
C’était de cette manière que j’avais rencontré Karine. Elle se trouvait derrière son comptoir quand je m’étais présenté pour la remettre les courriers. Elle avait ouvert ses grands yeux avec de longs cilles et me regardait d’une drôle de façon. J’étais éblouis par sa beauté et m’étais resté figé devant elle, examinant avec minutie les franges à la Brigitte Bardot qui décoraient son front protubérant.
— Quoi ? avait-elle demandé.
— Rien du tout. Je suis perdu dans mes pensées.
Je ne voulais pas lui dire que j’étais en extase devant sa sublime beauté.
— N’importe quoi. Avait-elle répliqué.
Et à chaque fois que j’allais déposer des courriers sur son bureau, je ne pouvais m’empêcher de l’admirer, de la fixer dans les yeux. Je savais que c’était gênant, que je la mettais mal à l’aise mais je ne pouvais me retenir et elle commençait par ne plus tolérer cela. Ce jeu durait un peu de temps avant que je remarque que des changements s’étaient effectués dans mes habitudes. Même ma mère s’étonnait devant l’allure que je me donnais, les soins que je portais à ma personne et les choix de mes vêtements. Elle était la première à soupçonner que j’étais amoureux. Au fait, elle n’avait pas tort. Je l’étais bien évidemment mais je me trouvais en quelque sorte dans le flou et ne savais pas comment communiquer ce sentiment à la femme qui commençait déjà à hanter mon esprit.
En vérité nous ne nous adressions pas vraiment la parole et encore moins nous nous faisions une conversation pour ainsi dire. Elle était du genre timide comme pas possible et moi aussi, je ne faisais pas des efforts pour trouver un moyen d’ouvrir un sujet de conversation. Des jours passaient ainsi sans que nous nous connaissions plus que lors du premier jour.
Un beau jour j’avais pris mon courage à deux mains et j’étais allé droit au but. J’avais tout bien préparé, effectué les répétitions devant le miroir afin de ne pas commettre des bêtises et quand je me trouvais en face d’elle, j’avais demandé d’un ton mielleux, avec une voix qui sortait de ma bouche et que moi-même ne reconnaissais pas :
— Vous aimez danser ?
— Quoi ?
Cela m’avait donné une frayeur. Je me demandais s’il fallait que je poursuive la conversation ou arrêter tout court. Du coup je décidais de changer de tactique.
— Est-ce que je peux vous parler ?
— De quoi ?
— De ce que je ressens pour vous.
— Ah bon ! Qu’est-ce que vous ressentez pour moi ?
Comme j’étais sûr de mes sentiments, j’avais tout dit pour qu’elle puisse comprendre combien je tenais à la connaître pour aller plus loin dans nos rapports. Elle m'avait écouté parler sans broncher, tout en se méfiant que les murs n'avaient pas des oreilles et le plafond des yeux. Elle était restée insensible, indifférente par toutes ces belles paroles que je déversais à son encontre.
Karine était une belle jeune fille créole de bonne famille qui habitait dans un modeste logement situé à la Source. Elle avait le teint clair, les cheveux coupés à la garçonne très à la mode à l'époque, portait des jupes courtes et avait une physionomie que je prenais plaisir à admirer à chaque fois que j'allais prendre des colis et des lettres sur son bureau. Depuis que je l’avais avoué mon amour pour elle, je prenais l'habitude de livrer avec elle un brin de conversation sans jamais manquer à la complimenter sur sa beauté et sa gentillesse. Elle se sentait au début très gênée et embarrassée mais n'avait pas pris le temps de comprendre que mes intentions étaient bonnes.
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©Kader Rawat
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À la recherche d'un jeune homme perdu dans la nature.

6 Juin 2023 , Rédigé par Kader Rawat

À la recherche d'un jeune homme perdu dans la nature.

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

Je pus à peine distinguer deux silhouettes dans la lueur faible que projetait la lanterne. Une se trouvait debout tout près du brancard tandis que l’autre, probablement celui qui n’avait pas encore prononcé une seule parole et qui s’appelait le vieux Cheik, se trouvait assis encore dans la charrette, derrière la jument dont les pattes, sous le reflet de la lumière, se prolongeaient, comme celle de géants, dans la pénombre.

– Qu’est-ce que cela nous servira Ragounadan, répondit le vieux Cheik, que nous rencontrions qui que ce soit ? Ne sommes-nous pas capables de nous occuper de nous-mêmes ? D’ailleurs je me sens mieux, et les tisanes me font beaucoup de bien. Mais, à mon âge, je ne peux pas avoir les vigueurs d’un jeune homme.

– Laisse-moi t’aider à descendre vieux Cheik. Je suis sûr que nous avons des choses à faire avant de nous reposer. Cette demeure me paraît étrange et sinistre. Les bruits que nous faisons et notre lumière auraient dû attirer l’attention du chien que nous avions entendu aboyer tout à l’heure. C’est quand même bizarre qu’avant notre arrivé il aboyait comme s’il voyait le diable. Cela m’étonne qu’il n’y en ait pas dans le parage. Maintenant que nous sommes si près de la maison il s’est tu et ne se montre pas. Comment peux-tu m’expliquer tout ça vieux Cheik, toi qui as vécu si longtemps, qui a beaucoup d’expérience et qui connaît bien les manifestations singulières des animaux.

–  J’ai l’impression que nous ne sommes pas seuls Ragounadan.

– Vieux Cheik, vieux renard pensai-je, si tu savais combien ta réponse est exacte ! Tu mérites une récompense pour avoir deviné juste, sans éprouver de doute ni d’hésitation.

Je ne savais combien je me sentais réconforté, soulagé, assuré par la présence de ces deux individus que je n’avais même pas encore vus. J’étais certain qu’ils étaient inoffensifs, respectables et qu’il n’y avait en eux, d’après les paroles qu’ils avaient échangées, rien de méchant, de dangereux. Je ne voyais même pas l’intérêt de me méfier d’eux, ni de douter de leur bonté et de leur sincérité. Leur présence dans la région était encourageante. Je commençais par me poser des questions sur ce qu’ils étaient venus chercher dans une si lointaine contrée. J’étais pourtant étonné de n’éprouver ni de l’inquiétude ni voyais-je mon état d’esprit perturbé par une telle apparition. Je sentais au contraire une force morale qui faisait disparaître mes douleurs, diminuer la pression qui me pesait dessus, calmer mes angoisses et enlever ma frayeur.

Je voulais m’approcher d'eux, les appelés afin qu'ils puissent savoir que j'étais là, tout près, mais je fus retenu par je ne savais quel sentiment d'hésitation, comme pour vouloir demeurer encore dans la pénombre afin d'épier leurs mouvements, d'écouter leurs conversations, de connaître davantage sur ce qu'ils se disaient, de comprendre ce qu'ils étaient venus chercher dans cette région, d'apprendre plus qu'il m'en fallait sur eux avant de me montrer. Je ne voulais pas les choquer, les étonner, les surprendre par mon aspect délabré et sinistre, mon état dépravé, miséreux, et piteux.

– Faut trouver un abreuvoir, parla le vieux Cheik d’une voix lointaine, distante, faible, étouffée dans une gorge vieillie, pendant une bonne partie du trajet nous l'avons privé d’eau.

– Pas besoin de t'inquiéter de tout ça vieux Cheik, dit Ragounadan en baissant sous la charrette pour décrocher la lanterne, ma jument est habituée à parcourir de long trajet à travers toute l'Ile sans montrer la moindre fatigue. Elle est encore jeune et vigoureuse. Je la nourri aussi très bien pour qu'elle ne me donne pas des ennuis. Et puis je n'aime pas trop m'abuser d'elle quoique je connaisse ses capacités. Je vais la détacher de la charrette et la laisser dans la prairie jusqu'au matin afin qu'elle puisse retrouver sa forme. Je n'y pensais pas, quand nous avions quitté la ville le matin, que nous aurions fait tout ce trajet pour arriver jusque-là. Je me demande comment cette insurrection pouvait t'intéresser à ce point. Tu me parlais tout d'abord que tu voulais t'acheter un esclave et quand tu t'es aperçu de ce qui fut arrivé aux maîtres tu te lances à la recherche d'un jeune homme que tu veux absolument rencontrer pour Dieu sait quelle raison. Est-ce que tu crois que je peux comprendre quelque chose dans ce que tu mijotes. Il est vrai que tu m'as offert une bonne récompense, tu m'as payé plus qu'il en faut pour t'assister dans ton entreprise mais ne trouves-tu pas, vieux Cheik, que c'est plutôt une perte de temps et que tu es en train de poursuivre un fantôme que tu ne parviendras jamais à attraper. Crois-tu en cet esclave mourant que nous avons rencontré en chemin et qui t'a dit que tu trouveras ce ... comment s'appelle-t-il encore ?

– Charles, répondit le vieux Cheik.

– Oui, que tu trouveras Charles sur le chemin qui mène vers le nord. On verra bien s’il t'a dit la vérité.

Cette fois ci il n'y avait pas de doute que le vieux Cheik me cherchait. Je ne voulais plus rester un instant dans l'ombre et, comme poussé par un instinct, je fis quelques pas et dis à haute voix.

– C'est vrai ce que cet esclave vous a dit, monsieur le vieux Cheik. Je me trouvais bien ce matin dans la région. J'ai dû marcher pendant longtemps avant d'arriver jusqu'ici. Si vous me cherchez ce n'est pas la peine de vous fatiguer. Voyez-vous mêmes dans quel état je suis. J'ai à peine atteint la maison que vous vous pointez au loin dans votre charrette.

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©Kader Rawat

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L'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance.

5 Juin 2023 , Rédigé par Kader Rawat

L'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance.

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

 

 

L’aboiement d’un chien, le même qui courrait après les animaux de la basse-cour dans la journée, me retira de ce rêve dans lequel j'étais plongé. Il sortait derrière la maison et voulait me sauter dessus. J'étais pris de frayeur et allais me réfugier derrière un talus d'où je pus voir, malgré qu'il fasse sombre, l'aspect désordonné de la cour. Les granges qui se trouvaient à peu de distance de la maison furent entièrement détruites et les poteaux brûlés et noircis par la fumée se tenaient à peine debout. Plusieurs cases des esclaves étaient complètement aplaties et c'était bien de là que montait la fumée, indistincte pendant que je regardais. Plus loin, je vis trois tombes sur lesquelles on avait enfoncé, avec précipitation, des croix qui s'inclinaient vers le sol comme pour vouloir tomber. La maison par contre n'était pas atteinte par le feu qui semblait plutôt avoir ravagé les alentours. L'apparence désuète de la demeure me fit vite comprendre que les gens qui l'avaient habitée n'avaient pas de grands moyens et se contentaient, comme mes parents, des maigres productions de la terre, des plantations qui ne leur rapportaient presque rien, tant une grande partie de la région n'était que jachère.

Les ustensiles de cuisine, les instruments aratoires, les fournitures de maison, les diverses pièces de vêtements qui traînaient un peu partout démontraient quelques scènes de violence, de lutte que des gens avaient livré avant de quitter le lieu. Les désordres indiquaient que par-là, des gens bien enracinés dans leur existence furent arrachés par la force, laissant derrière eux l'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance. La maison était plantée solidement sur une base de pierres taillées et s'élevait dans le crépuscule comme un gigantesque palais rempli de mystères et des multiples objets fascinants. En vérité çà n'était qu'une maison comme tant d'autres que les colons pauvres construisaient un peu partout dans l'Ile. Mais mon imagination me faisait voir des choses jusqu'au fantasme : une maison banale prenait la dimension d’un palais, la prairie se présentait comme un désert aride. Je m'apercevais plonger dans la nuit comme le passage d'une éclipse, de voir scintiller les étoiles comme la présence des comètes, de trouver autrement les apparitions ordinaires de l'existence. Etrange illusion occasionnée assurément par une dépression dont je fus atteinte.

Le chien n'avait pas cessé d'aboyer et m'exaspérait à telle point que je ramassais un morceau de bois qui se trouvait tout près de moi et lui lançais dessus. Il le reçut en plein sur le derrière et courut, en poussant des gémissements, se réfugier dans la maison.

J'écoutais les bruits des sabots sur la terre dure des sentiers et me demandais de qui pouvait-il bien s'agir. Ce pouvait bien être le propriétaire de la maison qui retournait chez lui après une longue absence sans se douter ce qui fut arrivé. Ou bien ce n’était qu’un aventurier qui cherchait un abri pour passer la nuit. Pourquoi pas un parent qui voulait s’informer sur l’état de santé de la famille qui habitait la maison, un visiteur qui passait par là et qui venait prendre des nouvelles, ou un brigand, un voleur de grand chemin, un tueur qui sait ? Au fait il pouvait s’agir de n’importe qui. Quelle importance ? Il ne me ferait pas du tort j’espère. Et si c’était quelqu’un qui me cherchait. C’est qu’il avait bien eu la chance. Je ne me trouvais pas très loin. Il n’avait qu’à m’embarquer et m’emmenait là où il avait eu l’instruction de m’emmener. Je n’éprouvais aucune crainte quand je me levais pour aller me ranger au milieu du sentier en sorte que je serais mieux aperçu. La charrette n’était pas loin et je pus distinguer les grincements des roues comme une longue plainte.

Soudain, alors que j’étais debout et que j’attendais, la charrette s’arrêta, et le silence s’établit de telle sorte que je pus entendre mon souffle. Je continuais de regarder dans la pénombre sans pouvoir distinguer grande chose et je tendis mon oreille comme un animal attentif. Ce silence obstiné m’effrayait un instant, et puis un sentiment d’inquiétude, de déception s’empara de moi. Je regardais dans le firmament et vis une myriade de petits points étincelants, lumineux, sublimes et fantastiques qui retenaient mon attention. Je baissais mes regards pour voir l’horizon se plonger dans les ténèbres et le ciel se perdre dans un gouffre. La nature dormait paisiblement et sa respiration apportait une certaine quiétude dans mon état d’esprit. J’étais perdu dans le noir et me voyais transporté dans je ne savais quel royaume fantastique qui me faisait éprouver des étranges sensations.

Le reniflement de la jument venait me retirer dans mon état de transe et me faisait comprendre que j’étais sur terre et face à une réalité que j’avais toute raison d’affronter. Un bruit de pas qui foulait le sol dur du sentier me fit comprendre que quelqu’un se dirigeait dans ma direction. Je retenais mon souffle, tendis mon oreille, regardais dans le noir pour deviner l’intention de l’individu. La jument était probablement exténuée par une longue distance quand elle agitait drôlement pour faire son maître comprendre que quelqu’un ne se trouvait pas trop loin et qu’il devait se méfier. Elle grattait la terre de ses pattes, piaffait, claquait ses sabots sur des pierres qui jonchaient probablement le sol. L’obscurité aussi devait lui troubler, lui gêner, ce qui influait sur son comportement et démontrait son impatience de quitter un lieu pareil.

– Tu sais vieux Cheik, parla une voix rauque, enrouée, je crois que nous allons passer une nuit encore dans la fraîcheur des bois. Tu dois assurément le trouver pénible, dans ton état, particulièrement le matin, de supporter le froid. Je t’avais averti, tu dois le reconnaître, qu’en cherchant de poursuivre notre route à travers le bois nous nous exposions à des risques qui pourront se répercuter sur notre santé. Et maintenant, poursuivait-il en craquant une allumette pour allumer une lanterne qui était suspendue au-dessous de la charrette, nous voilà seuls devant une ferme abandonnée. Je te l’avais bien dit que nous avons une chance sur mille de trouver quelqu’un dans la région.

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©Kader Rawat

 

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Un profond sentiment de tristesse

2 Juin 2023 , Rédigé par Kader Rawat

 

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Quel que soit la réponse que je pusse obtenir nulle ne m’apporterait remède et soulagement, et, dans la logique de toute chose, pour ne pas me laisser abattre, pour que ma morale ne soit pas affectée, j’en vins à la conclusion que rien de toutes les imaginations que je me faisais n’était vrai et que mon existence ne dépendait que des efforts qu’il me restait à fournir avant de me mettre à l’abri dans la maison qui ne se trouvait pas loin de moi.
Je me mis debout avec beaucoup de difficultés et me lançais à petits pas dans un sentier étroit. La plantation de la canne à sucre étant bien haute à cette saison de l’année, je m’engouffrais parfois dans des champs pour déboucher longtemps après dans un espace vide où les plantes de maïs étaient petites encore. L’air était chaud à cette heure de la journée et il me restait encore une bonne distance à parcourir. Mes bottes me gênaient tellement que plusieurs fois je m’étais arrêté pour m’en débarrasser, mais mes pieds enflés étaient coincés de sorte que j’éprouvais beaucoup de peines pour les retirer. Mes tentatives me faisaient si mal que je n’insistais pas et continuais à piétiner le sol en boitant. Des oiseaux volaient un peu partout et chantaient, donnant au paysage un aspect moins triste, plus vivant.
Pendant que je marchais dans la vaste prairie qui s’étendait jusqu’à la ferme, j’avais l’impression d’avoir perdu toutes mes facultés et ne plus reconnaître en moi-même l’homme que j’étais. Ma capacité de percevoir les choses me faisait tellement défaut que je ne parvenais pas à distinguer la présence des créatures à peu de distance de moi. Mon flair ne me donnait aucun bon résultat et je ne cessais de me poser la question de ce qui aurait pu apporter une telle transformation dans ma nature. Était-ce parce que j’avais reçu des coups très durs à la tête ou tout simplement c’était dû à mon état déprimant ?
Je recevais sur mon corps tout trempé de sueurs, les derniers rayons du soleil qui descendait lentement derrière la colline, projetant sur une partie des bois et des champs une ombre gigantesque qui s’étendait graduellement jusqu’à l’horizon lointain, envahissant plaines et prairies. Je fus moi-même submergé par cette ombre qui plongeait toute la région dans une atmosphère sombre quand le soleil disparaît derrière des épais nuages. Ce changement de climat apporta un air frais qui parcourait les espaces, enveloppant sur son passage une espèce de couverture invisible qui me fit frémir, frissonner alors que je franchissais à peine la clôture qui faisait le tour de la maison. J’étais presque au bout de mes forces quand, à mon grand étonnement, j’entendis au loin le bruit des sabots et le roulement des roues d’une charrette.
Pendant que j’écoutais attentivement les bruits sinistres que faisait la charrette en progressant lentement dans la direction de la ferme, je fis instantanément la vision de l’approche de mes parents qui retournaient d’une longue promenade. J’avais l’habitude de les attendre jusqu’à fort tard le soir et de courir les rejoindre dans le sentier dès que je vis pointer la charrette. Je ne cessais de regretter de les avoir perdus si mystérieusement et c’était bien pour cette raison que je gardais l’espoir de les retrouver un jour. Dans toutes les silhouettes que je distinguais, il n’y avait pas une seule qui ne me faisait pas croire que c’était ceux de mes parents, frères et sœurs. Et à chaque fois je fus envahi par un profond sentiment de tristesse, de désolation. Parfois même je le sentais pénible à supporter l’écho d’un passé, d’un temps si injustement, si cruellement interrompu sans que je pusse moi-même donner aucune explication ni ne fusse éclairé sur cette affaire qui me paraissait louche, bizarre, insolite. Des gens ne peuvent pas disparaître ainsi sans laisser de trace, même par le passage si insignifiant d’un mauvais temps. Des fléaux d’une telle puissance ne peuvent causer une aussi grave conséquence. Ce n’était ni un tremblement de terre, ni un glissement de terrain, ni l’éruption d’un volcan et mes parents n’étaient pas menacés par les flots de la mer. Furent-ils surpris par un débordement, une inondation dévastatrice, ils se seraient emportés dans les flots de la rivière, se seraient jetés dans la mer mais, au moins un de ces six corps aurait été découvert. Cette hypothèse, la seule qui puisse expliquer leur disparition, me semblait invraisemblable dans la mesure où jusqu’à présent aucune découverte ne fut encore faite et rien ne fut non plus signalé pour marquer leur passage dans un lieu quelconque. Où pourraient-ils bien être ? Je me souviens encore ce que j’avais fait dans le bois. J’avais mis toute ma confiance dans cette parole qui me fut adressée et j’attendrais même jusqu’à la fin de mes jours que le moment soit venu pour me retrouver auprès de ma famille. Je pense que le destin nous oblige, nous force à nous patienter jusqu’à ce que nous obtenions ce que nous attendons. “Les forces morales que j’avais acquises dans le bois pendant que je me livrais à la lecture des saintes écritures, à la méditation, me soutiendrait, j’étais certain, dans toutes les entreprises que j’espérais m’engager dans le futur, pourvu que ces entreprises se rattachent, se rapportent, se rapprochent plus à l’exercice de bonnes actions dans le milieu social, dans le cœur de chaque individu, et même dans la vie quotidienne de l’île. Cela me fut dit une fois dans mon rêve et j’en croyais aussi.
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Brûler sur un bûcher

1 Juin 2023 , Rédigé par Kader Rawat

Brûler sur un bûcher

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

Pendant ce bref instant de repos, je fus envahi par une foule d’idées grouillantes qui s’étaient agrippées à mon esprit sans ne vouloir me quitter. Je tentais à les repousser, à les écarter, à les éloigner et constatais qu’elle me firent des assauts répétés, ne me donnant aucun moment de répit, me projetant dans un passé où ma vie était si plaisante avec mes parents, me berçant dans le sein de la famille, me retournant à l’époque où je les avais perdus, m’accusant de m’être montré obstiné, de m’intéresser à une fille qui ne pouvait m’appartenir et que je ne pouvais entretenir, me reprochant de ma résolution de ma retraite dans le bois, de mes entreprises pour affronter Harold Blake, de ma liaison avec les esclaves, des influences que j’avais exercé sur eux, des résultats que tout cela avaient abouti, des actions de représailles qui s’ensuivraient, des jugements, des peines, des condamnations, des pendaisons qui viendraient couronner tout ce dont j’avais voulu mettre en œuvre. Combien de chefs d’accusations seraient portés contre moi sans que je n’aie aucun moyen pour me défendre ? Dans quel sale pétrin je m’étais enfoui pour que je puisse attendre qu’un miracle ne vienne me sortir de là ? Le Gouverneur de l’île aurait dû déjà envoyer des régiments, des patrouilles, des milices, des officiers à mes trousses. Quel moyen avais-je pour me protéger, pour leur faire comprendre ?
Mais leur faire comprendre quoi au fait ? Que le Seigneur m’eût parlé dans une vision et que j’avais reçu l’ordre de m’adresser avec toute la liberté requise aux esclaves, à leur expliquer des choses qu’ils ne comprenaient pas, à guider leurs actions, leur conscience ne serait-ce que pour les dresser contre leurs maîtres, pour stimuler leur sang dans leur veine jusqu’à les pousser à la révolte, au carnage, aux massacres ? Je ne voyais aucunement de quoi je pourrais parler à Monsieur le Juge, quelles explications je pourrais donner, quelles réponses je pourrais rendre quand je me verrais interrogé, questionné, accusé par le grand Conseil Colonial avant que le jugement final soit rendu sur mon sort. Il est tout à fait vrai qu’en ce temps-là, ma conception pour la justice était tellement vague que je ne pouvais me faire une idée des peines affligées aux différents degrés de délits et de crimes commis par tout individu. Mais je savais que brûler sur un bûcher, la pendaison, la guillotine étaient parmi les plus sévères des punitions. En essayant de porter des examens sur les chances qui me restaient à me voir m’en sortir de cette situation, je n’en trouvais aucune si ce n’était pas de passer par le tribunal. Un seul moyen qui pouvait me faire échapper les pires des épreuves était la fuite, une fuite immédiate avant qu’on me tombe dessus. Une telle entreprise présentait mille dangers, vu même l’état où je me trouvais et le parcours que je devais faire pour ne pas me laisser prendre. Pour réussir une telle entreprise je devais déjà élaborer un plan, avoir des complices et prendre des risques.
Et même si je réussis, je serais le fugitif, le traqué qui devais poursuivre son existence au fond des bois, loin des hommes, dans les marécages, les montagnes, à supporter les intempéries, à traîner son misérable corps mutilé, comme un animal, sans but précis jusqu’à ce que je n’en pusse plus, me rendant de mon propre gré à la justice. Même si je quittais l’île, malgré la surveillance sévère menée par les milices sur les côtes et réussis à me faire aider par un être qui aurait pitié de moi ou par un individu qui m’aurait soutiré de l’argent ou m’aurait fait des chantages ou qui sait par un capitaine de vaisseau ayant éprouvé à mon encontre un quelconque sentiment d’indulgence, est-ce qu’il ne soit pas probable que je sois reconnu, trahi, arrêté par les patrouilles qui interceptaient les vaisseaux, les fouillaient afin de ne voir échapper des insurgés, des rebelles, des insoumis, par la mer ? Je ne pouvais écarter une telle hypothèse et demeurais sceptique sur ma situation.
De tout évidence, après que j’eusse bien réfléchi, la fuite ne me paraissait pas la bonne solution pour affronter ma situation. De plus je porterais atteinte à l’image que je m’étais faite auprès des esclaves et je voudrais bien le préserver comme un élément que j’espérais utiliser pour appuyer ma défense. D’ailleurs de quoi devais-je avoir peur ? Ma conscience ne m’avait jamais reproché d’avoir tenté de faire du mal. Tout ce que j’avais fait et dit n’était que pour le bien être d’autrui.
N’avais-je pas, pendant tout ce temps que j’avais passé dans le bois depuis que j’avais décidé de m’éloigner de la Grande Maison quand j’avais compris l’horreur, le dédain, le mépris que j’inspirais à Maître Thomas Derfield, cherché la vérité à travers La Bible que je n’avais pas quitté, parlé de la vérité et de tout ce qui se rapportait à la Sainte Ecriture et qui fut pour les esclaves l’enseignement essentiel de leur vie, les révélations importantes, les récits fabuleux que leurs oreilles n’avaient jamais eu l’occasion d’entendre? Ne m’étais-je pas présenté à eux comme le sauveur, le bienfaiteur, le rédempteur, le libérateur ? Ne les avais-je pas, de mon langage inspiré de l’Evangile, partagé mes connaissances déployées en puisant dans ma lecture constante et abondante des Saintes Ecritures ? Je voulais par mes longs discours les convaincre des biens que je leurs voulais. Qu’y avait-il de mal d’apprendre aux ignorants des choses qu’ils avaient droit, comme tout autre être, à savoir ? Existe-t-il des lois qui interdisent que des choses ne devraient pas se passer comme telles ? Y avait-il des limites dans l’exercice du bien, dans la propagation de la religion, dans les paroles que j’avais bien voulu adresser aux esclaves pour les avertir des dangers qui les guettaient?

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Une vaste étendue de plaine

31 Mai 2023 , Rédigé par Kader Rawat

 

Une vaste étendue de plaine

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
J’avais vu la veille, dans la Grande Maison, ce que j’étais peut-être destiné à voir : des innocents massacrés qui gisaient dans une mare de sang, la tête décapitée, le corps mutilé, haché, démembré, les yeux sortant de leurs orbites et suspendaient comme de gros œufs bouillis, des scènes qui ne s’effaceront jamais de ma mémoire tant de mes yeux hallucinés, hagards, épouvantés, je les avais imbibées jusqu’au fond de ma cervelle, de sorte que les empreinte, les cicatrices laissées par derrière, demeuraient comme un indice indélébile, intouchable dans le temps futur. J’avoue qu’avec cette marque profonde mon cœur était couvert d’une tache noire, la haine féroce que je vouais à Harold Blake. Je souhaitais tellement du plus profond de moi-même lui voir payer chèrement pour toutes les calamités, tous les préjudices, tous les dommages, tous les ravages qu’il aurait pu causer aux pauvres et innocents gens et à leur cœur. Jamais de ma vie je n’avais ressenti une aussi folle envie de vengeance, jamais l’idée de torture ne s’était présentée une seule fois dans mon esprit. Mais quand je pensais aux méthodes que je désirais utiliser pour voir Harold Blake achever son existence, je brûlais d’un désir ardent de lui infliger la mort la plus cruelle, la plus atroce, la plus abominable, la plus lente et la plus insupportable qu’un être pourrait subir sur la terre.
Je poursuivais ma marche pénible tristement, traversant des régions qui abondaient des fruits juteux que je mangeais goulûment. Je savais que la Grande Maison était complètement détruite parce que je l’avais quittée la veille en flamme et, si cette vision me revenait à l’esprit, c’était pour la raison que j’avais vu Roseline sortir de ces flammes en compagnie des silhouettes fantasmagoriques qui l’entraînaient dans les ténèbres. Je ne pouvais savoir combien de fois cette vision me hantait l’esprit. C’était devenu une obsession que j’avais bien peine à repousser ni à m’en débarrasser. Je réalisais combien des êtres humains avaient dû trouver la mort dans cette insurrection. Je croyais comprendre donc les raisons d’un silence si absolu qui m’intriguait auparavant. Cela annonçait de grands malheurs survenus au sein de la population. Mes craintes que des choses bien horribles arrivassent aux gens s’intensifiaient et un doute commençait par s’installer, se confirmer dans mon esprit. Je devinais l’origine de la honte que je ressentais pendant que j’étais obsédé dans le bois. Je devais assurément être l’un des principaux responsables des malheurs qui planaient dans toute la région. Cette frayeur que j’éprouvais dans le silence prouvait bien ma culpabilité. Seigneur ! Qu’ai-je fait ?
Avant d’entreprendre ma descente au versant le moins boisé de la colline je m’arrêtais un instant pour découvrir une vaste étendue de plaine, des champs qu’embrasait le soleil de ses feux ardents.
Mon attention fut plus particulièrement attirée par une ferme abandonnée, à moitié brûlée, laissant échapper encore une fumée légère et mince qui montait lentement vers le ciel. L’aspect de la ferme était tel qu’on croirait à un passage récent d’un mauvais temps.
D’habitude à cette heure de la journée les esclaves devaient se trouver aux champs. Aucune charrette n’était de passage dans les sentiers. Des pailles-en-queues volaient dans le ciel parsemé de nuages. Des bœufs, des cabris broutaient l’herbe tout seuls et dans la basse-cour, les chiens couraient après les poules, les volailles, les dindons, les forçant à des voltiges. Je trouvais cette absence totale des êtres humains tout à fait drôle et étrange même. J’imaginais peut-être que par peur de se faire surprendre par des esclaves marrons ou par les révolutionnaires, les gens avaient évacué le lieu. Si c’était bien le cas, ce qui me paraissait fort possible, en considérant l’événement si récent, j’ai bien peine à tomber sur une quelconque personne qui pourrait me renseigner sur la situation. Et si je ne ménageais pas mes efforts je succomberai dans la faiblesse avant d’atteindre la maison, me faisant surprendre par la nuit.
Je descendais lentement et péniblement l’unique sentier boueux et périlleux qui me dirigeait dans la direction de la ferme où j’espérais passer la nuit. Je me déprimais, me fatiguais, m’affaiblissais dans mon avance obstinée. L’ardeur du soleil me causait par-dessus tous des peines énormes et les uns après les autres je franchissais les obstacles, m’approchant de mon but avec réserve. Des gibiers faufilaient dans les brousses, un lapin passait entre mes jambes sans que je pusse faire aucun effort pour l’attraper, un singe me suivait pendant longtemps avant de disparaître parmi les branches des grands arbres, un cerf traversait le sentier à une allure folle et disparut dans le bois. Un flot de sueurs me ruisselait le corps, me trempait les vêtements en lambeaux déjà. Je fus la proie des douleurs lancinantes qui me prenaient partout sur le corps. Je commençais à voir trouble et décidais de me reposer sous un énorme tamarinier, au pied de la colline. Une nuée d’oiseaux traversait le ciel en faisant entendre leur chant régulier. Un chien aboyait dans le lointain, probablement du côté de la ferme dont je pus distinguer la toiture. Le soleil avait perdu son ardeur et était moins cuisant. J’étais tellement essoufflé par les efforts que j’avais fournis que j’avais grande peine à pouvoir respirer. Mon cœur battait avec accélération et j’aurais dû attendre un bon moment avant de continuer ma route.
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Cette sensation ineffable de joie

30 Mai 2023 , Rédigé par Kader Rawat

Cette sensation ineffable de joie

 

Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

 

Je me laissais glisser lentement sur mes genoux en implorant Dieu de me donner du courage. Je me prosternais jusqu’à ce que mon front soit marquait de grosses graines de terre dans lesquelles je l’avais enfoui. Je demeurais pendant un laps de temps inimaginable dans cette position jusqu’à ce que la force pénètre à l’intérieur de moi d’une manière si mystérieuse que je pus sentir gonfler mes veines par le flux du sang qui refoulait dans mon corps tout entier.

Je m’étonnais devant le fait que j’éprouvais dans la solitude une singulière frayeur, me sentant coupable, résigné en présence d’une autorité indicible qui se dressait devant moi, magistralement, comme pour m’obliger à me plier sous sa volonté. J’étais pourtant bien habitué à des régions solitaires que je ne parvenais absolument pas à comprendre comment je pus être autant perturbé par la solitude qui longtemps demeurait ma compagne favorite ! Combien de temps n’avais-je pas passé tout seul dans les bois, soit à me consacrer à de ferventes prières, soit à me livrer à de longues méditations, soit tout simplement à me reposer ? Que marriva-t-il pour que maintenant, au lieu d’éprouver les mêmes délices qu’autrefois, au lieu de savourer le calme avec le même goût, au lieu d’apprécier la solitude et les charmes de son silence je me sentais envahi par un bourdonnement perpétuel, par une espèce de conflit qui grouillait dans ma cervelle, par des bruits qui venaient remplacer ma surdité et m’obsédaient au point à me faire perdre la mémoire. Était-ce la présence de Dieu qui augmente cette tension en moi ? Je sentais tout se tournoyait autour de moi et j’avais l’impression que je me laissais aller à la dérive dans un monde auquel je n’étais pas habitué. Cette sensation me poursuivit pendant un bon moment jusqu’à ce que je perde la notion du temps. Le calme s’établit dans mon esprit quand je me découvris me tordre de douleur.

Ce n’était que des maux d’estomac creux, gargouillant, signe d’une faim tenace qui me torturait les entrailles. Je me levais aussi lentement que je pouvais et, avant de faire un pas, je regardais les longs jets de lumières colorantes qui se filtraient dans les bois entre les feuillages. Des couleurs variantes m’extasiaient la vue et j’avais l’impression de venir de loin, de sortir d’une vision qui me laissait perplexe, de me relever d’un cauchemar qui faisait encore vibrer mon cœur de sorte que je pouvais sentir son battement, l’entendre même comme les tambours des tam-tams.

Je titubais en m’avançant dans ce royaume merveilleux, m’arrêtant parfois sous des rayons du soleil pour me réchauffer le corps qui semblait avoir perdu beaucoup d’énergie. Je me laissais ainsi bercé dans cette atmosphère féerique, dans la lumière vive et réconfortante. J’avais ressenti quelque peu auparavant, quand je me trouvais dans la froideur des ombres un frisson me parcourir le corps et un goût acre qui descendait dans ma gorge comme pour m’annoncer le début d’une grande maladie. Mais maintenant ma récupération me fit avoir confiance en moi-même, me donnait du courage, me remontait le moral à la limite de me faire éprouver ce que je croyais avoir perdu pour toujours, cette sensation ineffable de joie qui ne se manifeste que dans des occasions de grandes trouvailles, de merveilleuses découvertes, de sublimes passions.

Il était bien évident que dans l’état où je me trouvais moi-même, le corps couvert de profondes blessures, des plaies laissant encore suspendre des morceaux de chair blanche, des enflures un peu partout sur la masse corporelle — ce que je découvris et je constatais quand je me trouvais au milieu d’une clairière herbeuse où je m’étais arrêté pour reprendre mon souffle — j’aurais dû m’échapper d’une mort certaine. Je me rappelais cette fois si avec distinction, avec une netteté angoissante, ahurissante, la course démoniaque dans les ténèbres qui me causa autant de dégâts. J’étais à la poursuite des ravisseurs de Roseline et je chevauchais derrière une multitude de flambeaux que je ne parvenais pas à atteindre. Quand mon cheval trébucha et me projetait dans un ravin, je fus saisi par des bras vigoureux et reçus des coups si durs que je vis des éclairs en pleine nuit. Ensuite je fus traîné pendant longtemps dans les sentiers défoncés avant de perdre connaissance. Il n’y avait pas de doute que c’était les hommes de Harold Blake qui, pour se débarrasser à jamais de moi, m’avaient emmené jusque dans cette région infréquentable, lointaine pour qu’on ne me retrouve plus jamais ou pour que je sois découvert bien tard quand mon cadavre serait réduit en état de putréfaction. Quelle horreur, quelle abomination !

 

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CE DUEL AVEC LA MORT

25 Mai 2023 , Rédigé par Kader Rawat

CE DUEL AVEC LA MORT

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Au sommet de la colline, des gigantesques troncs d’arbres, perdus parfois dans des épaisses broussailles, se dressaient droits vers le ciel; le temps semblait plus paisible, plus calme, plus rassurant, peut-être parce qu’à cette époque de la saison, l’atmosphère donne une semblable apparence, peut-être aussi par l’absence totale du vent — ce qui arrive bien souvent entre le départ de l’été et l’annonce de l’hiver ou peut-être bien que c’était dû à un mauvais présage! Qu’importe les raisons qui pouvaient expliquer cette étrange impression que ce silence absolu de la nature nous laissait dans nos esprits! Pour sur les réponses n’apporteraient aucun changement à ce que le temps ait pu forger au sein de l’humanité. Le temps semblait s’éterniser à jamais au milieu d’une nature sans souffle. La vie ne donnait aucun signe d’existence, à en croire que le monde était celui de la préhistoire.

Je demeurai pendant longtemps dans la grande solitude, à observer dans ma faiblesse, dans mon état déprimant, les moindres objets auxquels je pouvais accrocher mes regards. Nul ne me donnait l’envie d’en voir plus, nul ne semblait avoir à mes yeux une quelconque signification, tant je les trouvais tous plus morts que disparus quand un sentiment de frayeur, de honte, de je ne sais quel sacrilège venait me soulever le cœur. J’étais pris d’un étourdissement et je m’appuyais contre le tronc rugueux et humide d’un arbre.

Je sentais la tension de mon sang diminuer dans mes veines et je compris tout de suite que je n’avais plus de vigueurs. Mes forces commençaient déjà par m’abandonner sûrement parce que dans l’état où je me trouvais, j’avais parcouru dans des efforts suprêmes cette longue distance que je n’aurais pas dû, compromettant mon état de santé jusqu’à la limite de la fatalité. Je n’avais pas songé une seule fois dans ma vie que la mort m’aurait traqué là où je ne l’avais jamais attendue. Et maintenant dans cet état d’abattement où je me trouvais, quel courage avais-je à l’affronter ? Ce duel me semblait inéquitable et, à cette espèce de surdité dont je souffrais, surdité plus obsessionnelle qu’effrayante, venait s’ajouter le problème visuel, genre de disparition d’image, de leur effacement, des brouilles qui me faisaient confondre tout dans un mélange de petits points noirs. Était-ce le commencement de ce grand voyage dans l’au-delà ? Je ne pouvais remuer aucun de mes membres malgré que je garde toujours mes sens, ma conscience par la seule volonté de vouloir rester éveillé, non pour assister à ma mort lente et à petit feu aux confins des bois, comme la situation me le représentait, mais pour mener une lutte contre cette même mort à laquelle je ne voulais permettre de me prendre au revers, réunissant ainsi mes forces pour relever le défi qu’elle m’avait lancé.

J’ouvris mes yeux grandement et levais la tête vers le haut. Entre les interstices des branches, je pus voir le ciel bleu clair. J’implorais Dieu de me pardonner les fautes et les erreurs que j’avais commises dans mon ignorance et de me donner une chance encore de vivre. J’avais comme une impression que je venais justement de subir à un échec dont j’étais en train de supporter les conséquences. L’émeute sanglante que j’avais assisté la veille et à laquelle j’avais participé me paraissait loin, distant, dont l’écho me parvenait faiblement de l’autre bout du monde. Mais je savais que si je voulais vivre, si je ne me laissais pas m’engouffrer, m’enliser dans la mort, c’était pour l’unique raison qu’une voix m’avait appelé dans les ténèbres, une voix qui résonnait à l’intérieur de ma mémoire, une voix qui me tourmenterait jusqu’à ma mort si je ne répondais pas à son appelle. C’était la voix de Rosaline, et ce cri, poussé dans l'ultime désire de chercher la délivrance, était la seule raison pour moi de défier la mort et de sortir vainqueur dans ce duel.

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LE POIDS DES SOUCIS

17 Mai 2023 , Rédigé par Kader Rawat

LE POIDS DES SOUCIS

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Alors que la vie continuait son cours et que je me démenais à la fois dans le travail et à la maison, le moment était venu pour moi de décider de la suite à donner quant aux études supérieures qu’Akbar devait poursuivre afin de compléter son programme. C’était évident qu’après avoir réussi son BTS comptabilité au lycée de Belle-Pierre, il continuait ses études à la faculté pour se spécialiser dans la branche qu’il aurait choisie. Je souhaitais, pour le voir plus tard prendre les rênes de la société, qu’il approfondit ses connaissances dans les multiples filières des grandes écoles de commerce. Après avoir obtenu tous les renseignements auprès des conseillers d’orientation, une demande d’inscription avait été envoyée à la faculté de Lille.

Quelques semaines plus tard, la réponse étant positive je décidais d’accompagner Akbar pour son admission. Nous avions, dans un premier temps occupé une chambre dans un hôtel de proximité afin d’effectuer les démarches nécessaires. Nous avions trouvé un appartement à peu de distance de la faculté et quand Akbar était bien installé après deux semaines de démarches intenses je décidais de rentrer, l’esprit soulagé sans ayant tout de même la conscience tranquille, sachant que mon fils était seul et me demandant s’il allait pouvoir s’en sortir. Il avait besoin de grandir aussi et je n’avais aucune raison de le retenir dans le cocon familial et d’espérer qu’il deviendrait un débrouillard.

Nous étions arrivés dans une période où les activités commerciales avaient ralenti de telle sorte que nous aurions dû puiser dans nos réserves pour faire face à des situations financières difficiles. Tout en essayant de maintenir le cap, nous craignions devoir avoir recours aux licenciements économiques pour pouvoir s’en sortir. Heureusement que nous n’étions pas arrivés jusque-là quand les affaires commençaient à reprendre au début des années 90.

Nous avions embauché un expert en relation publique pour dynamiser nos activités, augmenter nos ventes en ayant recours à des supports tels que les médias, publicités, journaux, radios, télévisions. C’était des investissements que nous espérons récupérer par l’ampleur que nous voulions donner à nos entreprises et par les dimensions que nous attendions qu’elles prennent dans les années à venir.

A peine quelques mois dans la boite, Mr Frank Soler, le nouveau recru, avait su comment s’y prendre pour redresser la barre. Nous commencions à réaliser des bénéfices et étions prêts à nous lancer dans l’ouverture d’autres succursales dans des villes en pleines expansions.  Mr Frank Soler occupait un bureau à l’étage et était constamment suspendu à son téléphone portable pour faire avancer les affaires. La quarantaine, beau gars, dynamique, Mr Frank Soler avait le charisme et était doué dans ce domaine qu’il exerçait pendant plusieurs années. Séparé de sa femme avec qui il avait laissé trois adolescents, il s’était échoué dans l’île au moment où nous avions fait paraître l’annonce que nous recherchions un chargé de mission. Son curriculum vitae et sa lettre de motivation avaient retenu notre attention et nous l’avions convoqué pour un entretien avant de décider de l’embaucher. Bon blagueur et connaissant son métier au bout des doigts, il nous avait démontré son savoir-faire pendant les quelques mois qu’il travaillait dans la boite. Une grande complicité s’y était installée entre mon père, lui-même et moi sans que nous nous rendions vraiment compte. Nous passions énormément de notre temps dans des discussions, des concertations, des réunions que nous commencions à nous apprécier réciproquement sans pour autant en prendre conscience.

Par une de ces journées surchargées je me trouvais dans la halle d’exposition quand un personnel était venu m’annoncer que mon père avait eu un malaise. Je courrais le voir. Quelques personnels qui connaissaient les premiers secours se trouvaient à côté de lui et lui avaient prodigué les premiers soins. Ils avaient déjà appelé la SAMU et des massages cardiaques étaient pratiqués en attendant. Il avait fait un accident vasculaire cérébral. Et c’était grave.

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©Kader Rawat

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