UN DÉBUT DANS LA VIE DEUXIÈME PARTIE
Un dÉbut dans la vie
DEUXIÈME partie
Ceci est un ouvrage de fiction.
Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Avoir de bonne intention envers une fille dans le but de la demander en mariage n’est pas une simple affaire. Comment pouvais-je savoir ce que me réservait l’avenir alors que j’étais moi-même en train de tout faire pour conquérir le cœur d’une fille à laquelle je tenais énormément. A force d’insistance et de persévérance je réussi à la convaincre d’accepter mon invitation chez un glacier qui venait d’ouvrir ses portes dans la rue du Grand Chemin. Elle avait beaucoup hésité avant de me donner son accord. J’aurais dû attendre longtemps, avoir beaucoup de patience et aussi essayer de comprendre sa situation qui ne devait pas être facile. A vrai dire ce n’était pas de coutume à l’époque de s’afficher publiquement avec un garçon. Encore moins avec quelqu’un qui était complètement étranger à la famille. Je peux dire que j’avais de la chance qu’elle avait pris ma demande en considération pour me donner enfin une réponse positive. Nous avions pris place dans un petit coin tranquille au fond de la salle ; j’avais pu apprendre plus sur sa famille et je peux dire, toutefois, que la suite de cette relation ne me paraissait pas vraiment facile et que j’aurais du fil à retordre, vu que nous n’étions pas du même rang social ni de même milieu, elle une créole blanche de bonne famille et moi un cafre d’une famille modeste si l’on pouvait dire cela ainsi.
Son père était un agent de la compagnie EDF de la réunion et sa mère, employée de la collectivité locale. Des postes qui permettaient de percevoir une rémunération plus que confortable à une époque où ce n’était pas facile de gagner sa vie. Elle avait deux sœurs et trois frères plus jeunes qu’elle et tous répartis au collège, lycée et université. Elle avait tout de suite trouvé du travail après avoir terminé ses études universitaires. Elle habitait avec ses parents dans une magnifique villa entourée d’un jardin fleuri et des beaux arbres centenaires. En vérité ce n’était pas une modeste maison comme je l’avais imaginé ou qu’elle avait voulu me faire croire au début. La maison était vraiment superbe la première fois que je la découvrais pour satisfaire ma curiosité. Au cours de ce premier contact avec Karine, j’avais tout de suite compris que je devais absolument me montrer à la hauteur afin de garder toutes mes chances de me faire accepter par la famille.
Mon père avait travaillé toute sa vie comme employé dans une compagnie de construction en bâtiments. Il avait terminé sa carrière pas trop longtemps comme chef d’équipe et commençait à peine de profiter de sa retraite quand je débutais dans mon travail. Il était fier d’avoir pu transformer de ses mains et de ses économies, au fil de longues années de sacrifice, notre petite case en une superbe villa à étage qui nous mettait d’une part en sécurité et nous permettait d’autre part de mener une vie convenable. Ma mère avait toujours été femme au foyer et s’occupait avec dévotion de son mari, de son ménage et de ses enfants, sans jamais pousser la moindre plainte. Ces derniers temps des huissiers s’étaient présentés devant la porte de la maison pour réclamer le remboursement d’une dette qui remontait dans le temps. C’était bien cela qui avait perturbé la tranquillité qui régnait dans la maison. Mon père ne pouvait accepter ce genre de situation. Je compris qu’il vivait un moment difficile. Ma mère se repliait sur elle-même et avait du mal à cacher sa tristesse. J’imaginais que ce n’était pas si grave et qu’une solution devrait être trouvée dans les jours à venir.
Ce n’était pas le moment pour moi d’annoncer quoi que ce soit sur le rapport que j’entretenais avec Karine. Ce n’était pas non plus l’envie qui me manquait de rendre officielle notre relation. J’avais cru bon et même honnête de mettre ma mère dans mes confidences. Elle était sceptique et me demandait d’être prudent et surtout me montrer très vigilent avec le temps qui courait. Je préférais attendre le temps qu’il faudrait pour donner suite à mon projet. Je continuais à voir Karine dans les jours à venir. J’aurais dû utiliser toutes les ruses pour me rapprocher d’elle et de tous ceux qui faisaient partie de sa vie. J’avoue que je n’étais pas un fervent pratiquant mais quand il s’agissait de rencontrer Karine, de la voir, de me trouver à ses côtés pourquoi aller chercher loin ? L’Eglise de la Trinité était un lieu où l’on se rendait pour prier. Son espace verdoyant et arborisé occasionnait des rencontres fortuites. Je n’avais pas hésité de me tourner un peu plus souvent vers Dieu, si cela pouvait m’aider dans mes démarches de connaître davantage Karine. C’était de cette manière que j’avais eu l’occasion de faire la connaissance de ses parents que j’avais trouvé sympathiques, sociables et d’un niveau intellectuel élevé. C’était l’opportunité pour moi de prouver que j’étais un bon chrétien. Depuis petit, maman, qui était une fervente catholique, nous emmenait, mes frères, mes sœurs et moi à la messe. Très jeune, j’avais reçu le batême, la communion et la confirmation. Je n’avais pas de reproche à me faire de ce côté-là quand j’évoquais mon attachement à la religion. Je savais que tous ces critères étaient pris en considération pour évaluer le genre de personne que j’étais avant de décider si je pouvais faire partie ou pas de leur cercle familial. J’avais tout fait pour donner de moi-même une bonne image, mais je pensais que ce n’était pas suffisant. Je savais qu’il manquait quelque chose mais ne parvenais pas à trouver ce que c’était. J’avais besoin de chercher encore et cela m’agaçait énormément, au point à me faire avoir de l’insomnie tous les soirs.
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©Kader Rawat
Un début dans la vie
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À la recherche d'un jeune homme perdu dans la nature.
À la recherche d'un jeune homme perdu dans la nature.
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Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Je pus à peine distinguer deux silhouettes dans la lueur faible que projetait la lanterne. Une se trouvait debout tout près du brancard tandis que l’autre, probablement celui qui n’avait pas encore prononcé une seule parole et qui s’appelait le vieux Cheik, se trouvait assis encore dans la charrette, derrière la jument dont les pattes, sous le reflet de la lumière, se prolongeaient, comme celle de géants, dans la pénombre.
– Qu’est-ce que cela nous servira Ragounadan, répondit le vieux Cheik, que nous rencontrions qui que ce soit ? Ne sommes-nous pas capables de nous occuper de nous-mêmes ? D’ailleurs je me sens mieux, et les tisanes me font beaucoup de bien. Mais, à mon âge, je ne peux pas avoir les vigueurs d’un jeune homme.
– Laisse-moi t’aider à descendre vieux Cheik. Je suis sûr que nous avons des choses à faire avant de nous reposer. Cette demeure me paraît étrange et sinistre. Les bruits que nous faisons et notre lumière auraient dû attirer l’attention du chien que nous avions entendu aboyer tout à l’heure. C’est quand même bizarre qu’avant notre arrivé il aboyait comme s’il voyait le diable. Cela m’étonne qu’il n’y en ait pas dans le parage. Maintenant que nous sommes si près de la maison il s’est tu et ne se montre pas. Comment peux-tu m’expliquer tout ça vieux Cheik, toi qui as vécu si longtemps, qui a beaucoup d’expérience et qui connaît bien les manifestations singulières des animaux.
– J’ai l’impression que nous ne sommes pas seuls Ragounadan.
– Vieux Cheik, vieux renard pensai-je, si tu savais combien ta réponse est exacte ! Tu mérites une récompense pour avoir deviné juste, sans éprouver de doute ni d’hésitation.
Je ne savais combien je me sentais réconforté, soulagé, assuré par la présence de ces deux individus que je n’avais même pas encore vus. J’étais certain qu’ils étaient inoffensifs, respectables et qu’il n’y avait en eux, d’après les paroles qu’ils avaient échangées, rien de méchant, de dangereux. Je ne voyais même pas l’intérêt de me méfier d’eux, ni de douter de leur bonté et de leur sincérité. Leur présence dans la région était encourageante. Je commençais par me poser des questions sur ce qu’ils étaient venus chercher dans une si lointaine contrée. J’étais pourtant étonné de n’éprouver ni de l’inquiétude ni voyais-je mon état d’esprit perturbé par une telle apparition. Je sentais au contraire une force morale qui faisait disparaître mes douleurs, diminuer la pression qui me pesait dessus, calmer mes angoisses et enlever ma frayeur.
Je voulais m’approcher d'eux, les appelés afin qu'ils puissent savoir que j'étais là, tout près, mais je fus retenu par je ne savais quel sentiment d'hésitation, comme pour vouloir demeurer encore dans la pénombre afin d'épier leurs mouvements, d'écouter leurs conversations, de connaître davantage sur ce qu'ils se disaient, de comprendre ce qu'ils étaient venus chercher dans cette région, d'apprendre plus qu'il m'en fallait sur eux avant de me montrer. Je ne voulais pas les choquer, les étonner, les surprendre par mon aspect délabré et sinistre, mon état dépravé, miséreux, et piteux.
– Faut trouver un abreuvoir, parla le vieux Cheik d’une voix lointaine, distante, faible, étouffée dans une gorge vieillie, pendant une bonne partie du trajet nous l'avons privé d’eau.
– Pas besoin de t'inquiéter de tout ça vieux Cheik, dit Ragounadan en baissant sous la charrette pour décrocher la lanterne, ma jument est habituée à parcourir de long trajet à travers toute l'Ile sans montrer la moindre fatigue. Elle est encore jeune et vigoureuse. Je la nourri aussi très bien pour qu'elle ne me donne pas des ennuis. Et puis je n'aime pas trop m'abuser d'elle quoique je connaisse ses capacités. Je vais la détacher de la charrette et la laisser dans la prairie jusqu'au matin afin qu'elle puisse retrouver sa forme. Je n'y pensais pas, quand nous avions quitté la ville le matin, que nous aurions fait tout ce trajet pour arriver jusque-là. Je me demande comment cette insurrection pouvait t'intéresser à ce point. Tu me parlais tout d'abord que tu voulais t'acheter un esclave et quand tu t'es aperçu de ce qui fut arrivé aux maîtres tu te lances à la recherche d'un jeune homme que tu veux absolument rencontrer pour Dieu sait quelle raison. Est-ce que tu crois que je peux comprendre quelque chose dans ce que tu mijotes. Il est vrai que tu m'as offert une bonne récompense, tu m'as payé plus qu'il en faut pour t'assister dans ton entreprise mais ne trouves-tu pas, vieux Cheik, que c'est plutôt une perte de temps et que tu es en train de poursuivre un fantôme que tu ne parviendras jamais à attraper. Crois-tu en cet esclave mourant que nous avons rencontré en chemin et qui t'a dit que tu trouveras ce ... comment s'appelle-t-il encore ?
– Charles, répondit le vieux Cheik.
– Oui, que tu trouveras Charles sur le chemin qui mène vers le nord. On verra bien s’il t'a dit la vérité.
Cette fois ci il n'y avait pas de doute que le vieux Cheik me cherchait. Je ne voulais plus rester un instant dans l'ombre et, comme poussé par un instinct, je fis quelques pas et dis à haute voix.
– C'est vrai ce que cet esclave vous a dit, monsieur le vieux Cheik. Je me trouvais bien ce matin dans la région. J'ai dû marcher pendant longtemps avant d'arriver jusqu'ici. Si vous me cherchez ce n'est pas la peine de vous fatiguer. Voyez-vous mêmes dans quel état je suis. J'ai à peine atteint la maison que vous vous pointez au loin dans votre charrette.
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©Kader Rawat
L'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance.
L'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance.
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
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L’aboiement d’un chien, le même qui courrait après les animaux de la basse-cour dans la journée, me retira de ce rêve dans lequel j'étais plongé. Il sortait derrière la maison et voulait me sauter dessus. J'étais pris de frayeur et allais me réfugier derrière un talus d'où je pus voir, malgré qu'il fasse sombre, l'aspect désordonné de la cour. Les granges qui se trouvaient à peu de distance de la maison furent entièrement détruites et les poteaux brûlés et noircis par la fumée se tenaient à peine debout. Plusieurs cases des esclaves étaient complètement aplaties et c'était bien de là que montait la fumée, indistincte pendant que je regardais. Plus loin, je vis trois tombes sur lesquelles on avait enfoncé, avec précipitation, des croix qui s'inclinaient vers le sol comme pour vouloir tomber. La maison par contre n'était pas atteinte par le feu qui semblait plutôt avoir ravagé les alentours. L'apparence désuète de la demeure me fit vite comprendre que les gens qui l'avaient habitée n'avaient pas de grands moyens et se contentaient, comme mes parents, des maigres productions de la terre, des plantations qui ne leur rapportaient presque rien, tant une grande partie de la région n'était que jachère.
Les ustensiles de cuisine, les instruments aratoires, les fournitures de maison, les diverses pièces de vêtements qui traînaient un peu partout démontraient quelques scènes de violence, de lutte que des gens avaient livré avant de quitter le lieu. Les désordres indiquaient que par-là, des gens bien enracinés dans leur existence furent arrachés par la force, laissant derrière eux l'empreinte d'une longue vie vécue dans la souffrance. La maison était plantée solidement sur une base de pierres taillées et s'élevait dans le crépuscule comme un gigantesque palais rempli de mystères et des multiples objets fascinants. En vérité çà n'était qu'une maison comme tant d'autres que les colons pauvres construisaient un peu partout dans l'Ile. Mais mon imagination me faisait voir des choses jusqu'au fantasme : une maison banale prenait la dimension d’un palais, la prairie se présentait comme un désert aride. Je m'apercevais plonger dans la nuit comme le passage d'une éclipse, de voir scintiller les étoiles comme la présence des comètes, de trouver autrement les apparitions ordinaires de l'existence. Etrange illusion occasionnée assurément par une dépression dont je fus atteinte.
Le chien n'avait pas cessé d'aboyer et m'exaspérait à telle point que je ramassais un morceau de bois qui se trouvait tout près de moi et lui lançais dessus. Il le reçut en plein sur le derrière et courut, en poussant des gémissements, se réfugier dans la maison.
J'écoutais les bruits des sabots sur la terre dure des sentiers et me demandais de qui pouvait-il bien s'agir. Ce pouvait bien être le propriétaire de la maison qui retournait chez lui après une longue absence sans se douter ce qui fut arrivé. Ou bien ce n’était qu’un aventurier qui cherchait un abri pour passer la nuit. Pourquoi pas un parent qui voulait s’informer sur l’état de santé de la famille qui habitait la maison, un visiteur qui passait par là et qui venait prendre des nouvelles, ou un brigand, un voleur de grand chemin, un tueur qui sait ? Au fait il pouvait s’agir de n’importe qui. Quelle importance ? Il ne me ferait pas du tort j’espère. Et si c’était quelqu’un qui me cherchait. C’est qu’il avait bien eu la chance. Je ne me trouvais pas très loin. Il n’avait qu’à m’embarquer et m’emmenait là où il avait eu l’instruction de m’emmener. Je n’éprouvais aucune crainte quand je me levais pour aller me ranger au milieu du sentier en sorte que je serais mieux aperçu. La charrette n’était pas loin et je pus distinguer les grincements des roues comme une longue plainte.
Soudain, alors que j’étais debout et que j’attendais, la charrette s’arrêta, et le silence s’établit de telle sorte que je pus entendre mon souffle. Je continuais de regarder dans la pénombre sans pouvoir distinguer grande chose et je tendis mon oreille comme un animal attentif. Ce silence obstiné m’effrayait un instant, et puis un sentiment d’inquiétude, de déception s’empara de moi. Je regardais dans le firmament et vis une myriade de petits points étincelants, lumineux, sublimes et fantastiques qui retenaient mon attention. Je baissais mes regards pour voir l’horizon se plonger dans les ténèbres et le ciel se perdre dans un gouffre. La nature dormait paisiblement et sa respiration apportait une certaine quiétude dans mon état d’esprit. J’étais perdu dans le noir et me voyais transporté dans je ne savais quel royaume fantastique qui me faisait éprouver des étranges sensations.
Le reniflement de la jument venait me retirer dans mon état de transe et me faisait comprendre que j’étais sur terre et face à une réalité que j’avais toute raison d’affronter. Un bruit de pas qui foulait le sol dur du sentier me fit comprendre que quelqu’un se dirigeait dans ma direction. Je retenais mon souffle, tendis mon oreille, regardais dans le noir pour deviner l’intention de l’individu. La jument était probablement exténuée par une longue distance quand elle agitait drôlement pour faire son maître comprendre que quelqu’un ne se trouvait pas trop loin et qu’il devait se méfier. Elle grattait la terre de ses pattes, piaffait, claquait ses sabots sur des pierres qui jonchaient probablement le sol. L’obscurité aussi devait lui troubler, lui gêner, ce qui influait sur son comportement et démontrait son impatience de quitter un lieu pareil.
– Tu sais vieux Cheik, parla une voix rauque, enrouée, je crois que nous allons passer une nuit encore dans la fraîcheur des bois. Tu dois assurément le trouver pénible, dans ton état, particulièrement le matin, de supporter le froid. Je t’avais averti, tu dois le reconnaître, qu’en cherchant de poursuivre notre route à travers le bois nous nous exposions à des risques qui pourront se répercuter sur notre santé. Et maintenant, poursuivait-il en craquant une allumette pour allumer une lanterne qui était suspendue au-dessous de la charrette, nous voilà seuls devant une ferme abandonnée. Je te l’avais bien dit que nous avons une chance sur mille de trouver quelqu’un dans la région.
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©Kader Rawat
Un profond sentiment de tristesse
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Brûler sur un bûcher
Brûler sur un bûcher
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©Kader Rawat
Une vaste étendue de plaine
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Une vaste étendue de plaine
Cette sensation ineffable de joie
Cette sensation ineffable de joie
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Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Je me laissais glisser lentement sur mes genoux en implorant Dieu de me donner du courage. Je me prosternais jusqu’à ce que mon front soit marquait de grosses graines de terre dans lesquelles je l’avais enfoui. Je demeurais pendant un laps de temps inimaginable dans cette position jusqu’à ce que la force pénètre à l’intérieur de moi d’une manière si mystérieuse que je pus sentir gonfler mes veines par le flux du sang qui refoulait dans mon corps tout entier.
Je m’étonnais devant le fait que j’éprouvais dans la solitude une singulière frayeur, me sentant coupable, résigné en présence d’une autorité indicible qui se dressait devant moi, magistralement, comme pour m’obliger à me plier sous sa volonté. J’étais pourtant bien habitué à des régions solitaires que je ne parvenais absolument pas à comprendre comment je pus être autant perturbé par la solitude qui longtemps demeurait ma compagne favorite ! Combien de temps n’avais-je pas passé tout seul dans les bois, soit à me consacrer à de ferventes prières, soit à me livrer à de longues méditations, soit tout simplement à me reposer ? Que m’arriva-t-il pour que maintenant, au lieu d’éprouver les mêmes délices qu’autrefois, au lieu de savourer le calme avec le même goût, au lieu d’apprécier la solitude et les charmes de son silence je me sentais envahi par un bourdonnement perpétuel, par une espèce de conflit qui grouillait dans ma cervelle, par des bruits qui venaient remplacer ma surdité et m’obsédaient au point à me faire perdre la mémoire. Était-ce la présence de Dieu qui augmente cette tension en moi ? Je sentais tout se tournoyait autour de moi et j’avais l’impression que je me laissais aller à la dérive dans un monde auquel je n’étais pas habitué. Cette sensation me poursuivit pendant un bon moment jusqu’à ce que je perde la notion du temps. Le calme s’établit dans mon esprit quand je me découvris me tordre de douleur.
Ce n’était que des maux d’estomac creux, gargouillant, signe d’une faim tenace qui me torturait les entrailles. Je me levais aussi lentement que je pouvais et, avant de faire un pas, je regardais les longs jets de lumières colorantes qui se filtraient dans les bois entre les feuillages. Des couleurs variantes m’extasiaient la vue et j’avais l’impression de venir de loin, de sortir d’une vision qui me laissait perplexe, de me relever d’un cauchemar qui faisait encore vibrer mon cœur de sorte que je pouvais sentir son battement, l’entendre même comme les tambours des tam-tams.
Je titubais en m’avançant dans ce royaume merveilleux, m’arrêtant parfois sous des rayons du soleil pour me réchauffer le corps qui semblait avoir perdu beaucoup d’énergie. Je me laissais ainsi bercé dans cette atmosphère féerique, dans la lumière vive et réconfortante. J’avais ressenti quelque peu auparavant, quand je me trouvais dans la froideur des ombres un frisson me parcourir le corps et un goût acre qui descendait dans ma gorge comme pour m’annoncer le début d’une grande maladie. Mais maintenant ma récupération me fit avoir confiance en moi-même, me donnait du courage, me remontait le moral à la limite de me faire éprouver ce que je croyais avoir perdu pour toujours, cette sensation ineffable de joie qui ne se manifeste que dans des occasions de grandes trouvailles, de merveilleuses découvertes, de sublimes passions.
Il était bien évident que dans l’état où je me trouvais moi-même, le corps couvert de profondes blessures, des plaies laissant encore suspendre des morceaux de chair blanche, des enflures un peu partout sur la masse corporelle — ce que je découvris et je constatais quand je me trouvais au milieu d’une clairière herbeuse où je m’étais arrêté pour reprendre mon souffle — j’aurais dû m’échapper d’une mort certaine. Je me rappelais cette fois si avec distinction, avec une netteté angoissante, ahurissante, la course démoniaque dans les ténèbres qui me causa autant de dégâts. J’étais à la poursuite des ravisseurs de Roseline et je chevauchais derrière une multitude de flambeaux que je ne parvenais pas à atteindre. Quand mon cheval trébucha et me projetait dans un ravin, je fus saisi par des bras vigoureux et reçus des coups si durs que je vis des éclairs en pleine nuit. Ensuite je fus traîné pendant longtemps dans les sentiers défoncés avant de perdre connaissance. Il n’y avait pas de doute que c’était les hommes de Harold Blake qui, pour se débarrasser à jamais de moi, m’avaient emmené jusque dans cette région infréquentable, lointaine pour qu’on ne me retrouve plus jamais ou pour que je sois découvert bien tard quand mon cadavre serait réduit en état de putréfaction. Quelle horreur, quelle abomination !
©Kader Rawat
CE DUEL AVEC LA MORT
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CE DUEL AVEC LA MORT
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Au sommet de la colline, des gigantesques troncs d’arbres, perdus parfois dans des épaisses broussailles, se dressaient droits vers le ciel; le temps semblait plus paisible, plus calme, plus rassurant, peut-être parce qu’à cette époque de la saison, l’atmosphère donne une semblable apparence, peut-être aussi par l’absence totale du vent — ce qui arrive bien souvent entre le départ de l’été et l’annonce de l’hiver ou peut-être bien que c’était dû à un mauvais présage! Qu’importe les raisons qui pouvaient expliquer cette étrange impression que ce silence absolu de la nature nous laissait dans nos esprits! Pour sur les réponses n’apporteraient aucun changement à ce que le temps ait pu forger au sein de l’humanité. Le temps semblait s’éterniser à jamais au milieu d’une nature sans souffle. La vie ne donnait aucun signe d’existence, à en croire que le monde était celui de la préhistoire.
Je demeurai pendant longtemps dans la grande solitude, à observer dans ma faiblesse, dans mon état déprimant, les moindres objets auxquels je pouvais accrocher mes regards. Nul ne me donnait l’envie d’en voir plus, nul ne semblait avoir à mes yeux une quelconque signification, tant je les trouvais tous plus morts que disparus quand un sentiment de frayeur, de honte, de je ne sais quel sacrilège venait me soulever le cœur. J’étais pris d’un étourdissement et je m’appuyais contre le tronc rugueux et humide d’un arbre.
Je sentais la tension de mon sang diminuer dans mes veines et je compris tout de suite que je n’avais plus de vigueurs. Mes forces commençaient déjà par m’abandonner sûrement parce que dans l’état où je me trouvais, j’avais parcouru dans des efforts suprêmes cette longue distance que je n’aurais pas dû, compromettant mon état de santé jusqu’à la limite de la fatalité. Je n’avais pas songé une seule fois dans ma vie que la mort m’aurait traqué là où je ne l’avais jamais attendue. Et maintenant dans cet état d’abattement où je me trouvais, quel courage avais-je à l’affronter ? Ce duel me semblait inéquitable et, à cette espèce de surdité dont je souffrais, surdité plus obsessionnelle qu’effrayante, venait s’ajouter le problème visuel, genre de disparition d’image, de leur effacement, des brouilles qui me faisaient confondre tout dans un mélange de petits points noirs. Était-ce le commencement de ce grand voyage dans l’au-delà ? Je ne pouvais remuer aucun de mes membres malgré que je garde toujours mes sens, ma conscience par la seule volonté de vouloir rester éveillé, non pour assister à ma mort lente et à petit feu aux confins des bois, comme la situation me le représentait, mais pour mener une lutte contre cette même mort à laquelle je ne voulais permettre de me prendre au revers, réunissant ainsi mes forces pour relever le défi qu’elle m’avait lancé.
J’ouvris mes yeux grandement et levais la tête vers le haut. Entre les interstices des branches, je pus voir le ciel bleu clair. J’implorais Dieu de me pardonner les fautes et les erreurs que j’avais commises dans mon ignorance et de me donner une chance encore de vivre. J’avais comme une impression que je venais justement de subir à un échec dont j’étais en train de supporter les conséquences. L’émeute sanglante que j’avais assisté la veille et à laquelle j’avais participé me paraissait loin, distant, dont l’écho me parvenait faiblement de l’autre bout du monde. Mais je savais que si je voulais vivre, si je ne me laissais pas m’engouffrer, m’enliser dans la mort, c’était pour l’unique raison qu’une voix m’avait appelé dans les ténèbres, une voix qui résonnait à l’intérieur de ma mémoire, une voix qui me tourmenterait jusqu’à ma mort si je ne répondais pas à son appelle. C’était la voix de Rosaline, et ce cri, poussé dans l'ultime désire de chercher la délivrance, était la seule raison pour moi de défier la mort et de sortir vainqueur dans ce duel.
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©Kader Rawat
LE POIDS DES SOUCIS
LE POIDS DES SOUCIS
Ceci est un ouvrage de fiction. Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.
Alors que la vie continuait son cours et que je me démenais à la fois dans le travail et à la maison, le moment était venu pour moi de décider de la suite à donner quant aux études supérieures qu’Akbar devait poursuivre afin de compléter son programme. C’était évident qu’après avoir réussi son BTS comptabilité au lycée de Belle-Pierre, il continuait ses études à la faculté pour se spécialiser dans la branche qu’il aurait choisie. Je souhaitais, pour le voir plus tard prendre les rênes de la société, qu’il approfondit ses connaissances dans les multiples filières des grandes écoles de commerce. Après avoir obtenu tous les renseignements auprès des conseillers d’orientation, une demande d’inscription avait été envoyée à la faculté de Lille.
Quelques semaines plus tard, la réponse étant positive je décidais d’accompagner Akbar pour son admission. Nous avions, dans un premier temps occupé une chambre dans un hôtel de proximité afin d’effectuer les démarches nécessaires. Nous avions trouvé un appartement à peu de distance de la faculté et quand Akbar était bien installé après deux semaines de démarches intenses je décidais de rentrer, l’esprit soulagé sans ayant tout de même la conscience tranquille, sachant que mon fils était seul et me demandant s’il allait pouvoir s’en sortir. Il avait besoin de grandir aussi et je n’avais aucune raison de le retenir dans le cocon familial et d’espérer qu’il deviendrait un débrouillard.
Nous étions arrivés dans une période où les activités commerciales avaient ralenti de telle sorte que nous aurions dû puiser dans nos réserves pour faire face à des situations financières difficiles. Tout en essayant de maintenir le cap, nous craignions devoir avoir recours aux licenciements économiques pour pouvoir s’en sortir. Heureusement que nous n’étions pas arrivés jusque-là quand les affaires commençaient à reprendre au début des années 90.
Nous avions embauché un expert en relation publique pour dynamiser nos activités, augmenter nos ventes en ayant recours à des supports tels que les médias, publicités, journaux, radios, télévisions. C’était des investissements que nous espérons récupérer par l’ampleur que nous voulions donner à nos entreprises et par les dimensions que nous attendions qu’elles prennent dans les années à venir.
A peine quelques mois dans la boite, Mr Frank Soler, le nouveau recru, avait su comment s’y prendre pour redresser la barre. Nous commencions à réaliser des bénéfices et étions prêts à nous lancer dans l’ouverture d’autres succursales dans des villes en pleines expansions. Mr Frank Soler occupait un bureau à l’étage et était constamment suspendu à son téléphone portable pour faire avancer les affaires. La quarantaine, beau gars, dynamique, Mr Frank Soler avait le charisme et était doué dans ce domaine qu’il exerçait pendant plusieurs années. Séparé de sa femme avec qui il avait laissé trois adolescents, il s’était échoué dans l’île au moment où nous avions fait paraître l’annonce que nous recherchions un chargé de mission. Son curriculum vitae et sa lettre de motivation avaient retenu notre attention et nous l’avions convoqué pour un entretien avant de décider de l’embaucher. Bon blagueur et connaissant son métier au bout des doigts, il nous avait démontré son savoir-faire pendant les quelques mois qu’il travaillait dans la boite. Une grande complicité s’y était installée entre mon père, lui-même et moi sans que nous nous rendions vraiment compte. Nous passions énormément de notre temps dans des discussions, des concertations, des réunions que nous commencions à nous apprécier réciproquement sans pour autant en prendre conscience.
Par une de ces journées surchargées je me trouvais dans la halle d’exposition quand un personnel était venu m’annoncer que mon père avait eu un malaise. Je courrais le voir. Quelques personnels qui connaissaient les premiers secours se trouvaient à côté de lui et lui avaient prodigué les premiers soins. Ils avaient déjà appelé la SAMU et des massages cardiaques étaient pratiqués en attendant. Il avait fait un accident vasculaire cérébral. Et c’était grave.
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©Kader Rawat