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Articles récents

A business woman

27 Mars 2017 , Rédigé par Kader Rawat

 

The society of Reunion Island of 1980 was not yet accustomed seeing young women taking the role of leader in business, particularly in Companies. This was the case for the girl who landed in the island after years of absence, and who got to manage the company belonging to her father. She would discover another aspect of life and understand that the world of business was not so simple as she had imagined.

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A Family Enterprise

26 Mars 2017 , Rédigé par Kader Rawat

 

In the years 60, the path of a young girl in the metropolitan jungle proved to be a true challenge. A daughter who was in search of her identity decided to get out alone despite the difficulties which arose on her path. Coming back to her native island she was going to live new adventures nearby a father marked by life. In a changing society, a father and his daughter unite themselves to build together all projects, leaving behind them a heavy past.

 

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A love of youth

26 Mars 2017 , Rédigé par Kader Rawat

 

A young girl of a respectful family decided to transgress all laws of morality to face life, existence, destiny alone. After having conceived a child with a young metropolitan, she had no choice than to leave the country to avoid shame, to avoid putting her parents in embarrassment, to avoid suffering all the indignities she would be the subject of. A challenge to travel to France by her own means at a time earning money was not easy. She was going to have all those mishaps, facing all the difficulties to try to get out. The path of the emigration was full of pitfalls and she would have to use all tricks to overcome all obstacles that arose on her path.

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A business woman (A YOUNG GIRL IN LOVE Book 3)

31 Octobre 2016 , Rédigé par Kader Rawat

The society of Reunion Island of 1980 was not yet accustomed to see young women taking the role of leader in business and particularly in Companies. This was the case for the girl who landed in the island after years of absence and who got to manage the company belonging to her father. She would discover another aspect of life and understand that the world of business was not so simple as she had imagined.

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A Family Enterprise (A young girl in love Book 2)

31 Octobre 2016 , Rédigé par Kader Rawat

In the years 60 the path of a young girl in the metropolitan jungle proved to be a true challenge. A daughter who was in search of her identity had decided to get out alone despite the difficulties which arose on her path. Coming back to her native island she was going to live new adventures nearby a father marked by life. In a changing society a father and his daughter unite themselves to build together all projects, leaving behind them a heavy past.

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A love of youth ( A young girl in love Book 1 )

31 Octobre 2016 , Rédigé par Kader Rawat

A young girl of a respectful family decided to transgress all laws of morality to face life, existence, destiny alone. After having conceived a child with a young metropolitan, she had no choice than to leave the country to avoid shame, to avoid putting her parents in embarrassment, to avoid suffering all the indignities she would be the subject of. A challenge to take by traveling to France by her own means at a time earning money was not easy. She was going to have all those mishaps, facing all the difficulties to try to get out. The path of emigration was full of pitfalls and she would have to use all her tricks to overcome obstacles that arose on her path.

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La femme de chambre

17 Octobre 2016 , Rédigé par Kader Rawat

 

 

 

La femme de chambre

 

 

Julie avait fait ses preuves pendant quelques jours et les patrons étaient satisfaits. Elle parvenait sans peine à plaire aux filles et à fasciner les garçons. Elle se trouvait dans une situation qui ne la permettait pas de refuser de rendre service à ses jeunes patrons à longueur des journées. Ils la réclamaient pour faire ceci ou cela dans le but de se familiariser avec elle. Elle se sentait quelque fois gênée et même embarrassée d'apercevoir combien elle incitait la curiosité et l'intérêt de ses petits patrons. Ces garçons étaient encore jeunes; leur esprit était ouvert malgré la rigueur et la sévérité de leur père qui voulait leur préserver de toutes corruptions; ils ne pouvaient ignorer le plaisir qu'ils pouvaient tirer en se rapprochant de cette fille qui accourait à leur moindre appel. Dès leur jeune âge ils étaient poussés par des camarades de l'école, influencés par les relations nouées à des jeunes voyous des bas quartiers et des amis avertis; ils se laissaient entraînés dans des aventures qui leur permettaient de satisfaire leur curiosité et de découvrir la perversité et le vice. Ils s'intéressaient aux filles et cherchaient des moyens pour gagner leur estime. Ils tournaient autour de la nouvelle venue et attendaient le moment pour livrer conversation afin d'en savoir plus sur elle. Elle retrouva la tranquillité en regagnant sa chambre tard le soir. Cela ne l'ennuyait pas vraiment quoiqu'elle préfère la compagnie des jeunes filles. Elle évitait de se familiariser avec les garçons. Elle trouvait toujours un prétexte pour se retirer. Ce n'était pas de son intérêt d'encourager ses jeunes maîtres à jeter leurs dévolus sur elle et à représenter cet objet de désir qui se trouvait là pour corrompre les bonnes mœurs. Pourtant à toute heure de la journée un de ses petits patrons trouvait l'occasion d'arracher quelques mots de sa bouche. Elle devait s'en débarrasser de manière à éviter des désagréments. Elle avait compris que c'était pour s'amuser qu'ils s'intéressaient à elle; pour ne pas leur déplaire elle fit semblant d'entrer dans leur jeu.

 

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Une invitation particulière

17 Mai 2016 , Rédigé par Kader Rawat

Une invitation particulière

Au cours de ce dîner improvisé et préparé à la hâte par madame Payet et Suzanne, Frédéric n'en finissait pas de s'étonner devant des plats divers une soupe aux crabes, une sauce aux crevettes pêchés dans la rivière, de concombres coupées en morceaux, de salades de laitues fraîchement cueillies dans le potager, de grosses tomates assaisonnées de la vinaigrette et du poivre, du riz mélangé avec d'oignons frites, du pain de campagne. Installé dans une salle à manger amplement éclairée par des becs à gaz suspendus au plafond, Frédéric et Henri demeuraient à table pendant longtemps à remplir leurs verres de petite quantité de ce liqueur qui incitait l'appétit et aidait la digestion. Henri avait mis du temps avant d'évoquer ses souvenirs stimulés assurément par la consommation de quelques verres de vin pays. Il se montrait par la suite loquace et parvenait à se rappeler des séquences qui lui revenaient à la mémoire et qu'il avait complètement oubliées. Dans son état normal il aurait eu bien du mal à remonter dans la profondeur de son imagination pour fouiller le passé, le décortiquer avec une exactitude étonnante. C'était de cette manière qu'il parlait de la première fois qu'il avait fait la rencontre de Mme Hoarau quand celle ci venait de débarquer dans le pays en compagnie de son mari. Elle était une de ces ravissantes femmes de l'époque qui avaient tout pour plaire et que chaque individu qui l'approchait se sentait soulagé, satisfait par la moindre considération portée à leurs égards. Mme Hoarau avait cette distinction qui éveille le respect, l'estime dans l'état d'esprit de ses admirateurs. Henri avait pour habitude de se rendre chez le docteur pour remettre une importante somme d'argent que son père lui confiait. Il attendait souvent ce moment qui lui permettait de faire ce long chemin à pieds pour se retrouver devant la maison des Hoarau et pour profiter de l'occasion pour s'attarder devant la porte afin de porter ses admirations sur toutes ces femmes distinguées qui évoluaient devant lui sans lui remarquer. Le docteur Hoarau, en gentilhomme avisé, ne le recevait jamais dehors. Il eut donc le privilège de s'introduire dans la somptueuse demeure, de s'asseoir sur un sofa confortable et même de siroter un verre de boisson agréable que la bonne le servait. Il avait l'habitude pour l'occasion de porter une tenue convenable et, en tant que fils de colon, il avait tout intérêt de soigner son apparence. Au début Mme Hoarau était une femme réservée qui ne se montrait pas souvent en société ni en public. Mais quand on la voyait elle était toujours accompagnée de son mari qu'elle aimait énormément. Les années passées ensemble dans l'île les avaient tout de même permis de conserver, d'entretenir la chaleur de cet amour qui n'avait pas connu vraiment de faille. Les enfants nés de cette relation avaient en quelque sorte consolidée le lien entre les époux et les facilités qu'ils avaient eues dans la vie les avaient rapprochés. Aucun nuage n'était venu obscurcir ce long parcours entrepris par deux êtres soudés par le serment et le vœu de vouloir vivre ensemble pour le meilleur et pour le pire. De ce mariage stable dont le secret ne réside que par le fait de devoir vivre pour plaire à l'autre, les enfants qui y grandissaient en tiraient avantage. Leur destin y dépendait beaucoup et, pour forger leur caractère, pour leur inculquer de l'éducation, pour définir en quelque sorte une ligne de conduite, cette stabilité était nécessaire. Les bénéficiaires ne pouvaient pas se plaindre et quand ils se faisaient entraînés par le courant de la fortune et que toutes les portes s'ouvraient comme par magie ils n'en cherchaient pas plus et c'était là le vrai bonheur, dans cette harmonie qui régissait l'existence. Peu de familles parvenaient à concilier autant de facteurs importants et menaient une vie à leur guise sans laisser apparaître les moindres signes de faiblesse. Mais comme tout change avec le temps, et que l'habitude devient une deuxième nature, nombreuses années parvenaient à modifier énormément des choses de la vie. Mme Hoarau, bien que fortement attachée à son mari, prenait le destin de ses enfants en main et était seule à décider de leur sort. Cet accord avait été conclu suite à une entrevue personnelle avec son mari trop absorbé dans ses affaires pour s'occuper des enfants. Il avait laissé à sa femme le plein pouvoir sur la façon dont elle espérait aborder leur avenir. Elle informait par contre son mari de toutes les décisions graves qu'elle entreprenait concernant les enfants et lui tenait au courant des résultats obtenus. C'était ainsi qu'elle sortait progressivement de ce cocon familial pour rencontrer nombreuses personnes impliquées dans l'éducation de leurs enfants. Elle allait voir les maîtres pour se renseigner des progrès de ses enfants en classe. Elle choisit elle-même l'établissement scolaire qu'ils devaient fréquenter, fit leur inscription, discuté avec le directeur pour qu'ils obtiennent une classe intéressante où ils auraient toutes les possibilités de poursuivre leur éducation dans les meilleures conditions possibles. Ces démarches et les intérêts qu'elle portait à l'enseignement la firent acquérir la réputation de mère soucieuse de l'éducation de ses enfants et bon nombre de personnes suivaient ses exemples et en firent de même. Elle se retrouvait en peu de temps entourée d'autres mères de famille qui venaient la faire des confidences sur leurs problèmes personnels, qui la demandaient des conseils pour régler quelques affaires épineuses, sollicitaient son aide quand c'était nécessaire pour qu’elle intervienne en leur faveur auprès des personnes concernées et enfin la donnaient une telle importance qu'elle commençait par apercevoir qu'elle tenait une bonne place dans le cœur de tous ces gens. Quelques années plus tard, avec une réputation acquise sans le vouloir mais bien méritée pour ses nombreux actes de bienfaisance, Mme Hoarau figurait parmi les personnes dont les noms étaient souvent mentionnés au cours des conversations livrées dans les meilleures sociétés. Elle n'en tirait ni fierté ni arrogance d'autant d'égards portés sur sa personne. En plus de cela, elle endossait déjà le titre de la femme du docteur qui dans une société encore à l'aube de sa croissance la plaçait sur un piédestal que quiconque enviait. Au cours de nombreuses réceptions données pour célébrer quelques œuvres de charité, pour l'inauguration des hôpitaux ou même pour fêter un évènement lié au corps médical et dans lesquelles elle accompagnait son mari pour faire acte de présence elle se familiarisait avec une aisance étonnante avec d'autres personnes de haut rang avec lesquelles elle entretenait des conversations traitant des thèmes aussi divers que l'astronomie, la science et la technologie qui n'étaient pas encore des matières bien répandues à l'époque et dont les principales sources d'informations ne se trouvaient que dans des livres spécialisés que seuls les scientifiques possédaient. Son mari recevait par la poste de nombreuses revues qui parlaient de découvertes, d'inventions, d'actualités qu'elle prit beaucoup de plaisir à lire, à comprendre. Elle avait tout de même poursuivi son éducation jusqu'au baccalauréat avant que ses parents ne décident de la suivaient dans ses moindres occupations liées aux études. Tous ces labeurs ne pouvaient que la servir au moment où elle se confrontait à la réalité de l'existence et où elle avait à mettre en valeur son savoir faire et ses connaissances. Elle cherchait à faire autant pour ses enfants et pour elle c'était un immense plaisir de les assister, de les aider, de les encourager d'acquérir cette éducation si essentielle pour l'avenir, si précieux, si indispensable. De la femme amoureuse qu'elle était, elle avait su s'adapter à la femme responsable et consciente de ses devoirs envers ses enfants. Maintenant qu'elle était une femme mûre, épanouie, raisonnable quand elle avait décidé de gérer les affaires de son mari, c'était à ce moment que Frédéric qui ne l'avait aperçue qu'une fois devant l'église s'intéressait à la connaître pour demander la main de sa fille. Cette soirée passée en compagnie d'Henri Payet s'achevait bien tard avec l'esprit, l'imagination de Frédéric rempli de perspectives prometteuses, de plans solidement conçus, d'avenir réconfortant, de rêves pressées à réaliser. Frédéric avait eu à peine le temps de dormir cette nuit là tant il était transporté dans un monde imaginaire dans lequel il se voyait en train de vivre un amour sans pareil dans la compagnie de Nathalie. Ses préoccupations dans les jours qui suivaient étaient consacrées à se préparer assidûment pour le jour où il devait rencontrer Mme Hoarau afin de faire bonne figure quand il serait présenté à elle. Henri Payet qui devait la rencontrer dans les jours suivants trouverait une bonne occasion pour organiser cette rencontre sans éveiller de soupçon. Il voulait tout simplement éviter de se faire passer pour l'entremetteur parce qu'il voulait rester en dehors de cette affaire. Ainsi il n'aurait aucun compte à rendre à personne ni aucune explication à donner et ne se retrouverait pas dans une mauvaise posture si jamais par la suite les choses ne se passaient pas comme ils l'espéraient. Frédéric était tout à fait d'accord sur le principe et ne demandait pas plus que d'être introduit auprès de la personne concernée. Il assumerait tout seul le reste quelque soit le résultât. Il était conscient que toute la réussite de cette entreprise ne dépendait que de son savoir faire. Au delà du village de Tampon s'étendait la Plaine des cafres et plus loin la Plaine des Palmistes, un ancien cratère des siècles de cela et recouvert depuis d'une riche végétation et d'une variété exceptionnelle de plantes qui ne laissaient pas insensibles les géologues et même les botanistes. Le courant d'air frais qui parcourait la région en permanence et l'aspect pittoresque du site attiraient bon nombre de personnes en quête d'un coin tranquille et d'un lieu de repos pour passer les mois chauds de l'année. C'était ainsi que s'élevaient de part et d'autre de belles maisons rustiques qui donnaient un aspect de villégiature à cette plaine partagée à étage successif. La première fois que Mme Hoarau se rendit dans ce coin choyé, elle fut conquise par la douceur du lieu, la tranquillité et la forte senteur des fougères et des orchidées. Les enfants étaient encore petits quand elle convainquit son mari de faire construire pour la famille une grande maison entourée d'un jardin fleuri. Elle avait même investi dans la construction une importante somme d'argent pour agrémenter les pièces intérieures, pour les travaux de décors et pour l'édification d'une cheminée de briques nécessaire en hiver quand il fait très froid. Les beaux meubles en bois qui garnissaient les pièces étaient de première qualité et bien que la maison reste fermée une grande partie de l'année, des précautions étaient prises pour que les meubles gardent leurs éclats et leur consistance. L'humidité étant considérée comme le pire ennemi des objets laissés à l'abandon, Mme Hoarau avait engagé un couple âgé qui habitait dans un pavillon à côté pour entretenir la maison, les accessoires, le jardin et la cour. Plusieurs fois par an et plus souvent pendant la saison chaude les Hoarau organisaient des réceptions et conviaient nombreux amis, parents et relations avec lesquels ils avaient des liens étroits. Ils arrivaient tous en voitures, certains depuis la veille et pour lesquels des dispositions étaient pris pour passer la nuit et ils se réunissaient le jour convenu pour s'amuser dans le jardin devant un feu de bois au-dessus duquel des gibiers étaient suspendus. Certains étaient regroupés dans la maison où un gramophone jouait la dernière chanson à la mode et où une piste de danse attendait ceux qui en avaient l'envie; d'autres se trouvaient dans la cour où une longue table garnie d’abondant amuse-gueule, des gâteaux, des pâtés, des salades, des fruits, des boissons attendaient les invités. Frédéric Grondin se trouvait justement au milieu de cette fête en compagnie d’Henri Payet un mois après qu'ils s'étaient quittés la dernière fois. Le procédé était simple pour que Frédéric Grondin ait son invitation pour marquer sa présence dans une telle société. La dernière fois qu'Henri Payet avait rencontré Mme Hoarau il l'avait fait part qu'un ami qui était agent commercial souhaitait la rencontrer pour discuter affaire. Mme Hoarau avait pris des renseignements sur la personne en posant quelques questions pour satisfaire sa curiosité et pour se faire aussi une idée de qui il s'agissait et, étant donné qu'elle donnait une réception dans peu de temps, pourquoi ne pas profiter pour emmener la personne. Ce qui avait en quelque sorte arrangé les affaires. Agent commercial paraissait une étiquette qui donnait une certaine importance à la personne et Frédéric lui-même n'aurait pas trouvé meilleur terme pour qualifier ses activités et il lui en fit infiniment reconnaissant. Les invités continuaient à arriver au milieu de l'après-midi de ce samedi tant attendu et ils étaient tous habillés convenablement. Dans le climat agréable de la plaine et par une journée ensoleillée les femmes, qui portaient des robes dans lesquelles leur corps était bien moulé et qui étaient couvertes presque toutes de chapeau de couleurs variées, se rendirent dans le jardin pour faire de petits groupes et pour livrer conversation à cœur joie. Leur visage souriant, relevé par le fard et autres produits de beauté devant coûter extrêmement chers, exprimait la joie de vivre et avait un tel éclat qu'aucun défaut n'était perceptible. L'air vivace, pimpantes, coquettent elles brillaient, étincelaient dans la lueur jaunâtre du soleil couchant. Les hommes se retrouvaient dans la cour, certains parlaient de la politique, d'autres des affaires, des potins et des ragots. Frédéric connaissait nombreux de ces personnages qu'il avait au moins une fois croisés sur son chemin. Sa présence dans ce milieu ne pouvait pas laisser insensible bon nombre de gens qui lui connaissaient de visage. Il se trouvait en compagnie d'un riche négociant qu'il venait de rencontrer et qui se trouvait lui-même par hasard dans la fête, ayant fait tout récemment connaissance de Mme Hoarau et avait conclu avec elle un marché fort intéressant, ce qui expliquait en quelque sorte de quelle manière l'on pouvait exprimer sa reconnaissance et comment un remerciement pouvait être aussi significatif. Frédéric se sentait quelque peu éclipsé au milieu de tous ces gens importants et, désirant faire bonne figure pour laisser la meilleure impression de lui-même particulièrement aux yeux de Mme Hoarau à laquelle il n'était pas encore présenté, il n'hésitait pas de se lancer dans des discussions sérieuses touchant l'économie, le commerce, les affaires, la politique, ce qu'il y avait de mieux pour raviver une conversation, la donnant une dimension qui incitait ses interlocuteurs à y intéresser de vives voix. Le docteur Hoarau était présent à la réception, étant de retour peu de temps de cela mais dont la santé n'était pas bonne, une grippe qu'il traînait depuis quelque temps et qui l'avait affaibli de telle sorte qu'il ne demeurait pas pour longtemps parmi les invités. Frédéric avait eu tout de même l'occasion de le rencontrer et Henri Payet avait fait la présentation. Ils avaient échangé quelques brèves paroles de politesses et s'étaient séparés chacun de son côté, emportés par les incessantes sollicitations qui rapprochaient et éloignaient les uns les autres dans ce cercle qui ne cessait de grossir. Les lumières étaient allumées, la musique se jouait à fond, les gens avaient commencé à manger, à boire, à danser, à parler de tout et de rien. Frédéric se trouvait en compagnie de quelques messieurs parmi lesquels Hubert Boyer, homme influent qui siège au Conseil Général, Christophe Dijoux, adjoint maire du village qui présentait lors des campagnes électorales des dernières élections un programme d'intérêt général qui attirait nombreux sympathisants, un agent administratif haut placé et un directeur de service maritime. Mme Hoarau était en compagnie d’Henri Payet et se trouvait à peu de distance du groupe. Frédéric ne trouvait pas meilleure occasion pour se retirer discrètement du groupe et se diriger à la rencontre de Mme Hoarau. — Bonsoir madame Hoarau. Depuis que je suis arrivé je cherche une occasion de vous rencontrer et de vous remercier en même temps de l'honneur que vous m'avez fait en m'invitant à cette réception. Ah quel festin ! Permettez-moi de me présenter. Frédéric Grondin, dit Frédéric en tendant la main à Mme Hoarau. — Je suis contente que vous soyez venu, monsieur Grondin. — Frédéric. Vous pouvez m'appeler Fréderic. — Effectivement Fréderic, Henri m'a parlé de vous et je me suis dit que c'est une bonne occasion pour vous demander de venir assister à une petite fête que je donne, répondit Mme Hoarau en présentant sa main que Fréderic tenait avec une extrême délicatesse et un enthousiasme qui démontrait combien il était reconnaissant, j'espère que vous vous amusez bien. — Énormément, je vous remercie, répondit Fréderic en libérant discrètement la main de Mme Hoarau. Je dois vous féliciter de la réussite d'un tel banquet. Tout a été si bien calculé qu'on ne peu que profiter de chaque instant de bonheur qui nous attend. — C'est très flatteur de votre part. Mais pour moi c'est un peu trop tôt de le dire. Enfin j'espère que tout le monde seront satisfaits. — Mme Hoarau a l'habitude d'organiser des fêtes aussi grandioses, dit Henri Payet, elle connaît le secret pour maîtriser la situation. — Il ne faut pas exagérer. Il n'y a rien de comparable aux autres festins donnés ailleurs. C'est une petite fête qui réunisse parents proches et bons amis. Il est bien de se rencontrer de temps à autre pour passer de bons moments ensemble. Cela permet de resserrer le lien familial qui prend un peu de recul avec le temps passé dans le travail, de permettre aux amis absorbés dans leurs occupations quotidiennes de se retrouver autour d'une table pour évoquer de vieux souvenirs. Autrement nous avons tous tendance à nous laisser emporter par tous nos menus soucis que nous commençons par oublier l'existence des autres. Les rapports que nous avons toute raison d'entretenir ne doivent pas subir à une telle transformation tout simplement parce que nous négligeons à prendre l'initiative nécessaire pour remédier la situation. Il suffit de réaliser comment l'on ne peut pas reconnaître un membre de sa famille quelque part ailleurs pour comprendre combien il est important de garder l'amitié en continuant à fréquenter les autres. La faute incombe aux grands de donner l'exemple pour que les générations qui viennent après puissent en faire autant. Sinon qui est la faute si les enfants ne connaissent pas un membre de leur famille? Qui? — Effectivement, l'évolution a toujours tendance à changer la société, dit Frédéric, la modeler selon les idées nouvelles qui ne sont pas en conformité avec les principes de base nécessaires à préserver la vraie valeur morale qui contrôle nos actes et dirige nos pensées. Les déclins constatés dans la nature humaine et qui passent toujours par les faiblesses des sentiments provoquent énormément de dégâts dans les rapports que les êtres établissent entre eux-mêmes. C'est une recrudescence incontrôlable dans le comportement humain qui devient dangereux au fil des années voir même des générations. Rien et personne ne pourrait arrêter ce fléau dévastateur qui en gangrène la société, la rende malade de telle sorte que beaucoup d'innocents en payaient les frais et cela est bien dommage. — C'est pour cette raison qu'il faut absolument faire des efforts pour éviter d'arriver jusque là, dit Mme Hoarau en invitant Frédéric à se rendre dans le jardin, "vous avez une vision très perceptible de ce que l'avenir peut représenter et je suis contente de vous l'entendre dire. Nous avons, me semble-t-il, les mêmes idées et je suis confiante que nous allons bien nous entendre. Henri me dit que vous êtes dans les affaires et puis-je savoir de quelle affaire s'agit-il?" Mme Véronique Hoarau et Frédéric Grondin marchaient l'un à côté de l'autre dans la grande allée bordée des marguerites et éclairées des lampadaires. Les dames s'étaient regroupées pour livrer conversation loin des oreilles indiscrètes et sans se faire dérangées par leur mari. Elles papotaient en poussant de grands éclats de rire qui résonnaient jusque dans le lointain. Mme Hoarau et Frédéric continuaient de parler pendant un bon moment avant que quelques personnes qui désiraient rencontrer Mme Hoarau se joignirent à eux et mirent fin à leur discussion qui s'avérait fort intéressant. Ils se séparèrent en se promettant de se retrouver une prochaine fois pour continuer la conversation. C'était ainsi que Frédéric obtint l'accord de Mme Hoarau de venir la rendre visite dans les jours qui suivirent pour parler affaire. Quand la fête approchait à sa fin, Frédéric avait fait les démarches nécessaires pour saluer Nathalie qu'il avait trouvée en compagnie de plusieurs jeunes filles au fond du jardin. Il avait hésité d'aller l'adresser quelques paroles afin de ne pas attirer l'attention des autres qui devaient assurément garder sur lui un œil rempli de méfiance et de curiosité. Il était tout de même satisfait de sa soirée.

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Un amour de convoitise

28 Avril 2016 , Rédigé par Kader Rawat

Un amour de convoitise

Le dimanche qui suivit cette démarche infructueuse qui avait enlevé l'espérance que Frédéric nourrissait à l'égard de cette fille et lui avait laissé des doutes sur des projets qu'il avait fait, il se réveillait tôt le matin pour se rendre à l'église du Tampon. A l'époque cette nouvelle construction, bâtit par le soin de l'abbé Rognard, avait soulevé des différends entre ce dernier et la famille Kervéguen. Les anciens habitants du quartier souvenaient de cette histoire que tout le monde parlait pendant longtemps. Habillé dans un costume à rayures couleur grise acheté pour l'occasion et portant cravate et chapeau, Frédéric avait surpris ses parents en se présentant devant eux dans un tel apparat un dimanche matin qu'il passait d'habitude à faire la grâce matinée. Il était peu enclin à marquer sa présence dans les offices religieux et était bien souvent absent dans les cérémonies et les messes célébrées dans l'église située à peu de distance de sa maison. Les sons des cloches lui laissaient souvent indifférent bien qu'il croyait en Dieu Tout Puissant. Il n'était pas considéré comme un fervent catholique mais n'était pas pour autant dénué de foi. Il avait un profond respect de tout ce qui touchait la religion et, dans sa vie pratique, il utilisait très souvent comme bouclier, contre toutes perversités et tentations, les règles fondamentales dictées par la Bible. Ce qui lui permettait d'adopter des principes rigoureux de l'existence et d'établir une ligne de conduite qui réglait en quelque sorte sa vie. Le temps déployé dans l'exercice de son métier dur et difficile lui empêchait de songer à fonder un foyer. Et puis bien qu'il connaisse nombreuses jeunes filles de villes et villages, toutes issues de bonnes familles, il n'avait pas encore trouvé ce qui pourrait faire son bonheur. Son cœur, jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans quand il vit Nathalie, ignorait encore les affres de l'amour et ne pouvait pas le tromper. Ce matin, quand il se rendait à l'église de Tampon dans une petite voiture empruntée à un ami qui habitait un coin de rue de sa maison, son intention était avant tout d'aller voir cette fille, de l'aborder et de faire la connaissance des membres de sa famille. Pendant que la voiture grimpait l'interminable pente raide en faisant des bruits épouvantables et en soulevant une épaisse poussière grisâtre le long du chemin caillouteux et défoncé par les eaux, Frédéric ressentit une joie ineffable et un infini plaisir qui lui incitait à admirer le beau paysage qui se défilait lentement des deux côtés de la route. En atteignant le village après une heure et demie de route épuisante, il se dirigeait vers l'église, garait la voiture à l'ombre d'un grand flamboyant chargé des bouquets de fleurs rouge-orangées. Il pénétrait dans l'église déjà remplie de fidèles, trempait sa main dans l'eau bénite, fit des signes de croix au nom du Père, du fils et de Saint Esprit et alla s'agenouiller sur un des bancs libres à l'arrière pour écouter le sermon du père Grégoire debout au fond dans sa chaire. Au lieu d'écouter le discours du prêtre dont le sujet traitait sur la charité et dont l'éloquence avait tenu en émoi l'assistance, Frédéric traînait ses regards sur les rangés de têtes qu'il ne parvenait pas à définir ni à distinguer. Une démarche inutile étant donné que dans la position où il se trouvait il ne pouvait reconnaître personne. Une marée de chapeaux sobres, à peine perceptibles dans l'atmosphère sombre, entravait sa vue. Pendant que l'assistance chantait en chœur quelques passages de la Bible, Frédéric admirait le dôme construit des bois massifs et d'acier, les piliers en métaux dans lesquels étaient incrustés des bois sculptés, les vitraux d'où parvenait une lueur douce et colorée. Après la messe il se rendit sur le parvis pour attendre la sortie des paroissiens en fixant son regard sur les portails. Hommes, femmes et enfants quittaient le sanctuaire les yeux brillés par la foi renforcée, les visages souriants, la joie exprimée par un cœur gai, léger, soulagé. Chacun se donnait l'air de s'être débarrassé des pêchés qui encombraient le cœur, qui accablaient l'âme, qui martyrisaient l'esprit. Absolution ressentie par chacun dans une profonde conviction que du passé il ne restait pas le moindre remords et que le futur s'annonçait merveilleux et sans tâche. Aux regards fixés vers le ciel pour continuer à garder le contact avec l'au-delà s'ajoutait la douceur tant recherchée sur les visages ne se cachant plus derrière aucun masque, exprimant bonté, affabilité et sagesse. Les femmes, parées de leurs plus beaux habits de dimanches, certaines portaient de capelines, de chapeaux de paille, d'autres cachées sous des ombrelles se mettaient en petits groupes pour livrer conversation, pour échanger des salutations, pour profiter de cette occasion de rencontre, pour demander des nouvelles et pour parler un peu de tout. Les messieurs également dont la plupart des maris jaloux, des fils qui voulaient se faire remarqués ou des gendres curieux se mêlaient aux groupes pour animer les conversations déjà entamées dans la bonne humeur. Les enfants, filles et garçons, couraient dans tous les sens, passaient entre les grandes personnes sans faire attention, disparaissaient derrière la façade de l'église, grimpaient les escaliers, sautaient trois ou quatre marches, escaladaient les murs en poussant des cris et faisant des bruits qui égayaient la scène. Frédéric avait rencontré quelques amis d’enfance, tous mariés et père de famille, qu'il avait perdu de vue et qu'il avait retrouvé à sa plus grande joie. Il avait fait la connaissance de leur épouse qui tenait dans les bras leur enfant encore en bas âge. Il avait descendu les perrons et se tenait au milieu de la cour quand Nathalie sortait de l'église, accompagnée de sa mère, une ravissante femme d'une quarantaine d'années qui n'avait pas perdu encore sa fraîcheur. Ces deux femmes ainsi debout sur le porche ne pourraient tromper l'œil d'un observateur, tant leur ressemblance était frappante malgré la différence d'âge. Pour la première fois Frédéric savourait de ses yeux hagards et éblouis la beauté sublime de la fille dont la longue robe en soie couleur bleue ciel, à large colle en dentelles, embellissait davantage la personne et ajoutait une touche d'agrément à son corps élancé, moulé et taillé comme une œuvre soigneusement travaillée par Rodin. Entraînant à l'écart son ami Eric Rivière qui habitait le quartier il demanda : — Dites moi donc Eric, connais-tu cette demoiselle qui se tient debout là-haut en compagnie de cette dame ? — Laquelle tu veux dire ? Il y a plusieurs qui se trouvent là-haut. Celle qui porte un chapeau blanc décoré d'un ruban noir est une demoiselle Hoarau. Voilà justement le curé qui échange quelques mots avec la mère, une femme, parait-il, de tempérament que le docteur a ramené d'une province française dont je ne me souviens plus le nom. — Je m'en suis aperçu qu'elle a l'air très cultivée. Et puis quelle grâce dans ses manières ! Est-ce le seul enfant, cette ravissante fille ? — Pas du tout. Les autres se trouvent en France. Deux fils qui suivent des études à la Sorbonne et une fille, la plus grande, mariée à un banquier parisien réputé. Mme Hoarau a l'habitude de venir passer quatre à cinq mois dans l'île pour ne pas avoir à supporter le froid qui sévit en France. Elle profite de cette occasion pour s'occuper de plusieurs propriétés situées sur le littoral entre Saint-Pierre et Saint-Joseph et confiées à des colons auxquels elle se chargeait d'aller demander des comptes et de contrôler les travaux. — Elle a un sacré courage. Et que fait son mari ? En s'intéressant à l'histoire de cette famille et en posant une foule de questions à son ami Eric qui était bien informé pour avoir vécu dans le quartier depuis longtemps, Frédéric démontrait des intérêts particuliers qui éveillaient des soupçons sur les sentiments qu'il éprouvait à l'égard de la charmante fille. En écoutant son ami parler il ne quittait pas des yeux la demoiselle dont les démarches gracieuses à côté de la mère adoptant une attitude remplie d'aménité et de courtoisie attiraient l'attention des jeunes célibataires, d'hommes mariés et des femmes envieuses qui lançaient de temps à autre des œillades remplies d'admirations dans la direction, firent un signe de tête, esquissaient un sourire bienveillant. Elle délaissait peu après sa mère qui continuait à parler avec le prêtre et descendait les escaliers en soulevant légèrement sa robe qui définissait à merveille sa taille si magnifiquement dessinée dans la lumière éclatante du soleil et laissait entrevoir la rondeur de ses jambes chaussées de splendides bas de soie. Quelques boucles de ses cheveux, échappés par des mouvements brusques, suspendaient des deux côtés de ses joues empourprées par les efforts fournis et par la bouffée de chaleur qui s'élevait du sol à cette heure de la journée. Elle rejoignit quelques amies regroupées plus bas dans la cour et, sans se rendre compte qu'un admirateur assidu ne la lâchait pas des yeux et suivait ses moindres mouvements, elle se mêlait à la conversation ; une expression de joies et de bonheur se manifestait par l'emportement des unes et des autres impliquées dans le petit cercle ainsi formé. Quand une de ses amies s'approchait d'elle pour chuchoter quelque chose à ses oreilles, un secret peut-être partagé dans la discrétion, elle penchait le visage légèrement de côté et laissait apparaître des dents blanches bien rangées; ses yeux noisettes étaient décorés de cils touffus ancrés dans des arcades dessinées d'un mince filet de sourcils fraîchement épilés. Les lèvres fines et teintées de fard s'ajustaient à merveille sous le nez pointu et légèrement relevé comme celui d'une déesse grec. A l'extrémité de ses bras suspendus au long de son corps svelte et cachés sous une toile de mousseline bleu ciel, apparaissaient deux mains fines aux doigts effilés au bout desquels étaient accrochaient des ongles vernies d'une longueur raisonnable. Parfois, avec un geste machinal, sa main ajustait quelques boucles déplacés par une brise capricieuse pour entraver sa vue. C'était alors qu'elle remarqua plus loin Frédéric qui profitait de ce bref regard jeté sur lui pour faire un signe de tête à peine remarquable, tant il voulait se montrer discret. Elle affecta un air indifférent et ne laissa pas apparaître le moindre signe d'encouragement ni ne démontrait aucune faiblesse. Elle continuait à bavarder en mettant davantage de coquetteries dans ses démarches. Quand elle se retournait pour regarder dans sa direction, il comprit que c'était à ce moment là qu'elle se souvenait de lui. Satisfait d'avoir pu se faire remarqué au milieu de cette foule par la fille qu'il était venu voir, Frédéric prit congé de ses amis qui voulaient le retenir pour la journée en l'invitant chez eux. Il avait désisté sous prétexte qu'il avait quelques affaires pressantes à terminer mais s'était juré de revenir une autre fois. En faisant la route vers Saint-Pierre il essayait de se rappeler ce que son ami lui avait raconté. Le docteur Hoarau, père de Nathalie, passait son temps entre Paris et le petit village de Tampon. Ses parents étaient propriétaires de centaine d'hectares de terres qui demeuraient longtemps en friches sans qu'aucune démarche ne fût faite pour les exploiter. A la fin du siècle dernier quand le jeune Gustave, son prénom, allait poursuivre ses études de médecine à Montpelier ses parents le rejoignirent là-bas pour l'encourager. Il acheva ses études dix ans plus tard, épousa la fille d'un riche industriel de la même ville et décidait de venir dans l'île pour exploiter les terres laissées à l'abandon et pour travailler comme médecin de campagne. Installé depuis une vingtaine d'années au Tampon, il avait fait construire au début une belle maison coloniale sur une parcelle de terre située tout près de la route; plusieurs hectares de terres transformés en petits champs recouverts d'une variété de plantes destinées au commerce complétaient la propriété. Le géranium dont l'essence très recherchée avait atteint un prix record les vingt dernières années faisait partie des cultures principales. Ces plantations étaient irriguées de petits ruisseaux alimentés des eaux qui descendaient des hautes montagnes et qui poursuivaient leurs cours jusqu'à l'embouchure d'une rivière dont les berges étaient bordées d'un immense verger planté d'une variété exceptionnelle d'arbres fruitiers qui avaient fait la fortune de nombreux propriétaires parmi lesquels le docteur Hoarau en faisait parti. Le docteur Hoarau avait la passion de visiter souvent ses propriétés et de s'occuper de ses champs dont certains étaient confiés à des colons ayant une longue expérience dans l'agriculture. Économe, ambitieux, opportuniste et spéculateur avisé, le docteur Hoarau parvint, avec les bénéfices réalisés par l'exploitation des plantes de géranium qu'il avait fait son cheval de bataille et sur lesquelles reposait toute son entreprise, à épargner une importante somme d'argent qu'il avait utilisée par la suite pour l'achat de nombreuses parcelles de terre que le comte de Kervéguen vendit après sa défaite aux élections; les habitants du sud et même de l'île se souvenaient pendant longtemps des troubles causés par les partisans politiques pendant la campagne électorale et même après les élections. Grand ami du Comte, quand le docteur Hoarau constata que se mêler dans de tel enjeu politique pourrait avoir des répercussions sur ses propres affaires il se retirait discrètement en France auprès de ses parents sous prétexte qu'il avait des affaires urgentes à régler. Cela lui épargnait désormais à la fois de déplaire à un ami qui avait besoin de l'aide et de soutiens dans une pareille circonstance et d'éviter de tremper sa main dans ce rouage politique si redouté à l'époque tant elle était synonyme de fraudes, de corruptions, de violences et même de pressions. Autant soulagé se sentait-il à son retour plus tard quand il apprit avec quelle violence les élections avaient eu lieu, autant satisfait il était pour constater sa maison et ses propriétés épargnées par un peuple aveuglé par la colère. Un tel exemple lui avait décidé par la suite de vendre comme l'avait fait le comte de Kervéguen, et aussi le comte Choppy une grande partie de ses terres pour placer son argent dans d'autres affaires florissantes montées dans plusieurs villes françaises. Ses placements dans des affaires qui prenaient de l'essor, l'acquisition des immenses portions de terres productives louées à des fermiers dans les provinces, l'achats des immeubles à plusieurs étages situés dans les villes et les banlieue et loués à des particuliers, et les actions achetées dans de grandes compagnies industrielles en pleine croissance avaient mit le docteur Hoarau dans une situation financière plus que confortable. Ses enfants étaient tous assurés d’une dot intéressant qui frisait le million chacun. Le travail ne devenait qu'un prétexte pour s'occuper le temps, pour ne pas se perdre, s'ennuyer dans l'oisiveté et se créer une atmosphère insoutenable, insupportable qui aplatit le moral, qui déséquilibre l'existence si bien réglée, qui détruit l'individu. C'était pour cette raison que l'épouse du docteur Hoarau continuait à s'occuper de ses terres qui avaient été préservées exprès et permettaient de donner un sens à son existence. Elle avait eu cet amour d'exploiter ses terres depuis qu'elle avait compris combien cela la faisait du bien, la soulageait, la mettait de bonne humeur. Elle avait besoin de ce contact avec la nature dans une forme tout à fait différente, ce qui la permettait de déployer autant de vigueur qu'elle voudrait sans jamais ressentir la moindre fatigue mais entretenant tout le temps cet air jovial qui était en grande partie responsable de cette fraîcheur qu'elle exhalait, de cette jeunesse si apparente dans ses comportements, dans ses attitudes, dans ses manières et même dans son état d'esprit. Ce matin qu'elle parlait au prêtre en se tenant debout sur le parvis combien n'était-elle pas comblée de sentir les regards de beaux messieurs accrochés à sa personne anoblie déjà par les multiples actes de bienfaisances à l'égard des pauvres et des associations à caractère social et familial. Personne dans le quartier ne pouvait ignorer que Mme Hoarau, la femme du docteur, touchait à tout, se voyait concernée dans la réparation de la toiture de l'église abîmée par un mauvais temps, ou de la construction de quelques salles de l'école catholique, ou encore de l'aménagement des sentiers qui permettaient aux bonnes sœurs habitant un ancien presbytère situé au fond des bois d'éviter de longs et dangereux détours dans la forêt obscurcie par de grands arbres aux branches fortement ramifiées et dont le sol était recouvert d'une épaisse couche de feuilles sèches et craquantes.

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Une visite à Henry Payet

22 Avril 2016 , Rédigé par Kader Rawat

Une visite à Henry Payet

Une visite à Henry Payet

Frédéric savourait tranquillement dans sa chambre située à l'étage de la superbe maison de ses parents les plaisirs que lui avaient procurés les démarches sentimentales qu'il avait effectuées ces derniers jours et les joies qu'il ressentait en faisant surgir de son imagination les séquences entrecoupées de cette inoubliable matinée qui avait fixé ses sentiments à l'égard de cette belle étrangère qu'il avait hâte de rencontrer et de connaître. Il était d'une telle opiniâtreté que sans tenir compte de son milieu social, sans mesurer les conséquences de ses actions, sans se douter qu'il s'engageait dans une bataille où il risquait d'éprouver une grande déception, les jours qui s'ensuivirent préoccupèrent son temps à rencontrer les personnes susceptibles à le faire entrer en contact avec Madame Hoarau, la mère de Nathalie. Un après-midi, pendant que le soleil se déclinait au coin de l'horizon en projetant ses belles lueurs jaunâtres sur toute la partie de littorale où un chemin sablonneux, dont les deux côtés étaient jonchées des arbustes, des plantes arborescentes et de mauvais herbes, reliait la ville de Saint-Pierre à celle de Saint-Joseph, Frédéric se dirigeait dans une voiture d'occasion qu'il venait d'acheter, vers une distillerie de géranium située à Grand Bois. Il allait retrouver un vieux colon qui s'appelait Henri Payet et qui travaillait encore pour la famille du docteur Hoarau.
Henri Payet était le fils de ces pauvres blancs qui refusaient de travailler pour les autres et qui préféraient occuper une parcelle de terre par des contrats verbaux passé avec le propriétaire et qui s'appelait le colonat partiaire. Le nouvel occupant avait à distribuer au propriétaire un tiers de ce qu'il produisait sur une partie de terre qui ne lui appartenait pas. Henri Payet cultivait de la canne pour faire suite à ce que son père Joslyn Payet avait commencé cinquante années plus tôt. D'autres cultures, en particulier des agrumes complétaient une activité qui s'avérait rentable et qui permettait à ce colon prospère et travailleur de nourrir sa famille et de faire de l'économie pour réaliser des projets ambitieux ayant pour but de conforter son avenir et d'assurer sa position sociale. La petite maison construite sur cette terre démontrait combien Joslyn Payet, le père, croyait fermement que plus tard cette terre lui appartiendrait. Effectivement une proposition d'achat de ses terres occupées pendant presque une décennie faite au docteur Hoarau s'était soldée par l'établissement d'un contrat de vente dont le montant était considéré comme raisonnable par les deux parties et les années de labeur consistaient, pour la famille Payet, agrandie de plusieurs membres avec la naissance de nombreux enfants, à payer la dette contractée pour devenir à tout jamais propriétaire. Cette distillerie, équipée de plusieurs alambics, fut entièrement financée par le docteur Hoarau et située sur une partie de terre jouxtant celle d'Henri Payet. Ce dernier était choisi comme contremaître chargé à contrôler les travaux d'une dizaine d'employés laborieux que le docteur avait recrutés dans les quatre coins de l'île et qui lui étaient d'une grande dévotion. Cela fait dix ans déjà depuis qu’Henri Payet travaillait pour son compte sur ses terres et s'occupait de la distillerie qui lui permettait un gain supplémentaire qu'il utilisait pour payer les échéances de la dette qui n'était pas loin d'arriver à son terme. Le docteur Hoarau parvenait à exploiter la distillerie pendant quinze ans en envoyant régulièrement un grande partie de ses récoltes de géranium pour être distillées et lui permettait d'obtenir plusieurs centaine de bouteilles d'essence dont une partie était vendue à des prix intéressants aux marchands arabes qui abordaient le port de la Pointe des Galets dans des paquebots de Messageries maritimes. La grande étendue d'acacias qui couvrait plusieurs hectares de terres fournissait du bois nécessaire pour être brûlé sous les alambics. Les paillotes, disséminées dans la forêt plus loin, étaient les habitations des anciens engagés qui travaillaient les terres, plantaient les arbres, labouraient les champs.
Après avoir traversé le pont pittoresque au dessus d'un ruisseau dont l'eau tombait au fond d'une ravine, la voiture poursuivit sa route sur la partie côtière qui découvrait une bande de sable blanc assailli constamment par les vagues de la mer qui berçaient pendant la saison chaude de l'année nombreuses personnes qui s'y rendaient pour prendre un bain. L'usine de Grand Bois, responsable en grande partie du peuplement de la région, se pointait au loin avec sa chaume en Vacoas et, les habitations qui se trouvaient à peu de distance indiquaient déjà la prospérité des habitants du quartier, tous des travailleurs désireux de mettre au service des autres leur courage et leur bonne volonté dans l'espoir de construire une vie agréable et pleine de promesse. La statue érigée devant l'usine trompait souvent les passants qui se découvraient la tête en croyant qu'il s'agissait d'une église.
Il était bien tard quand Frédéric s'engageait dans le chemin menant vers la maison de Monsieur Payet. Le bruit du moteur attirait l'attention de deux chiens de race qui ne cessaient d'aboyer en suivant le véhicule qui continuait sa route vers l'habitation. L'ombre que projetait la maison à étage, construite tout récemment, se contrastait avec la cime de plusieurs tecks d'Arabie dont les feuilles jaunâtres étaient illuminées par les derniers rayons du soleil. Les tecks, dont le bois est de bonne qualité, furent introduits dans l'île pour abriter les caféiers de même origine. Une grande partie de la plaine détachait la maison de ces décors grandioses. Des hommes et des femmes, recourbés par une journée de travail acharné, exténués par la fatigue, le front bruni par le soleil, perlé de grosses gouttes de sueurs qui ruisselaient sur leur corps luisant, achevaient dans le silence du crépuscule les tâches commencées très tôt le matin. Le sol en pente et caillouteux fut défoncé et ameubli par la charrue. Les rigoles furent creusées dans ces terres remuées et recouvertes d'engrais, et les herbes étaient sarclées. Entre les sillons où divers instruments aratoires gisaient à même le sol, des femmes se pliaient pour déposer les morceaux des cannes, pour semer les graines, pour mettre des plantes. A côté, le contremaître, portant des bottes entachées de boue, un pantalon et un paletot kaki et un casque colonial de couleur blanche, dirigeait les travaux et donnait les dernières instructions. Frédéric longeait un enclos parsemé des écuries, d'une bergerie, des poulaillers et d'une basse-cour. Une variété d'animaux de différentes races et origines se trouvait dans cet espace limité. Un domestique accourait pour calmer les chiens et les ramener à l'arrière de la maison.
Frédéric garait la voiture sous un énorme acajou de Sénégal muni de gigantesques contreforts et dont le tronc était recouvert d’écorces en forme d’écailles. L'arbre se présentait comme un bouquet à haute futaie dont les feuilles étaient suspendues au bout des rameaux. Cet arbre fourni un extrait aqueux utilisé autrefois pour lutter contre le paludisme parce qu'il contient de la quinine; l'on guérissait également les maladies de la peau telles que varicelles et lèpres; l'écorce posée en cataplasme sur les brûlures graves et les blessures agit comme un bon cicatrisant. En approchant la maison à pied par un sentier recouvert de sables blancs et bordé des vacoas, des aloès et d'une variété des agaves et des cactus, Frédéric pouvait admirer l'aspect rustique de la maison dont le toit en bardeaux, les murs en pierres de taille, la varangue soutenue par des piliers en bois de fer et décorée de mezzanines; les côtés étaient plantées des cocotiers et une rangée de filaos et de pins colonnaires complétait le décor.
Un jardin composé de plusieurs massifs plantées des marguerites, des rosiers, des tulipiers, des bégonias, séparé par des allées pavées menait vers un kiosque au chaume composée des feuilles de latanier, à une sortie vers l'est et à une autre sortie vers l'ouest. La devanture de la maison se trouvait dans la partie nord et fit face à la mer; la partie sud qui dominait un grand bassin à l'embouchure d'une ravine était clôturée par une haie haute de deux mètres et protégée des fils de barbelés fixés aux poteaux placés à quatre mètres de distance l'un de l'autre et qui firent le tour de la maison. Les autres parties de la propriété rassemblant une vingtaine d'hectares de terres étaient réparties en plusieurs parcelles de terre recouverte de diverses plantations agricoles exploitées à grande échelle et comprenant essentiellement des produits dont les cours étaient encore élevés. Dans le ciel bleu pale taché des lambeaux de nuages, au delà des montagnes, des tourterelles, des serins, des moineaux, des perdrix volaient à basse altitude pour gagner probablement leurs nids quelque part dans les hauts. Du côté de la mer des hirondelles et des pailles en queue tournaient toujours et attendaient l'heure pour rejoindre leur repaire dans des arbres situés sur les côtes et sur les flancs des falaises. A cette heure-ci Henri Payet n'était pas encore rentré à la maison. Mme Payet était venue ouvrir le portail en bois de fer couleur verte pour accueillir Frédéric qu'elle connaissait déjà. Elle le proposait d'entrer et d'attendre l'arriver de son mari. Il pourrait entre-temps siroter un bon cocktail de jus d'ananas et de mangue dont Mme Payet connaissait le secret. Il était tenté par la chaleur qu'il faisait de se désaltérer et de se reposer un peu mais le peu de temps qu'il lui restait avant que la nuit n'enveloppât la région dans l'obscurité totale ne pouvait pas le permettre de telle fantaisie. Il préférait aller retrouver Henri Payet en prenant un raccourci qui menait vers la plage et en poursuivant sa route vers la distillerie qui se trouvait deux kilomètres plus loin. Une forte odeur d'essence de géranium lui indiquait qu'il approchait sa destination. Henri Payet s'apprêtait justement à sortir quand il aperçut Frédéric qui se dirigeait dans sa direction.
Henri Payet et Frédéric Grondin se connaissaient bien pour avoir traité ensemble plusieurs affaires dont l'un et l'autre en avait tiré profit. Homme d'une cinquantaine d'année, de haute taille, corpulent, le front protubérant, la bouche cachée sous une moustache touffue, les yeux enfouis sous des arcades décorées d'épais sourcils, les pommettes saillantes, les joues imberbes, les cheveux longs et grisonnants, Henri Payet ressemblait à ces paysans dotés d'un courage exemplaire, d'une force difficilement exhaustive par des travaux assidus, d'un moral affermi par les combats durs qu'ils auraient dû mener le long de leur existence et d'une confiance installée en eux par les belles perspectives perçues pour l'avenir. Combien de fois n'avait-il pas suivi les conseils de Frédéric Grondin en préservant ses récoltes et en attendant le moment propice pour les vendre à des prix intéressants quand les cours étaient à la hausse? Et combien n'était-il pas reconnaissant envers cet homme qui sût lui permettre de réaliser de gros bénéfices dans ses affaires en refusant à chaque fois avec cette même amabilité d'accepter de récompense. Frédéric Grondin savait que toute la valeur, toute l'importance des services rendus diminuait par l'infime récompense acceptée. Il voulait tout simplement prouver qu'il était un ami, pas le meilleur peut-être, mais un ami honnête qui ne cherchait pas à tirer avantage. Il l'avait fait sans aucune arrière pensée, ni même concevoir l'idée qu'un jour lui-aussi aurait besoin de demander service. L'existence est telle que personne ne peut dire qu'il peut se passer de l'aide de son prochain.
Henri Payet n'aimait pas parler beaucoup. Ne sachant ni lire ni écrire il avait pris l'habitude dès son jeune âge de prononcer peu de mot et d'écouter beaucoup. La vie champêtre qu'il menait ne lui donnait pas l'occasion d'engager beaucoup de conversation avec ses proches. Ensuite il préférait parler dans la stricte nécessité pour éviter de dire des bêtises. Mais Frédéric savait comment le mettre à l'aise et quel sujet aborder pour lui arracher de la bouche, du fond du cœur, de son esprit tous sentiments entassés, toutes histoires enfouies, toutes connaissances renfermées et condamnées. Henri Payet était un homme fatigué par le travail, et son esprit était plutôt occupé à passer en revue les événements de la journée pour se rassurer qu'il n'avait rien oublié comme font ces travailleurs consciencieux. Il avait l'habitude, après avoir fermé le hangar où les distilleries étaient installées, de rentrer directement à la maison pour prendre un bain afin de se débarrasser de cette odeur de géranium qui collait à sa peau. C'était une odeur forte qui faisait tourner la tête de ceux qui n'étaient pas habitués à la respirer. Frédéric Grondin était lui-même gêné par l'émanation de cette odeur. Les deux hommes échangeaient les formules de politesses en s'engageant dans un étroit sentier recouvert des coraux quand l'atmosphère commençait à assombrir; le soleil s'engouffrait dans une énorme masse nuageuse suspendue au-dessus de l'horizon.
— Tu restes dîner ce soir, Frédéric. Il n'est pas question que tu reprennes la route tout de suite. Je profiterai pour te faire goûter une spécialité que je viens de mettre au point.
— Bah! Encore ces liqueurs que tu fabriques avec le jus de la canne! Je ne tiendrai pas le coup. C'est trop fort. L'autre fois j'avais à peine commencé à boire que ma tête s'était mise à tourner. Je t'en supplie. Surtout pas ça.
— C'est pas du tout pareil. Tu verras, c'est plus léger, plus raffiné et le goût est différent. Tous ceux que j'ai fait goûter l'ont apprécié. Ensuite ils m'ont demandé la composition. Ils ne sont pas si bêtes.
— Évidemment, si c'est pour t'attirer des ennuis, vaut mieux rester en dehors de tout ça. Tu connais bien combien de contrebandiers se font attraper tous les jours et quelle punition leurs sont réservée? Tu as bien fait de ne rien dire. Tu imagines si une seule fois ton nom est prononcé ou cité auprès des hommes de loi? Tu seras à tout jamais emmerdé.
— Attention. Ce n'est pas du rhum, ni cette espèce de l'arak pour lequel les fabricants sont si sévèrement réprimée par la justice. Le mien est du vin de la canne, donc moins agressif et avec une saveur qui rend la consommation agréable et son goût léger et doux est très apprécié. Justement j'ai l'intention de le mettre sur le marché et d'en garder l'exclusivité. Tu sais Frédéric, j'ai mes petits secrets et avec l'aide d'un pharmacien retraité rencontré à Saint-Joseph des multiples expériences ont été faites et ont permis de fabriquer une boisson qui pourrait se vendre bien.
— Tiens, tiens. Tu as l'intention d'enivrer toute la population avec ton vin pays. Tu auras des milliers de litres à fabriquer alors. Je prendrai bien un peu de ton vin ..., dis donc tu dois trouver un nom pour l'appeler ce vin si tu veux le commercialiser.
— J'ai pensé au vin de Bourbon. Qu'en dis-tu?
— Pas mauvais du tout. C'est un nom qui rattache parfaitement le produit à son pays. L'île fut bien appelée Bourbon autrefois et la canne à sucre a toujours été parmi ses cultures principales. En ce qui concerne le vin de Bourbon, je te donnerai mon avis quand j'aurai goûté. Pour l'instant je ne peux rien dire.
— Très bien. Maintenant Frédéric, dis moi. Que me vaut l'honneur de ta visite? Si tu es de passage dans la région et tu as eu l'envie de me voir, cela me fait grand plaisir. A moins que tu te rends à Saint-Joseph chez des parents.
— Pour te dire franchement Henri j'ai à te parler d'une affaire personnelle. Mais comme il n'y a rien qui presse j'attendrai que nous trouvions un endroit discret pour t'en parler. J'accepte volontiers ton invitation à dîner si cela ne va pas déranger Mme Payet.
— Tu parles de dérangement seulement en partageant notre repas! Tu sais très bien que mes enfants sont tous mariés et sont allés vivre en ville. Ici, dans cette maison il ne reste que ma femme et moi et mon vieux père de soixante-quinze ans qui est presque cloué dans un fauteuil. Rodiguez, le fils d'un fidèle domestique s'occupe de lui matin et soir. A cette heure-ci il est déjà couché. Il a gardé cette habitude de se coucher en même temps que le soleil.
En approchant la maison par le sentier qui longeait la plage, les deux hommes pressaient les pas pour ne pas se voir dépassés par l'obscurité qui enveloppait la région à grande vitesse. Mais avant de pénétrer dans le jardin, Henri avait remarqué la voiture rangée sous l'arbre.
— C'est ton nouvel engin?
— Oui. Je viens de l'acheter à un ami du ministère des ponts et chaussées qui rentre en France avec sa famille. Je lui avais trouvé de bons acquéreurs pour ses meubles de grandes valeurs et du temps de la Compagnie des Indes. Ensuite pendant longtemps nous entretenons de bonnes relations. Quand son père se retrouvait pour la première fois à la Pointe des Galets avec sa femme et deux petits enfants, c'était mon père qui les avait aidés. Ils étaient perdus et ne savaient où aller. Père les avait trouvé un logement et s'était occupé d'eux jusqu'à ce qu'ils s'étaient fixés quelque part en ville. J'ai connu le fils bien plus tard. Son père l'aurait assurément mis au courant de cette histoire. Un lien permanent s'est établi entre cette famille et la notre. Il avait voulu faire preuve de reconnaissance en me vendant sa voiture à un prix raisonnable. A vrai dire je n'étais pas intéressé à l'acheter. Je lui ai fait comprendre qu'il pourrait tirer une bonne somme mais il avait absolument voulu que je gardais un souvenir de sa famille et avait insisté pour que j'achète sa voiture.
— Ce n'est pas du tout une mauvaise affaire que tu as faite. Premièrement tu pourras venir me rendre visite de temps à autre. Ensuite, le travail que tu fais nécessite un moyen de locomotion. L'inconvénient est que tu dois éviter de l'utiliser la nuit. La route est incertaine et dangereuse et les chemins ne sont guère en bon état. De ce fait bien évidemment tu passes la nuit ici et reprendra la route si tu le désires demain. Je ferai également préparer une chambre pour ce soir. Ainsi nous aurons tout notre temps et nous pouvons parler jusqu'à fort tard.
— A vrai dire j'avais cru pouvoir atteindre Saint-Joseph à la tombé de la nuit en passant une demi-¬heure chez toi. Mais je me suis trompé. Je te remercie de l'hospitalité mais j'aurais aimé avoir l'accord de Mme Payet.
En pénétrant dans la maison, Henri alla retrouver sa femme et l'avertit qu'il y avait un couvert de plus pour le soir et une chambre à préparer à l'étage. Il y avait un invité. Mme Payet avait déjà prévu le couvert et allait justement demandé à son mari de retenir le jeune homme pour la nuit. C'était déjà fait. Suzanne était prévenue. Suzanne était la bonne qui travaillait chez les Payet depuis qu'elle était bien jeune. Elle était la fille d'un couple d'engagés indiens qui travaillaient dans les champs des autres propriétaires qui habitaient de l'autre côté de la rivière. Henri Payet, une fois en passant devant une de ces paillotes qui abritaient ces engagés, avait remarqué sur le pas de la porte cet enfant malingre, maigrichonne et abandonnée. Il avait parlé à ses parents qui avaient accepté de lui remettre l'enfant destinée à travailler dans la maison contre de la nourriture, hébergement et une vie saine. Ce couple d'engagés étaient contents d'apercevoir qu'un de leur nombreux enfants avait trouvé un toit et n'en demandaient pas plus. Ils venaient de temps à autre prendre de ses nouvelles et aperçurent à chaque fois qu'elle s’embellissait et devenait plus belle. Ils retournèrent vivre dans leur paillotes le cœur rempli de joie et l'esprit tranquille. Henri Payet les récompensait souvent des graines, des légumes et des fruits. Pendant que Frédéric attendait sous la varangue, Suzanne se présentait avec un plateau artisanat fabriqué des feuilles de vacoa tressées sur un carton dur en forme rectangulaire, et contenant une carafe remplie de jus de fruit, un grand verre et une petite serviette à éponge.
A dix-huit ans Suzanne était une jeune fille épanouie. Un corps élancé se cachait sous des vêtements modestes; la peau lisse et huilée était brunie par le soleil; de grands yeux marron foncés brillaient d'affections que ses patrons la couvraient; de longs cheveux noirs et luisants dépassaient les hanches; elle reflétait bien ce personnage d'aspect asiatique dont les manières douces et mesurées, le caractère docile, le comportement habile et l'intelligence raffinée donnaient une apparence améliorée et remplie de qualités. Suzanne déposa le plateau sur une table ovale en bois. Un fanal accroché à la poutre par une chaîne permettait d'étudier ses démarches qui laissaient échapper certaines grâces que seules les femmes en connaissent les secrets. Elle avait en plus une voix douce quand elle demandait:
— M'sieur veut que je lui sers tout de suite?
— Non, merci.
— Si M'sieur désire autre chose, je suis juste à côté.
Frédéric attendait que Suzanne disparaisse derrière la porte pour tourner ses regards vers le ciel afin d'admirer les multitudes étoiles qui brillaient. Entre-temps, Henri Payet était allé prendre son bain, changé de vêtement et se présentait un peu plus tard comme une personne soulagée, fraîche. Frédéric tenait dans sa main un verre de jus à moitié rempli et se tournait vers son ami quand ce dernier appela Suzanne qui accourait et se présentait devant la porte:
— Oui patron.
— Va dans la cave et emmène moi une bouteille de vin rangée sur les étagères au fond. Fais vite petite et ensuite prends deux verres quand tu passes dans la cuisine.
— Oui patron.
— C'est une fille superbe. J'ai déjà trouvé un jeune homme travailleur pour la marier. Je lui ai parlé et il est d'accord mais je préfère attendre encore un peu. Je pense aussi. Sans elle comment est-ce que nous allons faire? Elle est comme notre propre fille. J'ai déjà pensé de la donner cette maison qui se trouve tout près du bassin. Elle est encore en bon état et n'est pas loin d'ici. Elle pourra venir travailler chez nous. Son futur mari s'occupera des terres. Je leur donnerai une parcelle de terre pour qu'ils puissent planter, élever des animaux et vivre. Bien, maintenant je suis prêt à t'écouter. Qu’as-tu à me dire de si personnel.
— Et bien il s'agit de la fille de Mme Hoarau, l'épouse du docteur, ton ex-propriétaire.
— Mon ex-propriétaire et mon patron. Puisque je m'occupe encore de ses distilleries. Et qu'est-ce qui se passe avec sa fille? Ne me dis pas que tu es tombé amoureux d'elle.
— C'est justement le cas.
— Et qu'attends-tu de moi?
— Présentez-moi à cette famille.
— Te présenter à cette famille? Il faut que je trouve un bon prétexte. Et si tu veux être un bon prétendant, tu as intérêt de faire bonne impression la toute première fois. Mais je ne promets pas que tout puisse se passer bien. Si tu veux être présenté, ce n'est pas vraiment un problème. Il y existe tellement d'occasions que ce n'est pas cela qui va nous manquer. Et tu as intérêt de te mettre sur tes gardes et d'être sûr où tu mets les pieds. Je connais cette famille de longue date et tu dois toujours t'attendre à des surprises.
— Et si tu me parles un peu de cette famille que tu connais si bien, peut-être que je comprendrai davantage ce que je dois faire.

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