Une source de distraction

Une source de distractions
Situé entre la ville de Saint-Pierre qui s'étend au bas sur le littoral et faisant face à la mer, et la Plaine des Cafres en haute montagne le village du Tampon de l'époque, renommé pour ses cultures de géraniums et autres plantes aromatiques gardait encore cet aspect terne et mélancolique, souvent pendant l’hiver enveloppé dans un épais brouillard que les rayons doux du soleil parvenaient avec peine à dissiper. Les maisons, remarquables par le style colonial avec varangue et jardins fleuris, étaient un mélange d'architecture française et africaine que les récents habitants de la région avaient su faire adapter aux conditions climatiques capricieuses de l'île. En retrait et à distance respectable de deux côtés de la route qui menait au village, ces maisons, à toitures basses en bardeaux coupés des bois de tamarins ou en tôles ondulées galvanisées, étaient pour la plupart cachées derrière une épaisse végétation qui donnait en permanence une fraîcheur agréable aux habitants. Leurs principales activités consistaient à embellir un jardin des boutures donnant les plus belles fleurs, à cultiver un potager se trouvant à l'arrière de la maison ou à s'occuper plus loin d'un verger planté, avec le plus grand soin, d'une exceptionnelle variété d'arbres fruitiers chargés des fruits juteux pendant la saison chaude de l'année. Le chemin encore en terre qui grimpait la route des six cents était sillonné par les roues des charrettes à bœufs chargées des cannes, et des calèches transportant des visiteurs qui traversaient le village en portant leur regard admiratif sur les vestiges laissés par le comte de Kervéguen, ancien propriétaire d'une grande partie de la région dont l'usine désuète, l'église en bois et le cimetière rappelaient encore le nom. Lieu de carrefour entre la ville plus bas et les plaines verdâtres et humides dans les hauts, à mi-chemin entre la chaleur accablante du littoral et le froid intense des montagnes, le Tampon, autrefois une forêt dense et un lieu de refuge des noirs marrons, connut à la fin du dix-neuvième siècle un accroissement de population. Ils étaient tous attirés par les conditions climatiques favorables, par l'atmosphère agréable et reposante, par la végétation considérablement diminuée par des bûcherons habiles qui permettaient à ceux qui voulaient s'installer dans la région d'utiliser les bons bois de la forêt pour construire de belles et solides maisons à étage qui pouvaient résister au vent violent des cyclones. De ces petites parcelles de terre vendues par le Comte de Kervéguen s'élevaient de grands champs de géranium rosat, plantes desquelles l'on obtient une essence coûteuse utilisée à fixer les parfums. Obtenus par distillation dans de petits alambics que les bois des acacias brûlés chauffaient, cette essence très recherchée et qui se vendit très cher fit la fortune de nombreux propriétaires dont les principales ressources y dépendaient. Même après la cuite la fumure des géraniums était utilisée comme engrais pour les autres cultures nécessitant une terre riche et constamment entretenue. Ce modeste quartier du sud acquit au début du XXème siècle une notoriété publique évoquée par les crimes abominables perpétrés par Sitarane, Saint-Ange Calendrin et Emmanuel Fontaine, tous les trois arrêtés, trouvés coupables et condamnés à mort malgré que seul Calendrin fût gracié à la consternation de la population par le Président de la République tandis que les têtes de deux autres bandits tombaient à leur grand soulagement. Frédéric Grondin avait grandi parmi ses quatre frères et ses trois sœurs, tous ses cadets dans une modeste maison créole située au cœur de la ville de Saint-Pierre. Pendant son enfance il se rendait souvent dans la station balnéaire, petit port où il rencontrait des pêcheurs qu'il accompagnait dans un bateau à voile quand la mer était calme pour leur regarder attraper des cabots de fond, des rougets, des vièles, des crabes, des langoustes, des capitaines ou des empereurs. Il s'intéressait depuis son très jeune âge à toutes les activités qui lui permettaient d'avoir de la vie une vision générale et vaste. Il avait compris combien ses parents eux-mêmes se débattaient pour parvenir à nourrir et à élever tous ces enfants qui n'avaient aucune raison de se plaindre. Chacun de leur côté, en grandissant, avait choisi de faire le travail qui leur plaisait sans que les parents ne les obligeaient. Ainsi, les filles qui avaient atteint l'âge de la maturité se détachaient, s'éloignaient de la maison paternelle pour exercer dans différentes villes des activités qui leurs permettaient de gagner de l'argent et d'organiser leur vie. Certaines avaient trouvé leur bonheur en épousant des garçons sérieux et travailleurs qu'elles avaient rencontrés et avec lesquels elles menaient une vie sans histoire. Elles étaient toutes d'une beauté telle que même qu'elles étaient d'un milieu modeste et d'une intelligence moyenne elles étaient convoitées par des gens d'un rang élevé et de conditions meilleures. Les bonnes familles pauvres qui construisaient leur vie à la sueur de leur front et qui se mettaient à l'abri de toutes souillures n'étaient pas ignorées ni dénigrées dans la société. Les gens avaient tendance, en toute honnêteté et avec probité, de se rapprocher pour établir un lien durable qui pouvait justifier l'amour et marquer la valeur humaine transcendante. Frédéric Grondin, en homme d'affaire avisé, en un travailleur perspicace et acharné, ne pouvait mesurer la gravité de sa décision quand, un matin, il se dirigea vers le village de Tampon pour se renseigner et même pour chercher la fille qu'il avait entrevue la dernière fois qu'il s'était rendu dans le quartier. Ainsi la seule vue d'une personne avait pu déclencher dans son cœur un sentiment que seul l'amour pouvait en être responsable. Suivant son instinct à la lettre sans même raisonner il se présenta devant une maison à étage, ombragée de grands arbres importés. Quelques tecks, des chênes, des acajous et des araucarias formaient un gigantesque mur de protection et un bouclier naturel contre le mauvais temps. Un mur en pierres de taille, en haut duquel étaient fixés des solides grillages en fers forgés et pointus aux extrémités atteignant deux mètres, était recouvert par place des mousses et des lianes et était bordé des azalées, des bougainvilliers et des palmiers multipliant; un portail blindé à double battant accordait une mesure de sécurité à l'enceinte et indiquait les précautions nécessaires prises contre toute personne malveillante qui fréquentait le quartier. L'âme de Sitarane planait encore dans la région. Frédéric pouvait à peine deviner ce qu'il y avait de l'autre côté de ce mur. Il avait cogné plusieurs fois en écoutant un chien de garde aboyer à chaque fois avant d'entendre la voix lointaine d'une femme qu'il supposait être la domestique. Il entendit un léger cliquetis et vit s'ouvrir une petite fenêtre à travers laquelle il pouvait distinguer un visage brun et rond et des lèvres épaisses et vermoulues. Ce devait être la bonne. Il voulait savoir si une jeune fille aux cheveux châtains, au teint clair avec des yeux noisette habitait bien là. – Mamz'elle Nathalie. C'était le nom qu'elle avait prononcé. Elle était bien là mais quand elle lui demandait qui elle devait annoncer il ne savait quoi dire mais s'était ressaisi et avait tout simplement dit qu'il y avait une visite pour elle. Pendant qu'il attendait avec une certaine assurance sans laisser apparaître aucun signe d'inquiétude, il revoyait dans son imagination le plan qu'il avait concocté depuis plusieurs jours. Il ne décelait aucune faille et reposait toute sa confiance sur les premières impressions qu'il allait laissées. Quand de nouveau la petite fenêtre s'ouvrit c'était un joli visage de la Madone qui s'était apparu et lui donnait un choque. Apparu dans cet encadrement comme un tableau de Raphaël accroché au mur, ce visage, encore plus vrai que la peinture de ce grand artiste, considéré avec le plus grand soin et une toute particulière attention par Frédéric, paraissait tellement radieux et merveilleux que ce dernier avait les yeux à jamais fixés dessus et voulait demeurer ainsi pour toujours quand il fut retiré de son état de transe par ces paroles prononcées avec douceur — Oui, monsieur. Vous voulez me parler ? — Vous vous appelez bien mademoiselle Nathalie ? — Oui. Mais je ne vous connais pas. — Et bien non. Je m'appelle Frédéric et un de vos parents que j'ai eu l'honneur de rencontrer en ville en ma qualité de représentant m'a recommandé de venir vous présenter quelques échantillons de chapeaux de dernière mode et des toilettes qui seront susceptible de vous intéresser. J'ai emmené avec moi des catalogues que je me ferai une joie de vous présenter sans aucun engagement de votre part. Je suis absolument certain que vous ne serez pas déçue en jetant un coup d'œil à ces marchandises dont tout le monde en raffole actuellement. Je dois vous avouer qu'il me reste encore une quantité limitée et, si vous décidez d'acheter, je pourrai vous réserver quelques uns en priorité. — Je ne sais pas trop, Monsieur. A vrai dire ce n'est pas moi qui fais les achats des mes toilettes. D'ailleurs, des chapeaux, j'en ai suffisamment et ne les portes que les dimanches pour aller à la messe. Ensuite je ne peux pas vous recevoir pour des raisons personnelles. Je regrette de ne pouvoir être utile dans vos démarches. Je ne tiens pas à vous faire perdre votre temps et vous prie de bien remercier ce charmant parent qui a eu un pensant à mon égard. Adieu monsieur. — Attendez, je vous prie. Accordez-moi une petite minute. Peut-être j'aurai plus de chance avec vos parents. A quel moment puis-je passé pour les rencontrer ? — Puisque vous insistez vraiment, passez en fin de semaine. Vous aurez plus de chance de les rencontrer. Mais je crains que ma mère ne s'intéresse à tout cela. Vous pouvez essayer tout de même. Adieu monsieur.
THE WIFE AND THE CONCUBINE
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THE WIFE AND THE CONCUBINE
The immigrant’s arrival
In the summer months at five o'clock the day starts to become clear. A liner rang three times its siren to announce its entry in the port of Pointe des Galets. An hour later, when the sun began to rise, the first passengers left the ship anchored offshore to embark on the small boats waiting for them to take them onto the quay.
This was the time when many people in search of a stable life, an ensure future, a peaceful and quiet corner, came into the Island. Among the disembarking passengers, a twenty year old young woman held by the hand her five year son. She had a fragile constitution and a cautious look, taking with hesitation and distrust her first steps in a world that she discovered with enthusiasm and admiration. Her behavior wasn’t too comfortable, knowing that she was in a cultures and civilizations crossroad, and she better be vigilant and careful. She wore a brightly colored sari for the occasion, the only decent clothe she found in her stuff packed in an old trunk. She wanted to make a good impression as she passed by the customs. Her head was half covered with a shawl, revealing a thick smooth and glossy hair, falling to the waistline. Her face was not as fresh as it should be, her features were marked with fatigue from the travel, and her forehead wrinkled by her worries about the future. On the other hand her light brown eyes, surmounted with long eyelashes and thick eyebrows, kept their softness and showed that she was in control of the situation. She was among the few women of her time who weren’t afraid of long journeys and agreed to take the associated risks. She had chosen this particular destination willingly, she had placed all her hopes in this island that she already called ‘the island of hope’, and greatly aroused her interest and curiosity during her journey. The island she was approaching for the first time was no longer a mystery. She was confident that her life would be quite different from the one she had known. Since her childhood, she was accustomed to witness scenes of violence and to live in fear, anxiety and worry. Her father was a merchant in the village of Gugerat, where she was raised among many brothers and sisters, all of them eventually married and gone to live where their destiny led them to. She married, at the age of fifteen, a local grocer and soon gave birth to a son. The two children, she subsequently gave birth didn’t survive to childhood diseases that raged in the region at that time. This affected her morale in such a way that she remained, for a long time, struggling against a depression that almost made her lose her mind. One morning, while her husband headed to his shop, located in one of the city main streets, he was beaten to death by some angry demonstrators who crossed his path. He was a man who gave all of his courage working hard to feed his wife and child. He had always been on good terms with the people of his neighborhood and never interfered in politics or in conflicts between the communities. He always kept himself away from the spotlight and led a life too discreet to have enemies. But on that given morning, a few attackers had crossed his path and ended his days. His wife, hearing the news, shouted and cried for a long time realizing she had lost the only man she ever loved. She felt immediately his absence and his importance to her, already thinking about a future that wouldn’t be easy with a son to raise. The community counted that day twenty dead and hundreds injured. The situation had become quite serious. Their existence had become a living hell and the population lived in insecurity and fear. Death kept an eye open for everyone. Everyone was concerned in taking their destiny in their own hands. Ms. Ghanee, now a widow, and her son, Abdel Rajack, had absolutely nothing to keep them in this village reduced to a battlefield where houses were ransacked and burned, and families brutalized, scattered and decimated. She fled with her son on the same night they buried her late husband. She went to Bombay, where she spent several days shedding tears and healing her wounds. She was living with some relatives, who had taken pity on her misfortunes, and kindly lodged her until she decided how to face the future. She thought a lot about her wretched fate, her destiny which until then didn’t spare her from misfortunes and calamities, on the hard times she went through with people who didn’t cease to struggle in a life of misery and suffering. She hold her only son tightly in her arms, imploring God to remove them from that place where life had a bitter taste, where the existence was so painful and unbearable that only death could bring relief and deliverance. She had decided to flee on the cause of her son. He was her sole reason for living. She was ready to give up everything for him. She didn’t want to see him grow up in the midst of conflict and turmoil. She also thought about the constraints of leaving everything. But she had no other alternative. It was in the utmost resignation and sadness that she left behind her family and property, to embark with her son in the first ship leaving the country.
During the journey she met some people that she kept telling them her woes to ease her heart and provide a likely reason for that journey. She had learned a lot about the human misery and showed concern about the future. She, somehow, had become aware of her situation and comprehend that she expected hard battles to fight in the coming days. From now on, and during this long journey that lasted for months, she had sympathized with many families and met many Indian women, also embarking on this voyage to avoid the misery they had known for so long. They were able to share their pain and recognize that they weren’t the only ones to have endured a hard life. They grouped together in a supportive assembly allowing them to experience hope in a better future. When Mrs. Ghanee was alone at night in a dark corner getting ready to sleep, she was assaulted, at times, by the exceptional sequences of her life and obsessed her to the point of making her sick and miserable. She said that life could be solely a succession of misfortunes and suffering. She didn’t want to witness anymore traumatizing and shocking episodes. She had seen more than enough in the few years she had lived. The flight, the distance, escaping this uncertain and painful life was the sole reason she had to get out of this uncomfortable situation. She hoped to regain confidence in life, and even if it meant making huge sacrifices, she was ready for the challenge. On the ship carrying her to her new destination, whenever she struggled with dreadful thoughts, she went seeking refuge with her friends for comfort. Many of those women were still unaware of their destination and what to expect on arrival. They preferred living in such state of mind, hopefully wishing that their living conditions would improve. They had, a long time ago, realized that they had nothing to lose, and that the risks of engaging a migration would worth it. They weren’t deceived and, at the time, there were a few good destines for asylum, waiting for them with open arms.
Mrs. Ghanee never remained alone during the hot and suffocating days. She always searched for companionship and had terror of solitude. This was the reason why she constantly waged conversation with people she had just met. That also led her to start a friendship with a young Hindu woman as fond as she to talk about the past. Sometimes they felt the wish to explore the bygone time, in their minds, which was of great importance to them. They were so tied up with this precious past that their present lives greatly depended on it. A past evoked at times with joy and other times with nostalgia. Mrs. Ghanee hasn’t taken long to win her confidence after confiding her life in detail. Her name was Ranubenjee and showed herself very outspoken when Mrs. Ghanee questioned her about her own life. It was as if she was in need of a confident given the amount of memories in the heart to share. She began to confide in her in this way.
"Since the English came settling in India, bringing with them their traditions and culture, our existence has been submitted to huge changes. Our life is trapped in a mesh that prevents us from reacting. We left ourselves to be dragged to whatever destiny. I prayed to all the gods: Brahma, Ganesha, Vishnu, Krishna, Rama. When I was still quite small, I rested in the temples with my parents and with some people seeking to ease their suffering. I must have been only eight years old when I lost my parents in deplorable circumstances. I found myself all alone in a small village. People said I was miraculously saved in a flood that swept away my parents and siblings. An old woman who had found me on the river margins looked after me before she fell ill. She died in my arms, close to a temple, while I was trying to make her drink a sip of water. I cried all night in front of her lifeless body, which I saw being cremated in a wooden pile, by the village population the day after. All these events were indelibly marked in my memory in such a way I’m unable to forget.”
And all of those who get her acquaintance during the journey couldn’t ignore the way she continued to live her life all by herself.
When Mrs. Ghanee found herself, a few weeks later, on a sunny morning, in the Port quay of Réunion Island, she was completely lost amidst a crowd of people from diverse backgrounds. The weather was pleasant. Some passengers were descending the stone stairs connecting the customs building to the courtyard stretching below; they threw themselves into the arms of their parents who were waiting for them, letting out long sighs of relief, peals of laughter and tears of joy. Mrs. Ghanee sought with her fatigued eyes the people she had met during the journey and that she would be able to recognize in the crowd. She found them happy, cheerful and smiling on cause of reuniting with their parents, their relatives and their friends. She couldn’t help it but to but share their joy, even she felt herself somewhat abandoned and alone. She comprehended that the time wasn’t appropriate for her to go ask for their assistance. She preferred to wait for a bit. A few people that she had the courage to address, during the journey, had promised to take care of her, the moment they arrived at the island. She kept hoping that it wouldn’t be long that she would be taken into consideration. The ladies from high society, dressed in long robes with joyful colors, protected by parasols marched before her with their luggage carried on the heads of the coolies that preceded them. Mrs. Ghanee held Abdel Rajack by the hand and withdrawn to a quiet corner. She exchanged a few words with some women of Indian origin, gathered a short distance away, to await the arrival of their families. She presented herself as the Mrs. Fatema Ghanee, widow, but when she noticed that no one was interested in her, she began to lose her patience; she would made the necessary inquiries to find a hostel or a guesthouse in the city.
She was completely lost in the crowd. She thought she could depend on the people she met on the ship, which had promised to help her as soon as they disembarked. In any case, she didn’t pass unnoticed. Many of the people she had met on the liner approached her, to reassure that they would look after her, as soon as they finished greeting their family and friends and collect their luggage in that uproar. She thanked them and waited patiently. She was happy, at last, to see that her friends hadn’t abandoned or forgotten her. She had lost a lot of time gathering her trunks and suitcases. She had difficulties finding coolies to bring down her suitcases and other luggage. She soon discovered a new world, with different habits and traditions. She already knew that she had a lot to learn to be comfortable in this new society. It would take some time. But didn’t she have the whole time ahead of her? She could spend it preparing her child's future. She was armed with patience and such confidence that she never lost her courage and hope. Her face expressed an absolute confidence that the Lord wouldn’t abandon her.
As she stood serene like that, under a breadfruit tree near to her luggage, enjoying the gentle shadow and the light breeze just aroused, a man of a certain age squeezed his way with difficulty through the multitude, staring at the Indian women and addressing them to inquire if they hadn’t seen a young woman accompanied by her young son. He seemed to be acquainted with all of them and stopped each time, exchanging a few polite words about the journey, and asking for news of family and friends from the land they came. Before he finally arrived at the person he was looking for, he had to wander through the quay for several times, without showing any sign of fatigue or discouragement. He explained, every time, that a young woman and her son had just disembarked on the island and they didn’t know where to go. He had heard the news from some people who had warned him of such situation, and knew that his assistance in such cases had always been valuable. When he stood before Mrs. Ghanee he was astonished by her beauty and youth. Someone less knowledgeable than him could be shocked to see a woman, alone with a young child, pleased to travel the world unaware of the dangers they faced. He knew that the reasons that drove people to embark in such a venture could be diverse, and that was unnecessary to search for a valid justification for such an endeavor. He appeared before her as a Good Samaritan. He spoke very well Gujratie.
“Are you well Ms. Ghanee, isn’t it?" Asked Mr. Soleman Vidat, looking at the same time to Abdel Rajack, who got closer to his mother and was holding her by the waist.
“Yes, sir.” Replied Mrs. Ghanee, confused.
“I heard from friends, that I just met again, that you travel alone, coming for the first time on the island and not knowing anyone?”
“That is correct, sir. Except that I'm accompanied by my son." Replied Mrs. Ghanee, lowering her eyes and caressing the head of Abdel Rajack.
“Lovely child. You had an enjoyable voyage, I hope? You look tired. That’s common. You're not accustomed to. I'm Soleman Vidat. I came here to see what I can do for you, Mrs. Ghanee. I know nothing of your story, but I can assure you that you won’t be unhappy here.”
“That’s reassuring, what you say, Mr. Vidat. I'll be more than happy, at first, to find a house not too expensive.”
“I would be most happy to find you something nice. Please follow me to the car.”
Mr. Vidat pointed to Mrs Ghanee the direction to take and stopped often along the way to exchange a few words with the people crossing by.
While Mrs. Ghanee squeezed through the crowd, heading for the exit, Mr. Vidat called out a few coolies and gave them orders to carry the luggage. Abdel Rajack followed them not dropping his eyes from her mother disappearing in the human tide.
A few minutes later Mrs. Ghanee, Abdel Rajack and Mr. Vidat were installed in a car driven by a driver of an advanced age. A beautiful landscape revealed itself under a blazing sun, whilst the gentle shadow of big banyan trees in the Plaine d’Affouches, and tamarind trees were the preferred shelters of children playing in the dirt, and of exhausted men by the unremitting work in the fields and farms. To add to this scenery, in the distance stood wooden houses with metal sheet roofs and straw huts, scattered throughout the landscape, sometimes hidden behind tall bushes, markers of the presence of people condemned to live a difficult, hard, and miserable life. Mrs. Ghanee couldn’t comprehend it all at once. The history of the country settlement couldn’t, in any way, affect her, as she was completely unaware on the manner the island was inhabited, and what men had to fight in order for peace, serenity, security and harmony to be the first impressions of a foreigner travelling through the region. Mrs. Ghanee was fascinated by the beautiful colonial houses that lined the symmetrical city streets. The pathways were mostly bordered by freestone walls, covered with moss and lichen; the gates were painted white or gray, with pointed tips erecting upwards in reminiscent of Gothic architecture. The green space was decorated by a turfed flower garden where a palm tree with fan like leaves and blazing red dark foliage, valued the exotic look of the island. The balcony was often hidden under the gentle shade of large trees presenting buttress like structures, with robust trunks and highly cleft horizontal branches, defying the warm weather season storms, while guaranteeing freshness. Large natural bouquets formed by palm trees from Madagascar, and planted next to the balcony, added to the sumptuous decor of the courtyard, embroidered with an outstanding variety of flowers.
“Mrs. Ghanee,” said Mr Vidat, “we will go straight home. You'll meet my wife and my children.”
“That's very kind of you. Are you sure it doesn’t cause you any inconvenience?” asked Mrs. Ghanee.
“If it causes me inconvenience? Not at all. We are accustomed to welcome people who arrive at the island and don’t know where to go next.”
“Actually this is a great relief for a traveler who arrives crumbling down into the island, without expecting to find someone like you. I don’t know how to thank you for your invaluable help.”
“You don’t need to thank me. It’s quite natural to provide assistance to fellow men in need. And take my word, I’m not doing this for money.”
“You mean that you don’t wish me to pay for your services. If that’s the case I won’t feel comfortable and I’ll be obliged to decline. You know, it may be the case that I find myself in this situation, but I can’t imagine benefiting from your involvement without paying you what you’re entitled. That’s impossible. It would, of course, be a pleasure to meet your wife and children, but I can’t impose myself into your family so unexpectedly. I thought you had a room for rent that I would pay honorably. I don’t wish to feel in dept with you after your help.”
“Not at all. You will be in dept of nothing. I understand you quite well Mrs. Ghanee. I wouldn’t do anything different if I was In your place. But here, in this country, you will soon find out a lot of ripping things. It is a matter of habit. When I came settling down in this island, I was also confronted with situations that don’t fit to my way of living. You too are a countrywoman who, as myself, was accustomed to a quite different culture from what you’ll find here. We shouldn’t complain, in a manner of speaking, of this state of affairs for too long, in our own best interest.”
Mrs. Ghanee made no objection, nor did she want to engage herself in a pointless discussion that would lead nowhere. She felt, deep inside, overwhelmed by an unspeakable satisfaction that she managed to hide with great difficulty. It was, still, far too premature for her to express her joy. She didn’t even want to think too much about it. In fact she could hardly believe that everything was working out, and that she had no reason to worry about what to expect in the near future.
All the concerns that she had, in the last time, were cleared and been replaced by a feeling of relief upon hearing Mr. Vidat best intentions.
The Muslim community of Port city comprised some twenty families, coming from modest backgrounds and all originated from honorable parts of northern India. These families had settled in the main streets of the city, doing business, the only occupation they knew. Their living conditions were not enviable, at best.
Their situation seemed precarious also on cause of their recent arrival in the country. Their relations were strengthen by a spirit of solidarity and a place to pray, a mosque whose minaret dominated much of the city, allowed men to meet regularly attending the compelling five day prayers. Some came to comfort their social status, struggling day and night in a hard and relentless work.
Mr. Soleman Vidat was considered to be among those who had some means. A well-known character in the city, he had a strong personality and was appreciated and respected, not only by ordinary population but also by people in high places. He spoke French well and was a good companion. He always wore a Turkish cap on his head. His face was tanned and his eyes filled with kindness and wisdom. He had the custom of welcoming, in his home, countryman he met by chance, seeking for housing; and he also helped others who knocked on his door asking for hospitality. He was cherished for such assistance. He never asked for money. He had installed a number of guest rooms, at home, with the sole purpose of accommodating those in need. Several employees worked for him, in workshops set up in the backyard, proving that his work was gaining momentum. His three sons were already married, with women from good families in the region, each occupying a room in the house and helping him in business. He had trained them in his business from a very young age. He also wanted to assure his replacement and didn’t hesitate to teach them responsibility early on, and the taste for work. At first it was very tough and he had experienced several different professions before becoming a furniture businessman. He started using fine craftsmen and began to manufacture his furniture in a tiny workshop, later on gradually enlarged in the proportion as his work earned him money.
It was in this manner that he was able to develop his business and economized to later buy the building that housed his family. He didn’t wish for his sons to go live elsewhere. Four young girls, each occupying their own rooms, contributed to house charm. They were happy, for the time being, to live under the paternal roof, and their father was in no hurry to marry them.
Mrs. Ghanee and his son Abdul Rajack occupied an upstairs room near the balcony. It was a large room, with two column beds installed at the opposing walls, and a cabinet, a dresser, a table and two chairs completing the furniture. On the pale green wall, paintings of the largest mosques in the Arab world were hanged up, recalling the great moments of the Islam conquests. A room was also provided for the prayers with a Muslim rosary and a Koran carefully placed on a corner shelf.
Mrs. Ghanee wouldn’t return. She was living the current times as in a dream. Her luggage, carried by Mr. Vidat employees, was left in a small and empty adjoining room. Mrs. Ghanee went greeting Mrs. Vidat, exchanging amicable words with her, thanking her for the hospitality time and again, meeting the children and the other family members. She then went to her room, changed her dress and came to settle in the large living room, where Mrs. Vidat had invited her to get better acquainted, before sitting down to eat in the dining room where the rest of the family gathered for lunch.
“I never imagined” said Mrs. Ghanee, “that an island so far from the major continents could offer so much comfort and serenity. You lead a peaceful life here that delights me.”
“We have very little countrymen here” said Mr. Vidat, “but as soon as I set foot on this land I realized that if we manage to hang on to our roots, to preserve our culture and traditions, we’ll be able to build our future and the future of our children, to arrange our lives according to our wishes and aspirations, without having to live in fear that our lives are at risk, as is the case throughout the island. We’re not living here in fright, possessing the means, in addition, to engage in a work and earn a living for ourselves. All these people that we meet are just like us. Here is a haven port and we all come from elsewhere: Africa, Asia or Europe. This is a French colony and the law allows us all the possibility of living with great freedom. We have no reason not to enjoy it.”
“I'm glad that you taught me that. If you only knew how I am apprehensive about the future that awaits me. I have a son to raise and I’ll do my best to make his life comfortable and to save him from the misery and suffering that I have known." She then alluded to the troubles she had endured in her country and showed astonishment with this organized, orderly and disciplined life; during the short time she led scrutinizing a society only now beginning to be discovered, she start to understand a lot of things that could help her to take, in due course, important decisions. She was curious and very attentive to what she was told.
“We were in the same situation as you are now,” told Mrs. Vidat “when fifteen years ago we arrived in the city without knowing anyone. We hadn’t brought with us much money and already had five children to feed. If you can imagine how we had to fight, for a long time, in order to make a living and survive. Fortunately, some people, that we weren’t acquainted with, helped us in true goodness and we could render our efforts to improve our situation. However, I must admit, however, that we were surrounded by people who were willing to help others, seeking neither benefits nor favors, just finding pleasure and satisfaction in their actions. I have no regrets, whatsoever, to find myself living in this society inspiring so much confidence that I dare predicting that, in the future, our children will be safer here than anywhere else. It’s my conviction although I can’t precise why. Our life hadn’t been enjoyable, from where we are from, in one of the remotest parts of India, that you probably also know. We were cooped up in a tiny room, barely larger than this room, moreover placed in the middle of a shantytown, where it wasn’t agreeable to live, at all. Our life there, on cause of the scorching day heat, the constant hissing of the people, and the difficulty of finding work, was hellish. When the new landlords positioned the heavy machinery to flatten their miserable little houses, in order to build high buildings, exodus took place forcing us to abandon the area and seek shelter elsewhere until my brother, a missionary traveling the world to teach the precepts of Islam, asked us to follow him to an island where he knew many people and we could live peacefully. He made all the necessary arrangements to embark us on the ship but, during the journey, he fell gravely ill and died. May he be blessed. He pointed us to where we could live in peace. We don’t regret it, and we are pleased with our lives that we organize according to our desire and will.”
Mr. Soleman Vidat convinced Mrs. Ghanee to stay with him for some time. She didn’t wish to abuse his welcome and cause any inconvenience. He explained that it wouldn’t be easy for her to find a suitable accommodation in the city. In his house there was room for her and food on the table. She didn’t need to be worried. She'd better use her time to know Port city and visit the other areas of the island. She could get acquainted with the other Muslim families. She would have the time to make her choice before reaching a decision. Also, she could get an idea of what she should do for work. Mr. Vidat wished to ease things for her so that she wouldn’t make mistakes by acting hastily. She comprehended that, actually, the best solution for her was trying to grasp everything before attempting to do whatever it was She wasn’t counting, of course, to be too long. Mr. Vidat had helped her more than she could expect.
THE VALLEY OF DEVIL
THE VALLEY OF DEVIL (PEOPLE OF THE COLONY Book 4) by Kader Rawat Youth has always been eager for distractions and the most sophisticated pleasures are discovered only among the women of easy virtue. Fabien had seen pretty girls in his village that had always inspired the respect and admiration. He met them very often during the parties and events organized by neighbors and friends. Sometimes, Fabien went into town together with his friends to have fun in cabare...
Le bon vieux temps (
Le bon vieux temps (French Edition) by Kader Rawat http://www.amazon.com/dp/B01AAMZBT2/ref=cm_sw_r_pi_dp_TDkKwb0VYVFGV
THE VALLEY OF DEVIL
THE VALLEY OF DEVIL (PEOPLE OF THE COLONY Book 4) by Kader Rawat http://www.amazon.com/dp/B01AAUG46S/ref=cm_sw_r_pi_dp_BzkKwb0YFE8DP
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SENTIMENTAL CONFESSIONS (PEOPLE OF THE COLONY Book 3) by Kader Rawat http://www.amazon.com/dp/B01AAE1PJK/ref=cm_sw_r_pi_dp_7ykKwb0946J3V
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THE WIFE AND THE CONCUBINE (PEOPLE OF THE COLONY Book 2) by Kader Rawat http://www.amazon.com/dp/B01AA61OKI/ref=cm_sw_r_pi_dp_nykKwb1H6WA8H
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THE FAR AWAY COLONY (PEOPLE OF THE COLONY Book 1) by Kader Rawat http://www.amazon.com/dp/B01AB13QZ8/ref=cm_sw_r_pi_dp_5vkKwb0WAV2G2
DES MAÎTRES ET DES ESCLAVES 1
DES MAÎTRES ET DES ESCLAVES 1
"Un voyage dans le temps, à l'époque de l'esclavage, à l'Île de France et l'Île Bourbon. Je vous invite à me suivre dans cette aventure palpitante qui vous réserve tant de surprises.."
Plusieurs nations traversaient l’océan indien au début du 18ème siècle. Les Français étaient les premiers à s’intéresser vraiment à l’Ile de France. Les Hollandais qui s’y trouvaient la quittaient à jamais. Ils étaient déçus, découragés et même désintéressés peut-être par son état sauvage et la distance qui la séparait des grands continents.
La Compagnie des Indes venait s’y installer. Elle cherchait plutôt un port pour abriter leurs navires pendant les quatre longs mois cycloniques de l’année. L’île de France n’avait pas en réalité grande chose à les offrir. Elle était couverte d’une végétation dense. Il y avait des marécages, des ravins, des rivières, des ruisseaux, des étendues de plaines, des forêts vierges encore, des lacs perdus au fond des bois, des belles plages de sables blancs et fins, des régions côtières superbes, une quantité de gibiers, des anguilles, des poissons, des tortues.
Entre Port Warwyke - plus tard Grand Port - et Port Nord Ouest, ils optèrent pour ce dernier qui fut appelé par la suite Port-Louis. Cette région de l’île fut séparée en ce temps là en deux parties par un ravin marécageux creusé par les ruisseaux de la montagne Le Pouce. Une épaisse végétation s’étendait jusqu’au Morne de la découverte, aujourd’hui la montagne des Signaux, et le quartier des Remparts à gauche et jusqu’au quartier de la rivière Latanier à droite.
Des cases en palissades et en terre, des paillotes, des baraquements couverts des feuilles de lataniers, servaient d’abri aux hommes de la Compagnie des Indes et aux soldats.
C’était le début d’un long travail assidûment élaboré sous le commandement des grands hommes tels que le Gouverneur Mahé de Labourdonnais, l’Intendant Poivre, le Bailli de Sufren ; leurs efforts, à des époques différentes, aidaient à la formation d’une colonie solidement bâtie dans ces terres et dont les empreintes marquèrent les générations futures.
Plusieurs bâtiments importants tels que L’Hôtel du Gouvernement, l’hôpital, les casernes, la loge, l’église paroissiale, les logements, les bureaux et, même un bagne pour les noirs marrons, les récidivistes, les criminels, les fauteurs de troubles furent construits dans divers lieux de la ville. Les quartiers résidentiels et commerciaux s’étendaient à des endroits où les activités prenaient de l’essor. Une variété de plantes et d’animaux atteignit l’île par la suite. Les forêts étaient pullulées de gibiers, de singes, de tortues; certaines régions étaient transformées en vergers, en jardins d’acclimatation pour ces plantes exotiques venant des quatre coins du monde. L’agriculture coloniale trouvait sa naissance dans les démarches et les activités que les agronomes, les botanistes et les jardiniers mirent en place pour la réalisation des grands projets qui prenaient au fil des années des dimensions considérables.
Alors que le Directeur de la Compagnie des Indes trouvait en Port-Louis une loge fortifiée, un entrepôt, un port d’escale, le Gouverneur Mahé de Labourdonnais trouvait plutôt une ville solidement bâtie dans l’Océan Indien. Plusieurs services furent déjà mis en place dans l’Ile. Les ouvertures des routes carrossables reliant un quartier à un autre aidaient les habitants à se déplacer avec facilités. Les colons effectuaient de fréquents voyages dans l’intérieur de l’île. Beaucoup de personnes venant des régions lointaines et avides aux gains, à la richesse abordaient l’Ile dans l’intention de s’y établir et de faire fortune le plus rapidement possible. L’arrivée des engagés indiens, des esclaves malgache et africain fit accroître en peu de temps le nombre d’habitants. Les flottes françaises, dans la course aux armements et à la conquête des terres, se heurtaient bien souvent aux escadres anglaises qui se montraient très redoutables. Pendant la guerre de sept ans, la Compagnie des Indes, voulant agir à sa guise, fut complètement ruinée, cédant tous leurs comptoirs aux Indes, et en même temps l’Ile de France contre une importante somme d’argent, au Roi de France.
Les activités à I ‘Ile de France devinrent en ce temps là intenses. L’Ile avait le renom d’être le nid des corsaires. Plusieurs hommes sans scrupules y débarquèrent pour faire fortune sur la misère publique. En mer, corsaires, pirates, flibustes, navires marchands luttaient pour la survie. Les catastrophes naturelles, les calamités, les carnages et les massacres ne pouvaient être évités. Seuls les plus rusés, les plus puissants, les plus équipés, les mieux préparés étaient épargnés. Les colons se réunissaient dans les sauteries que les officiers de la garnison organisaient. Les gens s’amusaient dans des soirées, des festivités. Les enfants des colons s’habituaient à la vie mondaine par des sources de distractions que les gens soucieux d’organiser leur vie trouvaient au sein même de la société naissante.
L’arrivée des administrateurs royaux portait d’autres changements dans l’aspect de l’Ile. En peu de temps les réparations des bâtiments délabrés furent effectuées. Une relance exceptionnelle des activités agricoles permit l’île à s’approvisionner des denrées allimentaires prêtes à l’exportation. Trois moulins à eau fabriquaient de la farine, une boulangerie, des magasins, une imprimerie furent mises en place et fonctionnaient admirablement. Des produits vivriers aussi abondaient l’Ile et permettaient aux habitants de tirer profits.
Malgré que le libertinage chez les blancs comme chez les noirs atteigne une proportion considérable, les administrateurs royaux eurent du fil à retordre pour réprimer ces immoralités de vieille date. Cela, par contre, n’affecta pas tellement les mœurs de l’île.
Les cabarets de la ville accueillaient tous les gens assoiffés de divertissements; la présence des officiers et des colons des lointains quartiers fût très marquée. Les esclandres, les multiples accrochages publics, les affrontements entre individus ou groupe des gens, les conflits sociaux, les fouteurs de troubles furent vivement réprimandés par les personnes ayant la compétence de maintenir l’ordre public et de le faire respecter. Les lois en vigueur décrétées par le Conseil, la traite des noirs, les avis et communiqués atteignirent le grand public par des voies normales et de manières décentes et convenables.
Des milices circulaient la région et pourchassaient les mécréants, les bandits, les criminels, les voleurs des grands chemins, les noirs marron. Les commandants des quartiers avaient une tâche bien délicate pour faire régner l’ordre et la justice. Ils étaient constamment confrontés à des situations difficiles qui pouvaient compliquer leur existence.
Maîtres et esclaves avaient des règlements à respecter et quiconque cherchait à enfreindre la loi ne serait pas épargné du joug de la justice. Mais combien des injustices sociales qui ne furent jamais respectées, dénoncées? Les faibles subissent toujours dans le silence la loi des plus forts et ce n’est que justice qui vient du ciel qui donne l’équilibre à la situation.
Quand la guerre de l’indépendance de l’Amérique fut éclatée, l’Ile de France, de par sa position stratégique, aida les Français sous le commandement de Bailli de Suffren, de mener une guerre glorieuse contre les Anglais dans les eaux indiennes, aux environs de Pondichéry. Les Anglais subissaient de lourdes pertes et des défaites inimaginables. Ils reconnaissaient l’importance de l’Ile de France dans l’Océan indien. Leurs courages et leurs déterminations de vaincre tournaient leurs regards vers cette île qu’ils cherchaient à s’emparer.
Evidemment, à une époque aussi reculée, des îles semblables dans presque toutes les parties du monde étaient les moins protégées contre les attaques venant de l’extérieur. Les garnisons et les forteresses s’affaiblissaient sous les incessants assauts des ennemis. Les plus forts seulement exerçaient leur domination. Hormis des dangers pareils, ces lieux étaient constamment menacés par des conflits intérieurs qui causaient beaucoup de troubles dans la population
L’île de France ne fût pas épargnée de ces crises qui éveillaient au sein de la population des craintes, des frayeurs, des incertitudes de l’existence que les habitants ressentaient comme ce matin, la nouvelle qui annonçait et décrivait les horreurs d’une nuit venait se heurter contre les oreilles sourdes encore par le sommeil, mais consternés, stupéfaits par ce qui se disait, par ce qu’on racontait. Port-Louis émergeait des ténèbres pendant que l’aube pointait.
DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 6
DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 6
« Ce qui nous différencie des autres créatures c’est cette mémoire que nous possédons et que nous avons toutes raisons de transmettre quand il est encore temps. »
La jeunesse me fit découvrir des gens sympathiques à mon égard. J’avais développé un tel caractère que je portais beaucoup d’importance aux respects, à l’obéissance que l’on devait aux grandes personnes de notre entourage, ce qui instaure en nous-même cette vraie valeur morale tant recherchée dans la société. J’essayais de me rendre utile dans les moindres circonstances et ne me mettais jamais en colère ni rouspétai-je quand l’on me demandait d’accomplir une tâche. Je gagnais l’estime et la considération des gens que je côtoyais et surtout des parents qui ne manquaient pas l’occasion de faire mon éloge et de me citer comme exemple à suivre parmi les enfants de ma génération. Je tirais par ces démarches toute ma fierté que je ne pouvais cacher d’ailleurs et qui me plaçait haut dans l’estime des grandes personnes. J’avoue par contre que j’étais un garçon très susceptible et pouvais avoir les yeux remplis de larmes par une simple réprimande. J’exerçais mon autorité sur ceux qui étaient mes cadets et les grondais si je constatais qu’ils avaient commis des bêtises. Je me faisais craindre et respecté sans me montrer méchant ni agressif. Je me souviens très bien avoir été sévèrement réprimandé par mon père pour avoir commis une bêtise monumentale. Ce n’était que bien plus tard que je réalisais la gravité de mes actes. Ma faiblesse était que je ne pouvais pas refuser quand l’on me demandait de rendre un service. J’avais noué amitié avec un garçon du village avec lequel j’avais pour habitude d’aller me promener. L’estime que j’avais pour lui n’était autre que de l’amitié. Je n’en avais pas beaucoup d’amis et le peu que j’avais me suffisait pour me permettre de passer le temps dans la distraction. Il était plus grand que moi de quelques années et j’éprouvais pour lui du respect. Il avait commencé à fumer et se retirait souvent au bas de la rivière pour en allumer une des fois. Un jour, une envie terrible lui en prenait de fumer mais il n’en avait pas de cigarette. Il m’avait supplié d’aller lui en prendre un paquet dans la boutique de mon père. J’étais embarrassé et ne savais quoi faire. Je savais que je n’avais pas le droit de faire une chose pareille. Je ne voulais pas non plus lui déplaire. Sans réaliser que j’allais commettre un vol odieux par cet acte stupide, je me rendais dans la boutique pour prendre sur l’étagère un paquet de cigarette et m’étais fait attraper par mon père lui-même. Il m’avait donné une bonne raclée bien méritée que je n’oublierais jamais de toute ma vie mais qui m’avait servi de leçon à jamais. Alors que l’ami m’attendait au bord de la rivière je ne lui avais jamais plus revu.
Parmi les personnes qui m’ont marqué au cours de mon enfance je ne peux ne pas mentionner mon oncle qui m’a impressionné par sa conduite exemplaire à mon égard. Jamais il ne m’a froissé dans les sentiments, ni a-t-il prononcé à mon égard une seule parole blessante. J’ai toujours éprouvé pour lui de l’estime et de l’admiration. Quand je passais à la croisée des chemins pour se rendre à l’école, je le voyais en train de jouer aux dominos sous la véranda en compagnie des autres amis, tous des chauffeurs de taxi. Mon oncle avait une consule de couleur bleu roi que je prenais beaucoup de plaisir à laver, à nettoyer, à lustrer les samedis matins quand il n’y avait pas d’école. Il m’emmenait des fois avec lui quand il se rendait avec des clients dans des lointains quartiers. J’étais à l’époque avide des plaisirs que me procurait un long voyage en voiture. Mes intérêts à visiter et même découvrir les autres partis de mon île s’accroissaient d’emblée. Peut-être que j’étais encore trop jeune pour nourrir dans mon esprit la curiosité ou peut-être que je n’étais pas encore bien éveillé pour accorder de l’importance à ce que mon île avait de plus merveilleux à me montrer. En tous les cas je me voyais bien en train de me vautrer confortablement au fond du siège arrière de la voiture avec les yeux écarquillés devant les magnifiques paysages qui se défilaient de chaque côté.
De mon premier long voyage que j’avais effectué jusque la Réunion en compagnie de ma grand-mère paternel alors que j’avais à peine 10 ans il me reste encore quelques souvenirs. Je me souviens bien de cette séquence où je descendais une rue étroite de Saint-Denis derrière mon cousin dans une pente asphaltée sur une patinette faite en bois et des roulements à billes. Une autre fois je fus renversé par une bicyclette en traversant la rue sans heureusement me faire trop de mal. Je sautais par une fenêtre pour marcher sur les tôles brûlantes. Je jouais avec des bois en forme de cubes. J’effectuais un voyage fatiguant par le ti-train, le car courant d’air qui roulait pendant longtemps avant d’atteindre notre destination Saint-joseph où habitait ma tante. Je humais souvent l’odeur du savon Marseille tout près des bassins, une odeur forte, particulière qui me rappelle à chaque fois cette atmosphère sombre de la maison et tous les décors des escaliers en pierres qui reliaient la maison à étage à la grande cour ombragée par quelques manguiers et où se trouvait également un puits et des ustensiles de cuisines posés sur le muret. Beaucoup des événements de cette époque sont restés estompés dans la mémoire. Tous mes efforts demeurent vains pour les faire surgir. Même les visages des personnes que j’avais rencontrées ne représentent plus grand-chose dans mon esprit. L’époque remonte bien trop loin dans le passé pour que je puisse retenir davantage de séquences, le développement de mes facultés était beaucoup trop lent pour préserver encore des événements mal imbibés par ma mémoire.
Mon sommeil était des fois interrompu tard dans la nuit par l’arrivée des parents de la Réunion. Les yeux encore lourds de sommeil j’entendais des grands éclats de rire, des voix qui tonnaient dans le grand salon, des froissements de belles parures, des trimbalements des valises lourdes et assurément remplies des beaux cadeaux qui seraient distribués le lendemain. J’étais trop jeune pour me mêler à l’ambiance qui régnait parmi les grands malgré que j’aie l’envie de me lever pour aller partager ce moment exultant. Je faisais semblant de dormir en épiant d’un œil ce qui se passait dans le salon où les lumières vacillantes des lampes s’interposaient entre les silhouettes et les ombres.
Les jours qui suivaient me procuraient de nombreuses occasions à me promener en voiture, me rendre chez des parents à PL où nous restions jusqu’à tard le soir. Nous nous rendions au bord de la mer où j’eus l’occasion de me baigner dans l’eau tiède en profitant des sables blancs et éblouissants. Un grand cousin qui habitait avec nous et qui conduisait la voiture nous emmenait visiter les beaux sites de notre île que j’admirais avec beaucoup de plaisir. Ce moment fastidieux ne durait pas longtemps, malheureusement. Le départ des parents était suivi par des moments tristes et remplis de beaux souvenirs.
Tout le long de l’année et particulièrement pendant les vacances scolaires, des fêtes étaient organisées. Les habitants de tout le village et même de l’île pouvaient participer. Les crèches, les enceintes des établissements scolaires, les cours des collèges, les centres sociaux, les couvents et nombreuses structures à caractère social et culturel étaient bondés des gens venus pour s’amuser les uns à côté les autres. Cela pouvait occasionner des rencontres fortuites comme ce pouvait être l’occasion de fixer un rendez-vous, de nouer de l’amitié, de trouver un amour qui sait quant aux distractions il n’en manquait vraiment pas.
Le grand jardin botanique de Pamplemousses organise chaque année son pèlerinage dont la date est fixée depuis bien longtemps pour que les pèlerins débarquent tôt le matin venant des villes et des quartiers lointains. Chaque famille se regroupe sous l’ombre des arbres bicentenaires, sur des gazons soignés, dans des kiosques solitaires situés au milieu des bassins remplis des poissons affamés. Munies de leurs victuailles pour passer une journée mémorable ces familles se retrouvent dans une ambiance survoltée où le son des ravanes se mélange à la voix stridente des ségatiers en herbe qui seront rejoints par quelques danseurs demis saouls pour que la fête dure jusqu'à la dernière lueur du crépuscule.
Au début de ma jeunesse les voiles commençaient à s’écarter des mes yeux timides et innocents. Je portais mes regards assoiffés et vides d’expériences sur tout ce qui pouvait paraître singulier pour satisfaire ma curiosité.
Des que je fus admis au collège à P L je m’éloignais de mes parents et de mon village. Le cordon ombilical étant coupé je regardais le monde avec un œil différent et un état d’esprit nouveau.
Je trouvais du mal à m’adapter malgré que je fusse aimé, considéré. Les décors de la ville avec ses maisonnettes entassées les unes auprès des autres, le climat inhabituel, l’atmosphère qui emplissait les rues et les ruelles, les trottoirs dont les pavés remonte à l’époque coloniale, les canaux de chaque côté des rues qui entraînaient l’eau des pluies étaient pour moi du moins des plus singuliers. Je mettais du temps à m’habituer.
Mes études en souffraient énormément. La chaleur accablante de l’été à laquelle je n’étais pas habitué me déprimait davantage. J’attendais avec beaucoup de patience le vendredi après-midi pour rentrer à la maison.
Mes liens s’étendaient, prenaient de l’ampleur dans la nouvelle société. Ma vision de ce monde commençait à s’élargir et ma connaissance aussi. Je commençais à comprendre la situation embarrassante dans laquelle je me trouvais et cela ne me plaisait guère.
Je compris qu’il n’y avait pas moyen dans un premier temps de changer quoi que ce soit. Je l’acceptais avec résignation et réticence. Je pensais que ce sacrifice me ferait profiter des fruits que cela m’apporterait plus tard.
Pourtant j’aurai pu me rendre à mon école par le bus tous les jours mais les parents en avaient décidé autrement. Mon cousin de PL faisait le même chemin de l’école et pourrait jeter un œil sur moi, ce qui était considéré comme une assurance pour mes parents.
Pourtant je ne regrette rien de ces deux années passées à PL. J’eus l’occasion de me familiariser avec nombreux amis que je perdis de vue par la suite.
Les moments qui m’avaient les plus marqués pendant ces années d’étude étaient ces fêtes nocturnes tenues par les chiites. J’écoutais plusieurs nuits de suite les roulements des tambours et voyais passer les chars décorés des belles lumières qui marquaient le mois de Muharram.
Je me rendais des fois aux C de M pour assister aux courses des chevaux particulièrement les samedis. J’allais voir un beau film du genre péplum au Théâtre de PL, au Majestic, à Luna Park ou à Rex. J’allais me promener dans le Jardin de la Compagnie, fréquentais la Grande mosquée, passais devant les églises et les cathédrales, contemplant la Citadelle au loin.
Je découvris le port avec ses flots qui berçaient les chaloupes, les canots, les bateaux à moteur, des navires et des remorqueurs.
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