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UNE VIE ANTÉRIEURE

Rédigé par Kader Rawat

 

UNE VIE ANTÉRIEURE

 

C’était par une de ces nuits noires et lugubres du mois de décembre de l’année 1955, quand une voiture s’engageait dans les côtes pentues de la route de Salazie. Sur le siège arrière deux passagers étaient inquiets par ce temps affreux où une pluie diluvienne s’abattait dans la région. Le vent soufflait avec intensité et les éclaires et les orages s’ajoutaient à rendre le trajet vers le petit village difficile. Les rampes sinueuses et les courbes où dévalait l’eau des pluies devenaient impraticables. La voiture négociait les tournants avec un moteur surchauffé tandis que les roues patinaient dans les nids de poules que les cours d’eau avaient creusés. Le chauffeur qui connaissait bien la région pour l’avoir traversée à maintes reprises était conscient des difficultés du trajet mais il avait besoin de gagner sa vie en prenant des risques. C’était son métier et il gardait son sang-froid pour ne pas paniquer davantage ses clients. Une course pareille il n’en gagnait pas beaucoup et encore fallait-il casser le prix pour faire jouer la concurrence. Il n’aimait pas trop cela mais que pouvait-il faire face à une vie difficile dans laquelle il ne cessait de se battre pendant des années en quittant sa demeure tôt le matin pour ne rentrer que bien tard le soir.

— Y a-t-il pour encore longtemps chauffeur pour atteindre le village ? demanda l’un des deux passagers qui ne semblait pas trop aimer ce voyage.

— Il reste encore quelques kilomètres à parcourir monsieur et la mauvaise visibilité ne me permet pas d’avancer plus vite. 

— Pourtant nous n’avons pas de choix si nous ne voulons pas rester coincer dans cette région qui ne me semble pas saine du tout. Vous ne pouvez pas aire un effort ? 

— La route est glissante et les précipices profonds. Je préfère rester vigilent, monsieur. Et puis plus on avance en altitude plus le brouillard devient épais et entrave la vue. J’ai une femme et des enfants, monsieur, pour ne pas me montrer prudent dans de telle circonstance.

L’autre homme qui gardait le silence tout ce temps essayait de regarder à travers la vitre de la voiture. Il n’était pas moins inquiet en constatant par les brèves apparitions des éclairs que les branches des arbres se pliaient, que la pluie fouettait contre la tôle de la voiture en faisant un bruit fracassant.

— Il ne devait pas être trop tard, dit-il, nous aurons tout de même le temps d’atteindre le village avant minuit. 

— Minuit ? C’est déjà bien tard, rétorqua l’autre. Le malade ne tiendra pas si longtemps. J’aurais dû être là-bas avant ce soir et voilà, je suis encore là. 

— Ecoute, répliqua le chauffeur, dans ce cas je vais essayer de voir ce que je peux faire mais je ne vous promets rien ? 

 A peine avait-il prononcé ces mots et après avoir roulé quelques centaines de mètres que la voiture se trouvait face à une motte de terre causée par un éboulis. Impossible d’avancer plus loin.

— Pas vrai, exclama l’homme pressé. Pas maintenant. C’est que nous n’avons vraiment pas de chance. 

— Ne bougez pas, messieurs, je vais voir ce qu’on peut faire. 

Le chauffeur quitta sa voiture pour aller constater sur place ce qui en était. La route était obstruée par un énorme éboulis.

— Rien à faire, messieurs. Je dois aller chercher de l’aide au village pour dégager le chemin. Vous ne pouvez pas vous hasardez dans ces sentiers dangereux. Vous ferez mieux attendre dans la voiture pendant que je vais chercher de l’aide. 

Les deux messieurs se regardaient avec hébétude, n’imaginant aucunement rester les bras croisés dans ce lieu sinistre.

— Il n’y a aucune habitation dans le parage ?  demanda l’un d’eux.

— Oh ! Si le temps se détériore pendant que je serai absent, ne restez pas dans la voiture. Je vous conseille d’aller vous abriter dans la vieille maison coloniale qui ne doit pas se trouver trop loin. Un sentier à votre droite vous y emmène. Vous serez plus en sécurité là-bas. J’ai bien peur que nous ne puissions pas reprendre la route sitôt.

En disant ceci le chauffeur disparut dans la pénombre.

La pluie continuait à tomber plus fort et les éclairs déchiraient le ciel en même temps que le tonnerre grondait. Ce n’était pas prudent pour ces deux personnages d’attendre plus longtemps dans la voiture. Ils décidaient de suivre le conseil du chauffeur et d’aller prendre refuge dans la maison qui ne se trouvait pas trop loin. Avec l’aide d’une lampe de poche retrouvée dans la boite à gants, ils quittaient la voiture sous une pluie torrentielle. Heureusement qu’ils étaient aidés par les éclairs et retrouvaient vite le sentier dont les avait parlé le chauffeur et après avoir marché pendant une demi-heure ils aperçurent au loin une vieille bâtisse dont seulement le toit retenait leur attention. Ils accrochaient leur regard dans la direction où se trouvait la demeure jusqu’à ce qu’ils parviennent à l’atteindre après avoir traversé des obstacles que l’eau qui dévalait dans le sentier leur posait. Cette nuit noire comme de l’encre n’était pas d’un bon présage et les bruits sinistres qui leur parvenaient éveillaient en eux une frayeur, des craintes que des évènements imprévisibles pouvaient leur causer des torts. En tout cas pour le moment dans la situation où ils se trouvaient ils n’avaient pas d’autres alternatives que de suivre leurs instincts et se laisser guider par le chemin que leur destin les avait réservés.   

 

 

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