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La colonie lointaine Chapitre 7

13 Juin 2014 , Rédigé par Kader Rawat

 

La colonie lointaine

 

Chapitre 7

 

Le mois sacré de Ramadan arrivait enfin avec l'apparition de la nouvelle lune. Un mois appréhendé déjà par la famille Karim. Pendant ces jours de jeûne, de résignation, d'abstinence, et de prières, chaque effort fourni pour pratiquer le bien et éviter le mal, aide à comprendre la valeur de ce mois sacré.

Chaque membre de la famille Karim était conscient de l'importance de ce mois. A trois heures du matin ou même avant, au moment où le sommeil accapare l'être, il était temps pour lui de se réveiller pour aller prendre en famille le repas du matin. Les lumières des maisons étaient toutes allumées, et les membres de chaque famille se regroupaient pour commencer la journée de Ramadan.

Julie était debout en même temps que madame Karim à deux heures du matin. Elle l'aidait dans la cuisine à chauffer le repas, à faire le thé, mettre le couvert et disposer les assiettes, les verres, les cuillers. Elle allait ensuite réveiller les filles qui rejoignaient les garçons déjà installés à table, les yeux bouffis par le sommeil. Ils mangeaient et buvaient jusqu'à ce que la lueur du jour se pointe à l'horizon. Ils se levaient et se dispersaient chacun de leur côté.

Les hommes accomplissaient la prière obligatoire du matin à la mosquée et les femmes à la maison. Ils prononçaient le vœu de vouloir garder le jeûne pour le Seigneur. Une journée toute entière qu'ils devraient passer à ne pas manger, à ne pas boire pour se débarrasser des mauvaises habitudes, pour se priver de toutes satisfactions matérielles, pour éprouver la faim et sentir la soif comme le font les pauvres, pour s'identifier à eux, se mettre à leur place pour comprendre les effets de la misère, la pauvreté et la souffrance. Une journée entière pour mettre en cause sa conscience, pour s'interroger sur l'importance et la valeur matérielle. Les fidèles puisent leur ressource dans la prière, fortifient l'âme par la lecture du Coran. Un mois de sacrifice, de dévotion, d'abstinence, de jeûne et de prières, qui passe trop vite pour comprendre que les péchés s'estompent par obstination et volonté.

Les épouses, les mères et les sœurs se retirent dans un coin tranquille pour accomplir plus de prières que d'habitude. Les pièces sont imprégnées d'une forte odeur d'encens. Un calme étrange règne dans la maison toute entière et chacun se replie sur soi-même pour prier, pour se reposer, pour jeûner. Peu de mots sont échangés comme si le monde tournait au ralenti.

Julie constata qu'au cours de ce mois de jeûn, le visage auparavant frais et lisse de ses petits patrons se métamorphosait par une barbe bien fournie. Leur visage était tiré par le manque de sommeil, la fatigue et les efforts fournis pendant les longues nuits de prières. Pour elle aussi c’était une période de répit. Aucune parole déplacée ne lui fut adressée ; aucun regard indiscret ne lui fut lancé ; aucun geste qui pouvait nuire n’était venu la contraindre dans sa vie quotidienne. Des bons enfants exemplaires comme il n’y en avait pas deux tout le long de ce mois de Ramadan.

Une journée passée dans le travail ou à la maison s'achève au coucher du soleil dans la réjouissance d'étancher sa soif avec une boisson sucrée et parfumée, de prendre sur la langue des gâteaux salés, épicés et doux que l'épouse, la mère, les sœurs ou la cuisinière ont confectionnés pendant toute l'après-midi.

Julie préparait les épices, épluchait l'ail, le gingembre, les mélangeait avec des piments et du sel et les écrasait. Elle rangeait les bocaux de cardamome, de cannelle, de girofle, grillait le café au fond d'une marmite en fonte, enfermait les gousses de vanille dans le garde-manger. A cette heure-ci, M. Karim se permettait une petite somme avant de se rendre à la prière. Et pendant la grande prière du vendredi qui rassemblait les fidèles, il écoutait les bonnes paroles adressées à tous les croyants.

« Il y existe un moment dans l'existence, sermonnait l'Imam dans son discours, où nous devons nous arrêter et interroger notre conscience sur la réalité de ce monde ici bas; nous devons réaliser combien notre vie importe si peu à comparée de celle qui nous attend dans l'autre monde; il est temps pour nous de comprendre que nous devons fournir des efforts pour accomplir de bonnes actions et pour éviter de commettre des péchés.»

Après la rupture du jeûne, les membres de la famille se réunissaient pour le dîner, pour se permettre une petite pause; ensuite les hommes se rendaient à la mosquée pour accomplir la prière commune du soir.

Julie et les autres domestiques nettoyaient les chambres, changeaient les rideaux, lavaient, astiquaient, lustraient, enfin rendaient propre chaque recoin. Pour célébrer la fête de fin de Ramadan les fidèles étaient vêtus de beaux vêtements pour se rendre à la mosquée. La prière spéciale est accomplie après le lever du soleil. L'Imam fait son sermon devant les fidèles imprégnés de foi et allégés des péchés. Chacun s'impatientait de se retrouver devant la table garnie d'une variété de gâteaux préparés à la maison ou commandés chez le pâtissier. La fête était célébrée de gaieté de cœur et de grande réjouissance. Rassemblement au sein des familles et accolades; distribution de cadeaux; de la nourriture en abondance. Chacun fait exploser sa joie. La journée se passait dans la bonne humeur; certains rendaient visites aux parents, d'autres partageaient le bonheur avec des amis.

 

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