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Un début dans la vie

12 Août 2023 , Rédigé par Kader Rawat

Ceci est un ouvrage de fiction.
Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

 

Vers la fin de l'année 1964, je décidais d’abandonner mes études secondaires, dans lesquelles je ne brillais pas du tout, pour chercher un travail quelconque qui me permettrait d’apporter de l’aide à ma famille dont la situation financière laissait à désirer. Cela, je l’avais compris depuis un certain temps, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre, et surtout de quelle manière. Mes frères et mes sœurs, plus jeunes que moi, représentaient un lourd fardeau pour mes parents qui étaient d'un âge avancé mais qui faisaient de leurs mieux pour que nous ne manquions de rien. J’habitais le quartier des Camélias, à peu de distance du centre-ville de Saint-Denis. Je m’y rendais souvent avec mes amis pour errer dans les rues, fréquenter les cabarets, les salles de cinéma et de dance et aussi profitais des fêtes organisées par la Mairie. Cela n’avait pas été difficile pour moi de dénicher un emploi d’agent d'entretien dans un de ces bureaux miteux situés dans la rue de la Compagnie. Le salaire qui me fut proposé me paraissait raisonnable pour un début dans ma vie professionnelle et je n’en demandais pas mieux.
Je peux dire que j’avais mis du temps à m’adapter aux horaires qui me fut proposés mais, avec la volonté de réussir ma vie et surtout d’aider mes parents, au bout de quelques mois, j’assumais mes responsabilités, avec beaucoup de sérieux et d’enthousiasme.
Après plus d’une année de service dans la boite, un matin mon patron me convoqua dans son bureau pour me proposer un emploi de coursier, en même temps qu’une augmentation de salaire. La boite s’était fructifiée dans les Imports/Exports et vente en gros et de son aspect miteux, elle s’était métamorphosée complètement par des travaux de rénovation intense tout le long de l’année en cours. Je fus plus que satisfait de cette promotion et le remerciais du fond du cœur pour cette confiance qu’il me faisait tout en lui affirmant mon dévouement dans mon travail.
Ma nouvelle tâche consistait à déposer et récupérer des courriers dans les autres boites de la ville. Un trajet que j’effectuais à vélo, en parcourant les rues de la ville de long en large à toute heure de la journée. Cela me donnait l’occasion de me rendre tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, dans les bureaux des secrétaires, à l’accueil des agences qui venaient d’ouvrir leurs portes dans les quatre coins de la ville pour présenter le registre, délivrer les courriers, en récupérer d’autres et obtenir la signature.
C’était de cette manière que j’avais rencontré Karine. Elle se trouvait derrière son comptoir quand je m’étais présenté pour la remettre les courriers. Elle avait ouvert ses grands yeux avec de longs cilles et me regardait d’une drôle de façon. J’étais éblouis par sa beauté et m’étais resté figé devant elle, examinant avec minutie les franges à la Brigitte Bardot qui décoraient son front protubérant.
— Quoi ? avait-elle demandé.
— Rien du tout. Je suis perdu dans mes pensées.
Je ne voulais pas lui dire que j’étais en extase devant sa sublime beauté.
— N’importe quoi. Avait-elle répliqué.
Et à chaque fois que j’allais déposer des courriers sur son bureau, je ne pouvais m’empêcher de l’admirer, de la fixer dans les yeux. Je savais que c’était gênant, que je la mettais mal à l’aise mais je ne pouvais me retenir et elle commençait par ne plus tolérer cela. Ce jeu durait un peu de temps avant que je remarque que des changements s’étaient effectués dans mes habitudes. Même ma mère s’étonnait devant l’allure que je me donnais, les soins que je portais à ma personne et les choix de mes vêtements. Elle était la première à soupçonner que j’étais amoureux. Au fait, elle n’avait pas tort. Je l’étais bien évidemment mais je me trouvais en quelque sorte dans le flou et ne savais pas comment communiquer ce sentiment à la femme qui commençait déjà à hanter mon esprit.
En vérité nous ne nous adressions pas vraiment la parole et encore moins nous nous faisions une conversation pour ainsi dire. Elle était du genre timide comme pas possible et moi aussi, je ne faisais pas des efforts pour trouver un moyen d’ouvrir un sujet de conversation. Des jours passaient ainsi sans que nous nous connaissions plus que lors du premier jour.
Un beau jour j’avais pris mon courage à deux mains et j’étais allé droit au but. J’avais tout bien préparé, effectué les répétitions devant le miroir afin de ne pas commettre des bêtises et quand je me trouvais en face d’elle, j’avais demandé d’un ton mielleux, avec une voix qui sortait de ma bouche et que moi-même ne reconnaissais pas :
— Vous aimez danser ?
— Quoi ?
Cela m’avait donné une frayeur. Je me demandais s’il fallait que je poursuive la conversation ou arrêter tout court. Du coup je décidais de changer de tactique.
— Est-ce que je peux vous parler ?
— De quoi ?
— De ce que je ressens pour vous.
— Ah bon ! Qu’est-ce que vous ressentez pour moi ?
Comme j’étais sûr de mes sentiments, j’avais tout dit pour qu’elle puisse comprendre combien je tenais à la connaître pour aller plus loin dans nos rapports. Elle m'avait écouté parler sans broncher, tout en se méfiant que les murs n'avaient pas des oreilles et le plafond des yeux. Elle était restée insensible, indifférente par toutes ces belles paroles que je déversais à son encontre.
Karine était une belle jeune fille créole de bonne famille qui habitait dans un modeste logement situé à la Source. Elle avait le teint clair, les cheveux coupés à la garçonne très à la mode à l'époque, portait des jupes courtes et avait une physionomie que je prenais plaisir à admirer à chaque fois que j'allais prendre des colis et des lettres sur son bureau. Depuis que je l’avais avoué mon amour pour elle, je prenais l'habitude de livrer avec elle un brin de conversation sans jamais manquer à la complimenter sur sa beauté et sa gentillesse. Elle se sentait au début très gênée et embarrassée mais n'avait pas pris le temps de comprendre que mes intentions étaient bonnes.
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©Kader Rawat
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