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Un amour de jeunesse Chapitre 7

22 Avril 2013 , Rédigé par Kader Rawat

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De même auteur

 

Cycle

 

LES GENS DE LA COLONIE

 

Tome 1

La Colonie Lointaine

Tome 2   

L’épouse et la concubine

 Tome 3

Confessions sentimentales

Tome 4

La vallée du diable

 

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UNE JEUNE FILLE ZARABE

 

Tome 1

Un amour de jeunesse

Tome 2

L’entreprise familiale

Tome 3

Une femme d’affaire

 

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LES AMANTS DE L’ÎLE BOURBON

 

Tome 1

La fille de l’Intendant

Tome 2

Les évadés de l’Île Bourbon

 

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MAÎTRES ET ESCLAVES

 

Tome 1

Des maîtres et des esclaves

Tome 2

Splendeurs et misères des petits colons

Tome 3

Le temps de la révolte

Tome 4

L’instigateur

 

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CES PAYS LOINTAINS

 

Tome 1

La belle étrangère

Tome 2

Le domicile conjugal

Tome 3

Un ange à la maison

 

Le bon vieux temps

 

Les naufragés

 

 

Toute ressemblance avec des personnages réels ne peut être que fortuite.

 

© Kader Rawat Février 2013

 

Tous droits réserves

 

 

 

 

 

 

Je cherche de nouvelles aspirations

 

J'étais allée la déposer à la gare dans l'après-midi et après que nous ayons fait nos adieux sans nous empêcher de verser abondamment de larmes nous nous séparâmes le cœur gros et la gorge serrée. Tandis que le train emportait la seule amie qui comptait beaucoup pour moi, j'apercevais se refermer cet épisode de ma vie avec la plus grande tristesse. Mon fils me permettait de remonter ce handicap par toutes les distractions que je trouvais en sa compagnie.

La discrétion de la vie quotidienne à laquelle j'étais si peu habituée, me faisait avoir pour l'existence des aspirations nouvelles que je puisais dans ce mode de vie auquel je devais me plier. En tout cas attendre sur l'arrêt-bus ou prendre le métro commençait à me paraître ridicule et même embarrassante. Mon refus de me jeter dans la vie mondaine était peut-être une erreur que je commettais. Je devais de toute manière sortir pour tenter ma chance dans le grand monde. Mon fils en serait la victime si ma vie serait un échec. Je me voyais armée de patience à supporter toutes les afflictions qui pourraient me tomber dessus s'il ne dépendait que de moi d'endurer les douleurs et les peines. Mais je ne pouvais pas voir mon fils souffrir sans que je ne sois profondément affectée. Quand il tombait malade je paniquais et même dramatisais la situation. J'étais angoissée aussi longtemps que son état de santé ne s'améliorait pas. Que n'étais-je pas prête à faire pour lui?

Le salaire que je percevais me permettait à peine de mener une vie convenable. Je parvenais difficilement à économiser de l'argent pour régler les dépenses imprévues. Une fois il m'était arrivé une chose effroyable. Mon fils tomba gravement malade quand j'avais dépensé tout mon argent. J'étais impuissante devant la situation. L'idée même de voler et de tuer ne me paraissait pas improbable. Je demeurais inerte devant le berceau à verser abondamment de larmes parce que je ne savais comment m'y prendre pour soigner Akbar. Je décidais de vider les tiroirs, de fouiller les poches des vêtements sales, de chercher dans le fond de l'armoire pour trouver de l'argent mais c'était en vain. J'avais des bijoux. Je n'avais pas hésité de les mettre en gage pour faire Akbar consulter un médecin et pour acheter des médicaments.

Tôt le matin quand je me dirigeais vers l'arrêt bus, un automobiliste bien Ballant me proposait de me déposer devant mon lieu de travail. Je n'avais jamais accepté l'idée de me voir entrer dans la voiture des personnes que je ne connaissais pas. J'étais indifférente aux voitures qui ralentissaient ou aux automobilistes qui voulaient m'adresser la parole. J'avais toute raison de me montrer méfiante Les pages des journaux m'apprenaient tous les jours sur les causes des viols, des attentats à la pudeur, des actes d'agressions, des meurtres. Chaque individu me paraissait comme un maniaque, un obsédé sexuel, un débile mental. La méfiance que j'éprouvais envers les hommes remontait jusqu'au temps où j'étais à l'école. Je craignais davantage les hommes quand je me voyais enclin de les affronter.

L'influence de la société dans laquelle je vivais était plus forte que ma volonté de préserver des vieux principes de jeunesse bien démodés. Depuis un certain temps, après le départ de Devika qui avait d'ailleurs laissé un vide dans mon existence, je ne cessais à tout moment de la journée et de la nuit de faire des rêves de fortune et de m'imaginer en train de vivre une vie de splendeur et de faste. Je commençais par apercevoir que le salaire que je touchais la fin du mois n'était pas suffisant pour me permettre de vivre convenablement. Or après avoir fait le compte de tout ce qu'il me fallait pour améliorer ma condition de vie, j'étais parvenue à la conclusion que je devais multiplier mon salaire par quatre pour pouvoir vivre comme je l'imaginais. Mais quel emploi me permettrait de percevoir de telle somme? Je faisais partie de ces employés modestes qui n'avaient ni diplômes ni expériences ni recommandations. Le plafond de mon salaire était si bas que mes grandes ambitions et mes rêves s'évanouissaient à jamais. Je n'avais aucun espoir de voir ma situation s'améliorer dans mes activités professionnelles. Je ne comptais pas rester sans rien faire. J'avais trop de projets pour me laisser surpassée par la vie. Quand je me décidais de me battre, c'était devant le vaste monde que je me trouvais et toute seule. Les pires ennemies qui m'attendaient étaient les hommes, responsable de mes malheurs et vers lesquels je commençais à tourner mon regard. Ce n'était qu'en me confrontant à eux, je me disais, que je parviendrais à les vaincre. Sinon je serais à jamais une vaincue. Je ne voulais pas essuyer un échec. J'étais prête à fournir de grands efforts pour survivre. J'avais délaissé derrière moi famille, fortune, bonheur pour m'embarquer dans ces aventures à cause de la faute d'un homme. Que s'était-il passé au sein de ma famille quand ma disparition fut constatée? Combien mes parents avaient dû souffrir en découvrant qu'ils m'avaient perdue à jamais. Qui était responsable de tels châtiments, de tels supplices, si ce n'était pas l'homme, un homme qui n'est pas différent des autres? Comment faire pour survivre? Je rencontrais par pur hasard un homme d'un âge mûr aux cheveux grisonnants dans un salon d'automobile. Il ressemblait à ces juifs américains qui venaient souvent passer leurs vacances à Marseille. Mais lui était un juif polonais établi en France depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Son accent polonais me donnait confirmation de son état et son allure ne me laissait aucun doute. J'apprenais que sa femme venait de mourir. Il me confiait qu'il était à la tête d'une très grande industrie automobile et qu'il pourrait me faire bénéficier de nombreux avantages si j'acceptais de l'aider à oublier ses peines. Je trouvais qu'il était bien trop vieux pour moi et ne voyais pas de quelle manière je pourrais lui apporter des soulagements. Je lui fis comprendre que je n'étais pas une de ces prostituées qu'il était assurément en quête et qu'il croyait facilement avoir. Il m'avouait qu'il connaissait très bien le quartier pour ne pas distinguer les nouveaux visages des anciens et qu'il s'intéressait à moi parce que je lui avais fort impressionné par mon allure. En vérité j'avais changé de "look" depuis un certain temps et non seulement que j'avais adopté une nouvelle coiffure mais je portais également des lunettes solaires. Je savais que cela faisait la classe. Les produits de beauté, le maquillage et les fards qui venaient compléter cette transformation me faisaient paraître comme une fille libérée de l'époque. Ce n'était pas avec un vieillard que j'allais quand même me livrer pour soi-disant dire que je prenais l'initiative d'affronter les hommes que j'avais tant redoutés. J'avais eu la présence d'esprit de demeurer aussi calme que je pourrais et, pour ne pas laisser apercevoir le mépris qui remplissait mon cœur, j'avais préféré prononcer peu de mots pendant ce court entretient qui désormais aurait une suite désastreuse.

Entre-temps j'avais reçu une lettre de Devika qui m'avait fait beaucoup plaisir. Elle m'apprit qu'elle avait effectué un voyage agréable jusqu'à Delhi et qu'elle n'avait pas rencontré des difficultés. Le plus grand moment était quand elle rencontrait le docteur Ajay à l'aéroport. Il était venu l'accueillir avec des fleurs. Une ribambelle d'enfants étaient venus l'offrir des colliers de fleurs. Ses enfants se portaient très bien et parlaient de moi très souvent dans leur conversation. Elle s'était rendue dans sa maison en voiture. Le peu de choses qu'elle avait vues en Inde l'avait fascinée. Elle commençait à s'adapter dans la nouvelle société où elle souhaitait passer le reste de ses jours. C'est un pays merveilleux, écrivait-elle, et je souhaite que tu viennes me rendre visite un jour. Elle m'avait promis de m'écrire une longue lettre quand elle serait bien installée.

Cette lettre m'avait rassurée sur la situation de Devika. J'étais contente qu'elle se plaise dans sa nouvelle vie. Je lui écrivais quelques jours plus tard pour l'informer de mes nouvelles et pour la raconter de quelle manière je me débrouillais toute seule. Je ne cessais de lui rappeler combien elle me manquait et combien j'avais hâte de la revoir.

Le soir je me demandais ce qui me retenait vraiment à Marseille. Je voyais mille possibilités d'affronter l’avenir autrement au lieu de perdre mon temps dans ce coin perdu où je n'avais absolument rien à faire. L'idée de retourner à l'Île de la Réunion me revenait souvent à l'esprit et qu’avais-je à raconter à mes parents après avoir disparu si mystérieusement? Après plus d'une année d'absence, me revoilà avec un enfant dans les bras. Tous les ragots qui allaient sortir sur mon compte suffisaient pour me faire regretter d'avoir pris de telle décision. Je connaissais très bien les gens que j'avais côtoyés pendant des années pour ne pas comprendre les langages qui seraient utilisés contre moi, les regards qui me seraient lancés, la froideur avec laquelle je serais accueillie, et la manière dont je serais traitée. N'est-ce-pas suffisant pour me faire éloigner de ce monde où mon existence n'avait aucune signification ?

J'aimais bien souvent fantasmer sur mon avenir. Cela me permettrait de voir les choses avec une certaine lucidité. J'aimais aussi voyager dans le futur pour deviner les conséquences des entreprises dans lesquelles je voulais me lancer. Donc dans le cas où j'avais décidé de retourner chez mes parents la première chose que je devais faire était de les annoncer que j'étais bien vivante et que je me trouvais en France. Ceci me faisait penser déjà à la joie dans laquelle ils allaient se trouver. Je n'avais pas besoin de ne fournir aucune explication de ce qui s'était passé. Mes parents seraient plus intéressées de savoir dans quelle situation je me trouvais que de chercher à connaître mes mésaventures. Mes parents seraient impatients de me retrouver. Combien un objet perdu ne se valorise pas à nos yeux! Je serais accueillie en fanfare et une grande fête serait organisée en mon honneur. Et puis que se passerait-il quand la fête se terminerait, quand les invités seraient partis, quand je demeurerais toute seule devant mes parents et que j'avais des comptes àrendre? Quelles explications pourrais-je donner pour justifier cette longue absence? Serais-je obligée à cacher la vérité ? Aurais-je le courage de tout raconter de mes fautes, de mes folies qui fit mon déshonneur? Et qu'espérais-je par la suite? Que mes parents me tendaient les bras? Que je les entendais dire qu'ils me pardonnaient, que l'important était que je me trouvais avec eux, que j'étais saine et sauve, qu'ils m'aimaient et que je n'avais pas de soucis à me faire, qu'ils me protégeraient et que la vie continuerait comme auparavant? Comment mon enfant serait-il considéré et quel égard lui serait accordé? Je ne pourrais jamais supporter l'idée que mes parents ne reconnaissent pas mon enfant. Je serais déçue mais que pourrais-je faire? Je préfère ne pas y penser. Je le jugeais honnête de ma part de les informer par écrit que j'existais encore. Ainsi ma conscience serait claire et tranquille.

Mon lieu de travail me permettait d'avoir contact avec nombreuses personnes de différentes couches sociales. J'eus donc l'occasion de m'entretenir avec tous ceux qui voulaient me raconter leur vie. Je parvenais de cette manière à être informée des problèmes de l'existence évoqués de différentes façons. Je ne pourrais m'empêcher d'en tirer la morale pour me montrer plus circonspecte dans mes rapports avec les gens. Les revers de l'existence ont des conséquences bien néfastes. Parents et enfants ne parviennent plus à s'entendre, entraînés chacun de leur côté par leur idéologie. Les modes et les cultures de la nouvelle génération rejetant, refusent les vieilles traditions. Quand les parents imposent les enfants disposent. Cette contradiction apporte une dégradation dans les rapports entre parents et enfants, une froideur dans les sentiments. C'est le début d'un long conflit qui termine toujours mal. Les douleurs éprouvées ensuite s'ajoutent à d'autres épreuves de la vie. Les blessures causées après ces luttes acharnées ne se referment pas sitôt et les cicatrices demeurent à jamais sensibles. Les moindres contrariétés les ouvrent et font paraître une fois de plus la plaie. Vivre dans une telle condition exige courage, volonté et force. Combien cela est douloureux de terminer son existence autrement que de ce que l'on imagine. C'est dans des moments pénibles et difficiles qu'on se sent seul, isolé. N'est-ce-pas que c'est à ce moment là que tout parait froid, lugubre comme dans un tombeau ? En vérité la vie n'est pas autrement. Je voulais éviter que ma vie soit un échec. Toute seule je ne voyais aucune chance qui pourrait me permettre de me relever de la situation où je me trouvais. Il fallait absolument que je me débrouille pour m'en sortir. Il fut un temps où j'étais accaparée, accablée telle une patiente qui souffre des troubles psychiques. Je demandais à Sheinaz de rester la nuit pour s'occuper d’Akbar. Il m'arriva même d'entendre le soir des bruits étranges et de pousser des cris qui firent Sheinaz se précipiter dans ma chambre pour me rassurer. Je travaillais plus que d'habitude ces derniers temps. Je rentrais à la maison très tard, rompue par la fatigue. Il me manquait des distractions. J'avais besoin de sortir et de connaître un peu de monde.

 

 

 

 

 

 


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