DES MAÎTRES ET DES ESCLAVES 1
DES MAÎTRES ET DES ESCLAVES 1
"Un voyage dans le temps, à l'époque de l'esclavage, à l'Île de France et l'Île Bourbon. Je vous invite à me suivre dans cette aventure palpitante qui vous réserve tant de surprises.."
Plusieurs nations traversaient l’océan indien au début du 18ème siècle. Les Français étaient les premiers à s’intéresser vraiment à l’Ile de France. Les Hollandais qui s’y trouvaient la quittaient à jamais. Ils étaient déçus, découragés et même désintéressés peut-être par son état sauvage et la distance qui la séparait des grands continents.
La Compagnie des Indes venait s’y installer. Elle cherchait plutôt un port pour abriter leurs navires pendant les quatre longs mois cycloniques de l’année. L’île de France n’avait pas en réalité grande chose à les offrir. Elle était couverte d’une végétation dense. Il y avait des marécages, des ravins, des rivières, des ruisseaux, des étendues de plaines, des forêts vierges encore, des lacs perdus au fond des bois, des belles plages de sables blancs et fins, des régions côtières superbes, une quantité de gibiers, des anguilles, des poissons, des tortues.
Entre Port Warwyke - plus tard Grand Port - et Port Nord Ouest, ils optèrent pour ce dernier qui fut appelé par la suite Port-Louis. Cette région de l’île fut séparée en ce temps là en deux parties par un ravin marécageux creusé par les ruisseaux de la montagne Le Pouce. Une épaisse végétation s’étendait jusqu’au Morne de la découverte, aujourd’hui la montagne des Signaux, et le quartier des Remparts à gauche et jusqu’au quartier de la rivière Latanier à droite.
Des cases en palissades et en terre, des paillotes, des baraquements couverts des feuilles de lataniers, servaient d’abri aux hommes de la Compagnie des Indes et aux soldats.
C’était le début d’un long travail assidûment élaboré sous le commandement des grands hommes tels que le Gouverneur Mahé de Labourdonnais, l’Intendant Poivre, le Bailli de Sufren ; leurs efforts, à des époques différentes, aidaient à la formation d’une colonie solidement bâtie dans ces terres et dont les empreintes marquèrent les générations futures.
Plusieurs bâtiments importants tels que L’Hôtel du Gouvernement, l’hôpital, les casernes, la loge, l’église paroissiale, les logements, les bureaux et, même un bagne pour les noirs marrons, les récidivistes, les criminels, les fauteurs de troubles furent construits dans divers lieux de la ville. Les quartiers résidentiels et commerciaux s’étendaient à des endroits où les activités prenaient de l’essor. Une variété de plantes et d’animaux atteignit l’île par la suite. Les forêts étaient pullulées de gibiers, de singes, de tortues; certaines régions étaient transformées en vergers, en jardins d’acclimatation pour ces plantes exotiques venant des quatre coins du monde. L’agriculture coloniale trouvait sa naissance dans les démarches et les activités que les agronomes, les botanistes et les jardiniers mirent en place pour la réalisation des grands projets qui prenaient au fil des années des dimensions considérables.
Alors que le Directeur de la Compagnie des Indes trouvait en Port-Louis une loge fortifiée, un entrepôt, un port d’escale, le Gouverneur Mahé de Labourdonnais trouvait plutôt une ville solidement bâtie dans l’Océan Indien. Plusieurs services furent déjà mis en place dans l’Ile. Les ouvertures des routes carrossables reliant un quartier à un autre aidaient les habitants à se déplacer avec facilités. Les colons effectuaient de fréquents voyages dans l’intérieur de l’île. Beaucoup de personnes venant des régions lointaines et avides aux gains, à la richesse abordaient l’Ile dans l’intention de s’y établir et de faire fortune le plus rapidement possible. L’arrivée des engagés indiens, des esclaves malgache et africain fit accroître en peu de temps le nombre d’habitants. Les flottes françaises, dans la course aux armements et à la conquête des terres, se heurtaient bien souvent aux escadres anglaises qui se montraient très redoutables. Pendant la guerre de sept ans, la Compagnie des Indes, voulant agir à sa guise, fut complètement ruinée, cédant tous leurs comptoirs aux Indes, et en même temps l’Ile de France contre une importante somme d’argent, au Roi de France.
Les activités à I ‘Ile de France devinrent en ce temps là intenses. L’Ile avait le renom d’être le nid des corsaires. Plusieurs hommes sans scrupules y débarquèrent pour faire fortune sur la misère publique. En mer, corsaires, pirates, flibustes, navires marchands luttaient pour la survie. Les catastrophes naturelles, les calamités, les carnages et les massacres ne pouvaient être évités. Seuls les plus rusés, les plus puissants, les plus équipés, les mieux préparés étaient épargnés. Les colons se réunissaient dans les sauteries que les officiers de la garnison organisaient. Les gens s’amusaient dans des soirées, des festivités. Les enfants des colons s’habituaient à la vie mondaine par des sources de distractions que les gens soucieux d’organiser leur vie trouvaient au sein même de la société naissante.
L’arrivée des administrateurs royaux portait d’autres changements dans l’aspect de l’Ile. En peu de temps les réparations des bâtiments délabrés furent effectuées. Une relance exceptionnelle des activités agricoles permit l’île à s’approvisionner des denrées allimentaires prêtes à l’exportation. Trois moulins à eau fabriquaient de la farine, une boulangerie, des magasins, une imprimerie furent mises en place et fonctionnaient admirablement. Des produits vivriers aussi abondaient l’Ile et permettaient aux habitants de tirer profits.
Malgré que le libertinage chez les blancs comme chez les noirs atteigne une proportion considérable, les administrateurs royaux eurent du fil à retordre pour réprimer ces immoralités de vieille date. Cela, par contre, n’affecta pas tellement les mœurs de l’île.
Les cabarets de la ville accueillaient tous les gens assoiffés de divertissements; la présence des officiers et des colons des lointains quartiers fût très marquée. Les esclandres, les multiples accrochages publics, les affrontements entre individus ou groupe des gens, les conflits sociaux, les fouteurs de troubles furent vivement réprimandés par les personnes ayant la compétence de maintenir l’ordre public et de le faire respecter. Les lois en vigueur décrétées par le Conseil, la traite des noirs, les avis et communiqués atteignirent le grand public par des voies normales et de manières décentes et convenables.
Des milices circulaient la région et pourchassaient les mécréants, les bandits, les criminels, les voleurs des grands chemins, les noirs marron. Les commandants des quartiers avaient une tâche bien délicate pour faire régner l’ordre et la justice. Ils étaient constamment confrontés à des situations difficiles qui pouvaient compliquer leur existence.
Maîtres et esclaves avaient des règlements à respecter et quiconque cherchait à enfreindre la loi ne serait pas épargné du joug de la justice. Mais combien des injustices sociales qui ne furent jamais respectées, dénoncées? Les faibles subissent toujours dans le silence la loi des plus forts et ce n’est que justice qui vient du ciel qui donne l’équilibre à la situation.
Quand la guerre de l’indépendance de l’Amérique fut éclatée, l’Ile de France, de par sa position stratégique, aida les Français sous le commandement de Bailli de Suffren, de mener une guerre glorieuse contre les Anglais dans les eaux indiennes, aux environs de Pondichéry. Les Anglais subissaient de lourdes pertes et des défaites inimaginables. Ils reconnaissaient l’importance de l’Ile de France dans l’Océan indien. Leurs courages et leurs déterminations de vaincre tournaient leurs regards vers cette île qu’ils cherchaient à s’emparer.
Evidemment, à une époque aussi reculée, des îles semblables dans presque toutes les parties du monde étaient les moins protégées contre les attaques venant de l’extérieur. Les garnisons et les forteresses s’affaiblissaient sous les incessants assauts des ennemis. Les plus forts seulement exerçaient leur domination. Hormis des dangers pareils, ces lieux étaient constamment menacés par des conflits intérieurs qui causaient beaucoup de troubles dans la population
L’île de France ne fût pas épargnée de ces crises qui éveillaient au sein de la population des craintes, des frayeurs, des incertitudes de l’existence que les habitants ressentaient comme ce matin, la nouvelle qui annonçait et décrivait les horreurs d’une nuit venait se heurter contre les oreilles sourdes encore par le sommeil, mais consternés, stupéfaits par ce qui se disait, par ce qu’on racontait. Port-Louis émergeait des ténèbres pendant que l’aube pointait.
DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 6
DE SI LOINTAINS SOUVENIRS 6
« Ce qui nous différencie des autres créatures c’est cette mémoire que nous possédons et que nous avons toutes raisons de transmettre quand il est encore temps. »
La jeunesse me fit découvrir des gens sympathiques à mon égard. J’avais développé un tel caractère que je portais beaucoup d’importance aux respects, à l’obéissance que l’on devait aux grandes personnes de notre entourage, ce qui instaure en nous-même cette vraie valeur morale tant recherchée dans la société. J’essayais de me rendre utile dans les moindres circonstances et ne me mettais jamais en colère ni rouspétai-je quand l’on me demandait d’accomplir une tâche. Je gagnais l’estime et la considération des gens que je côtoyais et surtout des parents qui ne manquaient pas l’occasion de faire mon éloge et de me citer comme exemple à suivre parmi les enfants de ma génération. Je tirais par ces démarches toute ma fierté que je ne pouvais cacher d’ailleurs et qui me plaçait haut dans l’estime des grandes personnes. J’avoue par contre que j’étais un garçon très susceptible et pouvais avoir les yeux remplis de larmes par une simple réprimande. J’exerçais mon autorité sur ceux qui étaient mes cadets et les grondais si je constatais qu’ils avaient commis des bêtises. Je me faisais craindre et respecté sans me montrer méchant ni agressif. Je me souviens très bien avoir été sévèrement réprimandé par mon père pour avoir commis une bêtise monumentale. Ce n’était que bien plus tard que je réalisais la gravité de mes actes. Ma faiblesse était que je ne pouvais pas refuser quand l’on me demandait de rendre un service. J’avais noué amitié avec un garçon du village avec lequel j’avais pour habitude d’aller me promener. L’estime que j’avais pour lui n’était autre que de l’amitié. Je n’en avais pas beaucoup d’amis et le peu que j’avais me suffisait pour me permettre de passer le temps dans la distraction. Il était plus grand que moi de quelques années et j’éprouvais pour lui du respect. Il avait commencé à fumer et se retirait souvent au bas de la rivière pour en allumer une des fois. Un jour, une envie terrible lui en prenait de fumer mais il n’en avait pas de cigarette. Il m’avait supplié d’aller lui en prendre un paquet dans la boutique de mon père. J’étais embarrassé et ne savais quoi faire. Je savais que je n’avais pas le droit de faire une chose pareille. Je ne voulais pas non plus lui déplaire. Sans réaliser que j’allais commettre un vol odieux par cet acte stupide, je me rendais dans la boutique pour prendre sur l’étagère un paquet de cigarette et m’étais fait attraper par mon père lui-même. Il m’avait donné une bonne raclée bien méritée que je n’oublierais jamais de toute ma vie mais qui m’avait servi de leçon à jamais. Alors que l’ami m’attendait au bord de la rivière je ne lui avais jamais plus revu.
Parmi les personnes qui m’ont marqué au cours de mon enfance je ne peux ne pas mentionner mon oncle qui m’a impressionné par sa conduite exemplaire à mon égard. Jamais il ne m’a froissé dans les sentiments, ni a-t-il prononcé à mon égard une seule parole blessante. J’ai toujours éprouvé pour lui de l’estime et de l’admiration. Quand je passais à la croisée des chemins pour se rendre à l’école, je le voyais en train de jouer aux dominos sous la véranda en compagnie des autres amis, tous des chauffeurs de taxi. Mon oncle avait une consule de couleur bleu roi que je prenais beaucoup de plaisir à laver, à nettoyer, à lustrer les samedis matins quand il n’y avait pas d’école. Il m’emmenait des fois avec lui quand il se rendait avec des clients dans des lointains quartiers. J’étais à l’époque avide des plaisirs que me procurait un long voyage en voiture. Mes intérêts à visiter et même découvrir les autres partis de mon île s’accroissaient d’emblée. Peut-être que j’étais encore trop jeune pour nourrir dans mon esprit la curiosité ou peut-être que je n’étais pas encore bien éveillé pour accorder de l’importance à ce que mon île avait de plus merveilleux à me montrer. En tous les cas je me voyais bien en train de me vautrer confortablement au fond du siège arrière de la voiture avec les yeux écarquillés devant les magnifiques paysages qui se défilaient de chaque côté.
De mon premier long voyage que j’avais effectué jusque la Réunion en compagnie de ma grand-mère paternel alors que j’avais à peine 10 ans il me reste encore quelques souvenirs. Je me souviens bien de cette séquence où je descendais une rue étroite de Saint-Denis derrière mon cousin dans une pente asphaltée sur une patinette faite en bois et des roulements à billes. Une autre fois je fus renversé par une bicyclette en traversant la rue sans heureusement me faire trop de mal. Je sautais par une fenêtre pour marcher sur les tôles brûlantes. Je jouais avec des bois en forme de cubes. J’effectuais un voyage fatiguant par le ti-train, le car courant d’air qui roulait pendant longtemps avant d’atteindre notre destination Saint-joseph où habitait ma tante. Je humais souvent l’odeur du savon Marseille tout près des bassins, une odeur forte, particulière qui me rappelle à chaque fois cette atmosphère sombre de la maison et tous les décors des escaliers en pierres qui reliaient la maison à étage à la grande cour ombragée par quelques manguiers et où se trouvait également un puits et des ustensiles de cuisines posés sur le muret. Beaucoup des événements de cette époque sont restés estompés dans la mémoire. Tous mes efforts demeurent vains pour les faire surgir. Même les visages des personnes que j’avais rencontrées ne représentent plus grand-chose dans mon esprit. L’époque remonte bien trop loin dans le passé pour que je puisse retenir davantage de séquences, le développement de mes facultés était beaucoup trop lent pour préserver encore des événements mal imbibés par ma mémoire.
Mon sommeil était des fois interrompu tard dans la nuit par l’arrivée des parents de la Réunion. Les yeux encore lourds de sommeil j’entendais des grands éclats de rire, des voix qui tonnaient dans le grand salon, des froissements de belles parures, des trimbalements des valises lourdes et assurément remplies des beaux cadeaux qui seraient distribués le lendemain. J’étais trop jeune pour me mêler à l’ambiance qui régnait parmi les grands malgré que j’aie l’envie de me lever pour aller partager ce moment exultant. Je faisais semblant de dormir en épiant d’un œil ce qui se passait dans le salon où les lumières vacillantes des lampes s’interposaient entre les silhouettes et les ombres.
Les jours qui suivaient me procuraient de nombreuses occasions à me promener en voiture, me rendre chez des parents à PL où nous restions jusqu’à tard le soir. Nous nous rendions au bord de la mer où j’eus l’occasion de me baigner dans l’eau tiède en profitant des sables blancs et éblouissants. Un grand cousin qui habitait avec nous et qui conduisait la voiture nous emmenait visiter les beaux sites de notre île que j’admirais avec beaucoup de plaisir. Ce moment fastidieux ne durait pas longtemps, malheureusement. Le départ des parents était suivi par des moments tristes et remplis de beaux souvenirs.
Tout le long de l’année et particulièrement pendant les vacances scolaires, des fêtes étaient organisées. Les habitants de tout le village et même de l’île pouvaient participer. Les crèches, les enceintes des établissements scolaires, les cours des collèges, les centres sociaux, les couvents et nombreuses structures à caractère social et culturel étaient bondés des gens venus pour s’amuser les uns à côté les autres. Cela pouvait occasionner des rencontres fortuites comme ce pouvait être l’occasion de fixer un rendez-vous, de nouer de l’amitié, de trouver un amour qui sait quant aux distractions il n’en manquait vraiment pas.
Le grand jardin botanique de Pamplemousses organise chaque année son pèlerinage dont la date est fixée depuis bien longtemps pour que les pèlerins débarquent tôt le matin venant des villes et des quartiers lointains. Chaque famille se regroupe sous l’ombre des arbres bicentenaires, sur des gazons soignés, dans des kiosques solitaires situés au milieu des bassins remplis des poissons affamés. Munies de leurs victuailles pour passer une journée mémorable ces familles se retrouvent dans une ambiance survoltée où le son des ravanes se mélange à la voix stridente des ségatiers en herbe qui seront rejoints par quelques danseurs demis saouls pour que la fête dure jusqu'à la dernière lueur du crépuscule.
Au début de ma jeunesse les voiles commençaient à s’écarter des mes yeux timides et innocents. Je portais mes regards assoiffés et vides d’expériences sur tout ce qui pouvait paraître singulier pour satisfaire ma curiosité.
Des que je fus admis au collège à P L je m’éloignais de mes parents et de mon village. Le cordon ombilical étant coupé je regardais le monde avec un œil différent et un état d’esprit nouveau.
Je trouvais du mal à m’adapter malgré que je fusse aimé, considéré. Les décors de la ville avec ses maisonnettes entassées les unes auprès des autres, le climat inhabituel, l’atmosphère qui emplissait les rues et les ruelles, les trottoirs dont les pavés remonte à l’époque coloniale, les canaux de chaque côté des rues qui entraînaient l’eau des pluies étaient pour moi du moins des plus singuliers. Je mettais du temps à m’habituer.
Mes études en souffraient énormément. La chaleur accablante de l’été à laquelle je n’étais pas habitué me déprimait davantage. J’attendais avec beaucoup de patience le vendredi après-midi pour rentrer à la maison.
Mes liens s’étendaient, prenaient de l’ampleur dans la nouvelle société. Ma vision de ce monde commençait à s’élargir et ma connaissance aussi. Je commençais à comprendre la situation embarrassante dans laquelle je me trouvais et cela ne me plaisait guère.
Je compris qu’il n’y avait pas moyen dans un premier temps de changer quoi que ce soit. Je l’acceptais avec résignation et réticence. Je pensais que ce sacrifice me ferait profiter des fruits que cela m’apporterait plus tard.
Pourtant j’aurai pu me rendre à mon école par le bus tous les jours mais les parents en avaient décidé autrement. Mon cousin de PL faisait le même chemin de l’école et pourrait jeter un œil sur moi, ce qui était considéré comme une assurance pour mes parents.
Pourtant je ne regrette rien de ces deux années passées à PL. J’eus l’occasion de me familiariser avec nombreux amis que je perdis de vue par la suite.
Les moments qui m’avaient les plus marqués pendant ces années d’étude étaient ces fêtes nocturnes tenues par les chiites. J’écoutais plusieurs nuits de suite les roulements des tambours et voyais passer les chars décorés des belles lumières qui marquaient le mois de Muharram.
Je me rendais des fois aux C de M pour assister aux courses des chevaux particulièrement les samedis. J’allais voir un beau film du genre péplum au Théâtre de PL, au Majestic, à Luna Park ou à Rex. J’allais me promener dans le Jardin de la Compagnie, fréquentais la Grande mosquée, passais devant les églises et les cathédrales, contemplant la Citadelle au loin.
Je découvris le port avec ses flots qui berçaient les chaloupes, les canots, les bateaux à moteur, des navires et des remorqueurs.
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LA COLONIE LOINTAINE Chapitre 9
Chapitre 9
La pitié, la pitié de le trouver malheureux l'avait décidée à s'abandonner à lui. Elle avait aussi besoin de tendresse et quand il s'était approché d'elle et l'avait enveloppé de sa chaleur, de cette senteur mâle elle s'était blottie contre lui pour se réchauffer. Jamais sensation de confort, d'assurance, de sécurité ne l'avait autant exaltée au point à s'abandonner à lui. Cette minuscule pièce obscure s'était apparue pendant un moment comme un immense palace scintillant et lumineux. Elle avait rencontré le bonheur éphémère qui avait fait tressaillir ses entrailles mais l'avait marquée d'un sceau qui ne tarderait pas de la trahir et qu'elle devrait porter comme une croix jusqu'à sa mort. Honte à elle de s'être livrée à l'homme en dehors des lois sacrées du mariage et si elle ne s'empressait pas de corriger son erreur elle risquait de voir tomber sur elle comme un glaive les malédictions des cieux. Cours pour fuir l'antre du péché et pour chercher refuge là, à l'abri des calomnies lancées à torts et à travers par les hommes de ce bas monde, expie tes fautes, demande à genoux pardon au Seigneur, prosterne toi à même le sol jusqu'à souiller la face cachée, défigurée, transfigurée pour demander grâces, acte salvateur qui seul peut mener à la rédemption, au repentir.
Julie aurait dû trouver des excuses pour s'absenter de son travail. Elle désirait se retirer dans un endroit isolé pour réfléchir de ce qu'elle devait faire. Tous les symptômes de la grossesse la rendaient malade et indisposée. Elle portait déjà le poids du péché dans ses entrailles et imaginait la consternation dans laquelle elle allait mettre son grand patron quand il apprendrait que son fils avait séduit et engrossé une bonne. Elle essayait de penser de ce qui allait se passer : la famille en grande réunion pour interroger le fils, des voix élevées pour démontrer l'exaspération des uns, la colère des autres, des déplacements rapides, brusques, des menaces, empressement des pas dans le couloir, dévalement des escaliers, cris, pleurs, hurlement pour démontrer le moment dramatique que vivait une famille. Et tout ça parce qu'il avait conçu un enfant avec une domestique.
Ne regarde pas en arrière comme la femme de Loth en fuyant Sodome et Gomorrhe pour ne pas se transformer en statue de sel. Continue droit devant toi en évitant les regards des hommes, fuis-les comme la peste, traverse la ville et cherche refuge là où personne ne pose de questions. Vis cet instant en complète communion avec Dieu. Lui Seul peut te sauver. Il connaît tout, Il comprend tout. Il est Bon et Miséricordieux. Confie-toi à Lui Seul. II saurait te montrer le chemin dans les embûches de la vie. C'est vers Lui que nous devrons tourner dans un moment de perdition.
Perdue au milieu de cette multitude des gens qui surgissaient de partout et se dirigeaient dans toutes les directions Julie pouvait à peine distinguer les magasins achalandés, les bistrots, les façades des bâtiments, les visages insignifiants des passants qui croisaient son chemin. Elle se dirigeait vers la gare pour attraper le dernier train qui devait quitter la ville. Le soleil qui dardait ses dernières lueurs jaunâtres sur l'étendue de la mer déclinait à la même vitesse que les ombres qui surgissaient derrière les bâtiments, les rochers, les montagnes et les arbres fortement ramifiés. Absorbée dans ses pensées en prenant place sur le siège au fond du wagon elle entendit résonner dans sa mémoire la voix de son grand patron qui s'adressait à son fils dans un langage véhément sur la honte qu'il les couvrait pour avoir fait un enfant avec une femme de chambre, sur la liberté qu'il avait toujours pris pour se comporter comme bon lui semblait et sur toutes les peines et les ennuis qu'il ne cessait de les apporter. Pour ne pas avoir à se confronter à la fureur d'un patron qu'elle avait déçu, envers lequel elle était ingrate elle fuyait la maison, elle fuyait la ville, couverte de honte pour avoir bafoué son honneur, pour avoir manqué à sa parole. Quel visage présenter à ses parents qui ne l'attendaient pas et qui allaient deviner qu'elle avait des ennuis? Ses yeux étaient rouges et larmoyants.
Ses idées étaient dans la confusion totale. Elle regardait défiler les paysages, remarquant à peine les maisons cachées derrière les bosquets et les bananiers. Cette machine infernale traversait les ombres obscures des bois. Les éclaircis causés par des interstices laissées par des arbres élagués apportaient à intermittence des brèves lumières jaunâtres du soleil couchant.
Julie était partie. Elle n’avait pas de destination. Mais elle voulait aller le plus loin possible pour oublier ses peines. Bakar n'avait pas attendu une seconde pour se précipiter dehors afin d'aller à sa recherche en parcourant les rues de la ville de long en large. Il scrutait les moindres silhouettes au loin, courait après elles pour constater que ce n'était pas Julie; il se comportait comme un éperdu, un effaré en se rendant dans des lieux où il espérait la retrouver. Elle s'était évanouie dans les ruelles obscures, derrière les façades décrépites des bâtiments, disparue, absorbée, enlevée de cet endroit enveloppé déjà dans la pénombre. Bakar ne gardait aucun espoir en regagnant la maison; son visage était marqué par l’inquiétude, la déception, le découragement et la résignation.
II faisait nuit quand Julie quittait le wagon. Il était trop tard pour s'engager dans les sentiers obscurs et lugubres qui menaient vers son village. Elle ne voulait pas non plus se présenter dans cet état devant ses parents pour éviter de leur donner des soucis. Elle connaissait une amie d'enfance qui s'était mariée tout récemment à un homme respectable et qui habitait dans une modeste maison de la ville. Elle lui avait rendue visite une fois et avait compris qu'elle menait une existence paisible. Elle décida d'aller frappait à sa porte pour demander hospitalité afin de ne pas passer la nuit dehors. Cette amie n'avait pas hésité, avec l'accord de son mari, de la recevoir, de lui offrir de la nourriture et de mettre à sa disposition une agréable petite chambre où elle avait pu dormir tranquillement ce soir là. Le lendemain matin elle s'était réveillée de bonne heure, avait remercié infiniment son amie et était partie vers son village.
Elle ne leur a pas appris ce qui s'était passé. Elle avait préféré ne pas rendre compte de sa situation. Elle avait dit qu'elle ne travaillait plus, qu'elle était fatiguée, qu'elle avait voulu se retrouver dans sa famille. Personne ne lui avait posé de questions. Elle espérait pouvoir régler ce problème pendant que ce petit bout de chair commençait à pousser dans ses entrailles.
Deux mois plus tard, Novembre 1938, par un temps affreux, des gens étaient venus annoncer que Monsieur Deschamps était grièvement blessé par un énorme tronc pendant qu'il aidait des hommes à abattre des arbres pour élargir les routes encore carrossables. Il succomba de ses blessures quelques heures plus tard. Cette disparition soudaine du chef de la famille portait un coup fatal à Mme Deschamps qui avait mit du temps à se remettre de la situation. Elle avait une santé fragile, se débattit pendant plusieurs jours d’une fièvre qui ne la lâchait pas, refusant de consulter un médecin, prenant des tisanes qu'elle préparait elle-même. Quelques voisines dont la maison se trouvait à proximité venaient lui rendre visite. Elles apportaient de la soupe et insistaient pour qu'elle boive afin de gagner de force. Julie faisait ce qu'elle pouvait devant la situation. Elle était désemparée, abattue, découragée et se sentait perdue. Elle apprit que le lopin de terre qu'ils occupaient était payé en partie et la dette contractée était importante. Les échéances de chaque terme payable tous les trois mois et échelonnées sur plusieurs années exigeaient l'économie d'une somme d'argent qu'il faudrait trouver pour honorer les créances. Quelques bœufs bien gras qu'il fallait nourrir, des cabris, des porcs représentaient de l'argent sûr s'ils trouvaient acheteur dans les meilleurs délais. Les cultures de légumes et les arbres fruitiers pouvaient faire rentrer de l'argent pendant quelque temps si un mauvais temps ne les détruisait pas tous. Mais comment une femme seule pouvait cultiver la terre et élever les animaux pour faire prospérer les affaires? Elle n'avait pas le même courage que son mari. Fabien était encore trop jeune pour assurer une telle responsabilité. Que faire quand il n'y aurait plus rien à vendre? Quelle contribution Julie pouvait apporter à tout cela? La situation se présentait désastreuse et si dans les jours qui suivaient des mesures n'étaient pas prises pour trouver remède, un avenir bien sombre les attendait. L'argent ne se gagnait pas facilement. II était absolument nécessaire d'aller le chercher, le trouver. Mais comment? Julie ne cessait de remuer toutes ces questions dans sa tête quand elle se retrouvait seule le soir dans sa chambre. Elle faisait des rêves prémonitoires dans lesquels elle voyait les animaux qui dépérissaient et gisaient sur un sol desséché loin dans les bois, les écuries et la basse-cour vides et dans un état lamentable, les plantations décimées et les champs dans la désolation. Le visage émacié de sa mère se réfugiant sous la véranda de la maison tombée en ruine et les corps de sa sœur Yvette et de son frère Fabien allongés par terre, elle-même avec un ventre énorme l'avait arrachée de ce cauchemar horrible et lui avait donné une telle frayeur qu'elle n'avait pas fermé l'œil le reste de la nuit.
Par un matin grisâtre du mois d’Avril, en se réveillant, Julie décidait d'aller retrouver son petit patron pour tout l’avouer. Elle était bien liée à lui par cet enfant qu'elle portait dans ses entrailles. Elle reconnaissait l'erreur qu'elle avait commise en voulant fuir. Elle aurait dû affronter la réalité. Était-elle la seule responsable? Pourquoi avait-elle agi comme une sotte? Avait-elle pensé que son absence aurait pu avoir de graves conséquences? Elle avait des excuses. Elle avait perdu son père et c’était suffisant pour justifier son absence.
Mais combien elle était stupéfaite quand elle apprit que le père de son enfant avait quitté le pays.
Personne dans la maison n'avait remarqué qu'elle était enceinte. Elle n'avait pas le courage d'en parler à qui que ce soit. Elle était condamnée à garder le secret et à porter son péché toute seule. Qui était le père de cet enfant qu'elle devrait mettre au monde plus tard. Ne devrait-elle pas le dire? Attendait-elle le moment venu pour sortir de son silence et informer le monde qu'elle avait fait un enfant avec son petit patron. Comment légitimer cet enfant innocent? Que faire pour lui donner une identité? Elle était perdue. Elle avait compris qu'elle avait sa part de responsabilité à assumer et maintenant qu'elle se retrouvait seule devant la situation, elle ne trouvait aucune solution, à moins que, dans un dernier recours... oh! Quelle pensée abominable, que Dieu la pardonne. Elle n'aurait jamais dû penser à cela. Elle aimait trop ce qui se manifestait en elle pour vouloir s'en débarrasser. Elle trouverait le courage de l'attendre, de le prendre dans ses bras, de lui donner l'amour dont il avait besoin.
A love of youth (A Y
A love of youth (A YOUNG GIRL IN LOVE Book 1) (English Edition) de Kader Rawat, http://www.amazon.fr/dp/B00CRJ0M4Q/ref=cm_sw_r_pi_dp_ULtDvb13RBD0M
The Far Away Colony Chapter 8
The Far Away Colony
Chapter 8
Julie was through a period of youth which didn't leave her indifferent to the interest that men shown towards her. Although she tried to be vigilant and circumspect in delicate situations, she made no effort to reject the advances of the admirers she crossed on her way, and who wanted to pass some pleasant moments in her company.
When she was really overcome with the desire to appeal to somebody, she exhibited on purpose, to attract their attention with her fashionable manners full of mischief, her hidden charms. Her young girl face, embellished and blossomed by the possibility to evolve in a society she was discovering, witnessed the enthusiasm that accompanied her when she moved and the pride she pulled out due to the position she occupied which represented a success and an achievement symbol.
Her cheeks made pink by the freshness of the Highs changed its cast and color under the coastline sun. This didn't disturb the effect she produced when her enchanting looks touched those of men. Slim, her young girl's body had given up its place to a precocious woman's one; she had beautiful legs she hid under long pleated skirts she made with curtain's fabric. She had a slender face, a turned-up nose, thin glowing lips often touched by her moist tongue, big hazelnut eyes and a large forehead that betrayed her intelligence; all this was embellished by thick light hazelnut hair which revealed a beauty the best artists would argued to have as a model to create a masterpiece. If she had known that such a beauty could work as an effective weapon to make her way through the existence’s traps, her innocent mind would have known a long time ago the pangs of corruption, which would have dragged her where she could have got lost. She was spared from such an influence.
She had no experience and didn't look like those courtesans who knew the tricks to take advantage from the situations; she hesitated a lot before throwing herself into adventures that could have made her enjoy life and learn to know the world. On several occasions she was approached by men who were struck by her beauty, and who, sometimes, followed her into the deserted streets of the town when she did her mistress' shopping. She could have accepted an appointment and started an adventure with no future but the idea of behaving in that way didn't touched her mind. Even so, she didn't refuse to talk to them. She felt an infinite pleasure to reply to them with a disconcerting frankness and some irony that astonished them. She couldn't help to be delighted with her rudeness and got rid of them the way one repels a cockroach from the back of the hand when it inopportunely sets down on oneself.
Such an attitude reduced her chances to find a husband and to set up home, as her mother wished. However, her intentions were far from dreaming on a marriage and she had promised to her parents to help them with the lands; she wanted at all costs to respect her commitments. She leaved in an environment that had left in her mind consequences from the time that has run away into her imagination. She didn't feel any pleasure to revisit the past. However, the evening, when she was all alone in her bedroom and suffered from insomnia, how could she reject the sequences of the past? Was she condemned to endure those obsessions all her life? Wasn't she right to keep going at work and enjoy the home warmth? Was she becoming an easy prey for the men who didn't stop running after her? She accepts she has let thing go too far but she didn't despair. She thought she could discourage them during the following days and convince them that it led to nothing to seduce her. They were her little bosses and she owed them respect. But when she started to run away from them and take refuge with the other members of the family, they found other ways to be alone with her. She defended herself not so bad. To one of them she answered:
“If your parents get to know that you are chasing me they are going to dismiss me. I am here to work and you are bothering me. Could you please leave me alone?”
“I am not chasing you. Don't I have the right to speak with you? What's wrong about that?”
“If you speak without saying silly words, there's nothing wrong, I just don't like to be touched.”
“I have no intention to touch you. I like you and I want to have a conversation with you.”
“Why do you want to speak with me? I don't see what we could say to each other. I am just a poor house cleaner who wants to carry out her tasks in peace. Therefore, it's better to keep our distances. In any case, it's important for me to do my work and nothing else.”
Next time, when the little boss said:
“Why are you so afraid of being fired? Don't you see I am here to protect you? Besides, you do your work well and everybody loves you.”
She answered:
“That's enough for me. You don't have to love me in another way. By continuing to follow me like that, you embarrass me. I don't want the others to think badly.”
“Nobody will think badly. We are doing nothing wrong.”
“You say that; but the others may not think this way. You don't need to be acquainted with me and tell me things I don't need to know. It's your life and I am not interested.”
“I like to tell you my life. You inspire me so much confidence. Maybe I need someone to confide to. I like you and I think I have feelings for you.”
“You say anything to grant the favors of the women you desire and then get rid of them. You let your instincts drag you to commit all sorts of ignominies without considering their consequences. You want to have women at your feet so you can pamper yourself and satisfy your dalliances.”
“You are wrong to think like that.”
“Men usually don't reflect before acting. That brings them to ruin most of the times. Just consider for a moment the happiness a woman seeks when she imagines to find in a man some love, some affection. You have no idea how important it is to the eyes of a woman to feel she's really loved. You don't care about anything. What counts for you are the way you want to live, the pleasures you are looking for, without thinking about the harm this can cause.”
“Isn't it true that everything starts with the interest we have on the person we love?”
“Love! What do you know about love? Are you insinuating you love me? If that's the case, I don't believe in a single word of what you're saying. First of all I don't come from the same backgroung as you and that makes the whole difference.”
“That doesn't make any difference for me.”
“How can you say that? How can you dare to behave in a way that makes things difficult? It's quite simple though. You evolve in a world in which I don't have a place. You are going to bring me many troubles by trying to convince me to give myself to you. I am not an idiot and I am not so ready to commit such a fool thing. Can you imagine for a while the situation in which I will find myself if your parents discovered you are having an affair with me?”
“So what? I am free of doing what I want.”
“Listen to me, Sir. Find yourself a nice little wife from your community. There's quite a lot of girls who can make you happy; don't distress your parents at this point of their old age by bringing to them a girl chosen among the servants. They have made so meany sacrifices for your well-being and you expect to reward them this way?”
“I know those girls who want to twist you around their little fingers. I've been engaged twice; the first time with a girl from a rich family and the second with one from a humble background. I can say that in both cases I had quite a lot of personal and romantic issues. There's no need to make a big deal about this but I am in a good position to say that it's not easy to find a good girl.”
“I find hard to believe you. Two engagements broken and you still think it's the other's fault. Do you think the kind of life you have is normal? Have you at least found the fault? What if you change the way you live? Maybe you will find the solution to your situation. Do you know you have so many defects women don't like? You would do better to correct them before it's too late. Despair always tends to muddle up your thoughts. Today you show interest in me because somehow I represent a consolation for you. What do you think are the advantages of passing your existence in my company? I am just a poor woman without a fortune or a past. Later, when you would have ordered your thoughts you will discover the mistake you have committed. What will you do? You will get rid of me as if nothing had happened. It's also my duty to prevent you to commit such a madness. I have a part of responsibility since I've been challenged. I care for taking you back to reason and making you become aware of your acts.”
These conversations were held during the several occasions Bakar was alone with Julie. She was somehow waiting to find herself in similar situations, in front of the one who wanted to seduce her. She knew his intentions and felt fear. She was astonished by the fact of having found some courage to say what she thought about the man towards whom she had obligations and owed obedience. She has been living in this environment enough to understand the situation in which every member of the family was. In the beginning, when she was just arrived, when she understood her young boss was interested in her, she was on her guard, verified if nobody was hidden in her bedroom the evening, closed the door with the key and paid a lot of attention to noises. She was so scared that she did stupid things while accomplishing her duties. Her boss, who was extremely kind, didn't reprimand her. Sometimes she was so pale that, looking at her, it could have been possible to imagine she was having a difficult moment. It was only her imagination and when the confidence settled in her mind, she made everything to give satisfaction with her work.
Alone in the vast and immense rooms, sometimes Julie allowed herself short pauses to admire the beautiful paintings hanging on the wall and decorated with nice golden and silver Arab writings. Those paintings, brought from Mecca by the boss during his pilgrimages, represented the aspects of a Muslim world Julie was discovering and admiring with the enthusiasm that accompanied the people curious to know and understand. Her eyes crossed those sacred places where here a crowd of people swarmed around the Kaaba, there the pilgrims dilapidated Satan. She tried to imagine the height of the minarets, understand some ritual gestures when pilgrims quenched their thirst with the water coming from the sacred well of Zem-Zem, watch them run, wrapped into their Ihram. Her eyes passed from the cupolas to the interior courtyard, from the pitched roofs to the patio. To those images impregnating her mind she was not indifferent. When entering into the prayer room, where oriental rugs in sober colors covered the floor and a clock hanged on the wall, she had to take her shoes and apron off. She didn't have the right to touch the Coran to wipe or move it. It was the room where it was so pleasant to stay, loose oneself in deep meditations, make prayers and invoke God-Almighty. She went there once every day to give a sweep when the mistress had finished her prayers.
Julie had a woman's heart. The fact of assisting the decline of a man who wanted to cling on to her couldn't leave her indifferent. She still didn't know the pangs of love. She had no intention to cause any harm to somebody. She still ignored the vices; her innocence sheltered her from dishonesty; She didn't want to be indifferent towards the man who had confided himself to her. This was probably her weakness. She was far from taking advantage from the occasions that could have opened her doors to a future. Yet, as all the young girls who find themselves many times alone with their imagination, she searched the possibility of planning her future, spreading the perspectives she foresaw, or even overindulging the idea of living this life of pomp and splendor she desired so much. What a pleasant image of a reassuring future full of joy the one that filled her mind. But when she noticed that she was but dreaming, she became sad and told her that, after all, she had the right to let out from her imagination the most fantasist sequences.
At April 1938, five months after her arrival to the house, Julie was still rejecting the advances of Bakar.
Sometimes, late in the evening Bakar slipped into her bedroom. He got into the habit of laying down next to her when he wanted.
“I feel so good close to you.”
“You don't have the right. You know it. Somebody can come in and discover us.”
“I just want to have a rest next to you. It's so cheering. I dream about the moment when I would lay down next to you.”
“Do you think what we are doing is right? Aren't we doing a stupid thing? I risk to be dismissed if somebody sees us here. It's really necessary to go so far?
One night the showers pattered on the roof, the cold became evident and Julie wanted to warm up. She gave herself over to him. Similar nights have got them closer in this forbidden game.
A morning of July 1938 she had nausea and started to worry. She had to wait two months without having her period to convince herself she was pregnant.
Before the scandal burst and she got fired from the house to have slept with her young boss, she went back to her parents.
Such a relationship was not tolerated in respectable families, relationships born in the shadow of all suspicion, in absolute discretion. Involved persons who wanted to live their life and take some liberties without thinking, not even once, they would be the victims of their own acts. They were aware though about the problems that would arise for having challenged the moral laws. They were ready to face the eventualities and to stand up to the numerous persons who were going to rise up against them for having dared to enroll in the bad way. It was too late to listen to reason and they had no regrets to break up with people to whom they owed so many respects. All the existence of a family can be overwhelmed when getting acquainted with news which go against what they wishes.
CHAPTER 8
Julie was going through a period in youth that didn't leave her indifferent to the interest men shown towards her. Although she tried to be vigilant and circumspect in delicate situations, she made no effort to reject the advances of the admirers she crossed on her way and who wanted to pass some pleasant moments in her company.
When she was really overcome with the desire to appeal to somebody, she exhibited on purpose, to attract their attention with her fashionable manners full of mischief, her hidden charms. Her young girl face, embellished and blossomed by the possibility to evolve into a society she was discovering, witnessed the enthusiasm that accompanied her when she moved and the pride she pulled out due to the position she occupied, which represented a success and an achievement symbol.
Her cheeks made pink by the freshness of the Highs changed its cast and color under the coastline sun. This didn't affect the effect she produced when her enchanting looks touched those of men. Slim, her young girl's body had given up its place to a precocious woman's one; she had beautiful legs she hid under long pleated skirts she made with curtain's fabric. She had a slender face, a turned-up nose, thin glowing lips often touched by her moist tongue, big hazelnut eyes and a large forehead that betrayed her intelligence; all this was embellished by thick light hazelnut hair which revealed a beauty the best artists would argued to have as a model to create a masterpiece. If she had known that such a beauty could work as an effective weapon to make her way through the existence’s traps, her innocent mind would have known a long time ago the pangs of corruption, which would have dragged her where she could have got lost. She was spared from such an influence.
She had no experience and didn't look like those courtesans who knew the tricks to take advantage from the situations; she hesitated a lot before throwing herself into adventures that could have made her enjoy life and learn to know the world. On several occasions she was approached by men who were struck by her beauty, and who, sometimes, followed her into the deserted streets of the town when she did her mistress' shopping. She could have accepted an appointment and started an affair with no future but the idea of behaving in that way didn't touched her mind. Even so, she didn't refuse to talk to them. She felt an infinite pleasure to reply to them with a disconcerting frankness and some irony that astonished them. She couldn't help to be delighted with her rudeness and by getting rid of them the way one repels a cockroach from the back of the hand when it inopportunely sets down on oneself.
Such an attitude reduced her chances to find a husband and to set up home, as her mother wished. However, her intentions were far from dreaming on a marriage and she had promised to her parents to help them with the lands; she wanted at all costs to respect her commitments. She leaved in an environment that had left in her mind consequences from the time that has run away into her imagination. She didn't feel any pleasure at revisiting the past. However, the evening, when she was all alone in her bedroom and suffered from insomnia, how could she reject the sequences of the past? Was she condemned to endure those obsessions all her life? Wasn't she right to keep going at work and enjoy the home warmth? Was she becoming an easy prey for the men who didn't stop running after her? She accepts she has let thing go too far but she didn't despair. She thought she could discourage them during the following days and convince them that it led to nothing to seduce her. They were her little bosses and she owed them respect. But when she started to run away from them and take refuge with the other members of the family, they found other ways to be alone with her. She defended herself not so bad. To one of them she answered:
“If your parents get to know that you are chasing me they are going to dismiss me. I am here to work and you are bothering me. Could you please leave me alone?”
“I am not chasing you. Don't I have the right to speak with you? What's wrong about that?”
“If you speak without saying silly words, there's nothing wrong, I just don't like to be touched.”
“I have no intention to touch you. I like you and I want to have a conversation with you.”
“Why do you want to speak with me? I don't see what we could say to each other. I am just a poor house cleaner who wants to carry out her tasks in peace. Therefore, it's better to keep our distances. In any case, it's important for me to do my work and nothing else.”
Next time, when the little boss said:
“Why are you so afraid of being fired? Don't you see I am here to protect you? Besides, you do your work well and everybody loves you.”
She answered:
“That's enough for me. You don't have to love me in another way. By continuing to follow me like that, you embarrass me. I don't want the others to think badly.”
“Nobody will think badly. We are doing nothing wrong.”
“You say that; but the others may not think this way. You don't need to be acquainted with me and tell me things I don't need to know. It's your life and I am not interested.”
“I like to tell you my life. You inspire me so much confidence. Maybe I need someone to confide to. I like you and I think I have feelings for you.”
“You say anything to grant the favors of the women you desire and then get rid of them. You let your instincts drag you to commit all sorts of ignominies without considering their consequences. You want to have women at your feet so you can pamper yourself and satisfy your dalliances.”
“You are wrong to think like that.”
“Men usually don't reflect before acting. That brings them to ruin most of the times. Just consider for a moment the happiness a woman seeks when she imagines to find in a man some love, some affection. You have no idea how important it is to the eyes of a woman to feel she's really loved. You don't care about anything. What counts for you are the way you want to live, the pleasures you are looking for, without thinking about the harm this can cause.”
“Isn't it true that everything starts with the interest we have on the person we love?”
“Love! What do you know about love? Are you insinuating you love me? If that's the case, I don't believe in a single word of what you're saying. First of all I don't come from the same backgroung as you and that makes the whole difference.”
“That doesn't make any difference for me.”
“How can you say that? How can you dare to behave in a way that makes things difficult? It's quite simple though. You evolve in a world in which I don't have a place. You are going to bring me many troubles by trying to convince me to give myself to you. I am not an idiot and I am not so ready to commit such a fool thing. Can you imagine for a while the situation in which I will find myself if your parents discovered you are having an affair with me?”
“So what? I am free of doing what I want.”
“Listen to me, Sir. Find yourself a nice little wife from your community. There's quite a lot of girls who can make you happy; don't distress your parents at this point of their old age by bringing to them a nice girl chosen among the servants. They have made some sacrifices for your well-being and you expect to reward them this way?”
“I know those girls who want to twist you around their little fingers. I've been engaged twice; the first time with a girl from a rich family and the second with one from a humble background. I can say that in both cases I had quite a lot of personal and romantic issues. There's no need to make a big deal about this but I am in a good position to say that it's not easy to find a good girl.”
“I find hard to believe you. Two engagements broken and you still think it's the other's fault. Do you think the kind of life you have is normal? Have you at least found the fault? What if you change the way you live? Maybe you will find the solution to your situation. Do you know you have so many defects women don't like? You would do better to correct them before it's too late. Despair always tends to muddle up your thoughts. Today you show interest in me because somehow I represent a consolation for you. What do you think are the advantages of passing your existence in my company? I am just a poor woman without a fortune or a past. Later, when you would have ordered your thoughts you will discover the mistake you have committed. What will you do? You will get rid of me as if nothing had happened. It's also my duty to prevent you to commit such a madness. I have a part of responsibility since I've been challenged. I care for taking you back to reason and making you become aware of your acts.”
These conversations were held during the several occasions Bakar was alone with Julie. She was somehow waiting to find herself in similar situations, in front of the one who wanted to seduce her. She knew his intentions and felt fear. She was astonished by the fact of having found some courage to say what she thought about the man towards whom she had obligations and owed obedience. She has been living in this environment enough to understand the situation in which every member of the family was. In the beginning, when she was just arrived, when she understood her young boss was interested in her, she was on her guard, verified nobody was hidden in her bedroom the evening, closed the door with the key and paid a lot of attention to noises. She was so scared that she did stupid things while accomplishing her duties. Her boss, who was extremely kind, didn't reprimand her. Sometimes she was so pale that, looking at her, it could have been possible to imagine she was having a difficult moment. It was only her imagination and when the confidence settled in her mind, she made everything to give satisfaction with her work.
Alone in the vast and immense rooms, sometimes Julie allowed herself short pauses to admire the beautiful paintings hanging on the wall and decorated with nice golden and silver Arab writings. Those paintings, brought from Mecca by the boss during his pilgrimages, represented the aspects of a Muslim world Julie was discovering and admiring with the enthusiasm that accompanied the people curious to know and understand. Her eyes crossed those sacred places where here a crowd of people swarmed around the Kaaba, there the pilgrims dilapidated Satan. She tried to imagine the height of the minarets, understand some ritual gestures when pilgrims quenched their thirst with the water coming from the sacred well of Zem-Zem, watch them run, wrapped into their Ihram. Her eyes passed from the cupolas to the interior courtyard, from the pitched roofs to the patio. To those images impregnating her mind she was not indifferent. When entering into the prayer room, where oriental rugs in sober colors covered the floor and a clock was hanging on the wall, she had to take her shoes and apron off. She didn't have the right to touch the Koran to wipe or move it. It was the room where it was so pleasant to stay, loose oneself in deep meditations, make prayers and invoke God-almighty. She went there once every day to give a sweep when the mistress had finished her prayers.
Julie had a woman's heart. The fact of assisting the decline of a man that wanted to cling on to her couldn't leave her indifferent. She still didn't know the pangs of love. She had no intention to cause any harm to somebody. She still ignored the vices; her innocence sheltered her from dishonesty; She didn't want to be indifferent towards the man that had confided himself to her. This was probably her weakness. She was far from taking advantage from the occasions that could have opened her doors of a future. Yet, as all the young girls that find themselves many times alone with their imagination, she searched the possibility of planning her future, spreading the perspectives she foresaw, or even overindulging the idea of living this life of pomp and splendor she desired so much. What a pleasant image of a reassuring future full of joy the one that filled her mind. But when she noticed that she was but dreaming, she became sad and told her that, after all, she had the right to let out from her imagination the most fantasist sequences.
At April 1938, five months after her arrival to the house, Julie was still rejecting the advances of Bakar.
Sometimes, late in the evening Bakar slipped into her bedroom. He got into the habit of laying down next to her when he wanted.
“I feel so good close to you.”
“You don't have the right. You know it. Somebody can come in and discover us.”
“I just want to have a rest next to you. It's so cheering. I dream about the moment when I would lay down next to you.”
“Do you think what we are doing is right? Aren't we doing a stupid thing? I risk to be dismissed if somebody sees us here. It's really necessary to go so far?
One night the showers pattered on the roof, the cold became evident and Julie wanted to warm up. She gave herself over to him. Similar nights have got them closer in this forbidden game.
A morning of July 1938 she had nausea and started to worry. She had to wait two months without having her period to convince herself she was pregnant.
Before the scandal burst and she got fired from the house to have slept with her young boss, she went back to her parents.
Such a relationship was not tolerated in respectable families, relationships born in the shadow of all suspicion, in absolute discretion. Involved persons who wanted to live their life and take some liberties without thinking, not even once, they would be the victims of their own acts. They were aware though about the problems that would arise for having challenged the moral laws. They were ready to face the eventualities and to stand up to the numerous persons who were going to rise up against them for having dared to enroll in the bad way. It was too late to listen to reason and they had no regrets to break up with people to whom they owed so many respects. All the existence of a family can be overwhelmed when getting acquainted with news which go against what it wishes.
La colonie lointaine Chapitre 8
La colonie lointaine
Chapitre 8
Julie traversait une période de la jeunesse qui ne la laissait pas insensible aux intérêts que les hommes portaient à son égard. Bien qu'elle voulût se montrer vigilante et circonspecte devant des situations délicates, elle ne faisait aucun effort pour repousser les avances des hommes galants qui croisaient son chemin et qui désiraient passer en sa compagnie des moments agréables.
Elle faisait exprès pour attirer leur attention, en exhibant, par ses manières coquettes et remplies de malices, ses charmes cachés, quand l'envie de plaire la prenait vraiment. Son visage de jeune fille, embelli et épanoui par la chance d'évoluer dans une société qu'elle découvrit, témoignait l'allégresse qui l'accompagnait dans ses déplacements et la fierté tirée par la position qu'elle occupait, et qui représentait l'emblème de réussite et de succès.
Ses joues rosées par la fraîcheur des Hauts changeaient de teint et de couleur sous le soleil du littoral. Cela n'affectait pas l'effet qu'elle produit quand ses regards envoûtants effleuraient ceux des hommes. Svelte, son corps de jeune fille avait cédé la place à celui d'une femme précoce ; elle avait de belles jambes qu'elle cachait sous de longues jupes plissées qu'elle avait confectionnées avec des toiles de rideaux. Elle avait un visage effilé, un nez retroussé, des lèvres fines et luisantes sur lesquelles venaient souvent heurter sa langue humide, de grands yeux noisettes et un large front qui trahissait son intelligence; tout cela était décoré par une épaisse chevelure de couleur châtain clair qui révélait une beauté, que les meilleurs artistes se disputeraient pour l'avoir comme modèle pour créer leur chef-d’œuvre. Si elle avait su qu'une telle beauté pouvait servir comme une arme efficace pour se frayer un chemin dans les embûches de l'existence, longtemps son esprit innocent aurait connu les affres de la corruption et l'aurait entraînée là où elle aurait pu se perdre. Elle fut épargnée de telle influence.
Elle était sans expérience et ne ressemblait pas à ces courtisanes qui connaissaient les astuces pour tirer avantages des situations ; elle hésitait beaucoup avant de se lancer dans des aventures qui pouvaient la faire profiter de la vie et d'apprendre à connaître le monde. Elle était à plusieurs reprises abordée par des hommes qui étaient frappés par sa beauté et qui la suivaient des fois dans les rues désertes de la ville quand elle allait faire les courses pour sa maîtresse. Elle aurait pu accepter un rendez-vous et commencer une aventure sans lendemain mais l'idée de se comporter de cette manière n'avait jamais effleuré son esprit et ce n'était pas pour autant qu'elle refusait de leur parler. Elle éprouvait un infini plaisir à leur répliquer avec une franchise déconcertante et une certaine ironie qui les laissaient pantois. Elle ne pouvait s'empêcher de se réjouir de son impertinence et de se débarrasser d'eux comme l'on repousse du revers de la main un cafard qui est venu se poser malencontreusement sur soi.
Une telle attitude diminuait ses chances de trouver un mari et de fonder un foyer comme souhaitait sa mère. Mais son intention était loin de songer au mariage et elle avait promis à ses parents de les aider à acheter des terres ; elle voulait à tout prix respecter ses engagements. Elle avait vécu dans un milieu qui avait laissé dans son esprit des séquelles de ce temps enfoui dans son imagination. Elle n'éprouvait aucun plaisir de revoir le passé. Mais le soir quand elle se retrouvait toute seule dans sa chambre et souffrait d'insomnie comment pouvait-elle repousser les séquences du passé ? Était-elle condamnée à endurer ces obsessions toute sa vie ? N'avait-elle pas raison de s'acharner dans le travail et de profiter de la douceur de la maison ? Devenait-elle une proie facile aux hommes qui ne cessaient de courir après elle. Elle reconnaît avoir laissé les choses aller un peu loin mais ne se désespérait pas. Elle pensait pouvoir les décourager dans les jours qui suivaient et les persuader que cela ne menait à rien de la séduire. Ils étaient ses jeunes patrons et elle leur devait du respect. Mais quand elle commençait à les fuir pour aller se réfugier auprès des autres membres de la famille, ils cherchaient d'autres moyens pour se retrouver seuls avec elle. Elle ne se défendait pas trop mal. A l'un elle répondit :
— Si vos parents apprennent que vous me courrez après ils vont me jeter à la porte. Je suis là pour travailler et vous m'importunez. Vous-voulez bien me laisser tranquille ?
— Je ne vous cours pas après. Est-ce-que je n'ai pas le droit de vous parler ? Qui a-t-il de mal là-dedans ?
— Si vous ne faites que parler pour ne pas dire des bêtises, il n'y a rien de mal, mais je n'aime pas que vous me touchiez.
— Je n'ai nullement l'intention de vous toucher. Vous me plaisez et je désire livrer conversation avec vous.
— Pourquoi voulez-vous parler avec moi ? Je ne vois pas ce que nous avons à nous dire. Je ne suis qu'une pauvre bonne qui veut accomplir sa tâche dans la tranquillité. Donc il vaut mieux que nous gardions nos distances. En tout cas il est important pour moi de faire mon travail et rien d'autre.
Quand une autre fois le petit patron lui dit :
— Pourquoi avez-vous peur de vous faire renvoyer ? Ne suis-je pas là pour vous protéger ? D'ailleurs vous faites votre travail bien et tout le monde vous aime.
Elle répondit :
— Çà me suffit. Vous n'avez pas besoin de m'aimer autrement. En continuant de me suivre ainsi vous me mettez dans l'embarras. Je ne veux pas que les autres fassent de mauvaises pensées.
— Personne ne fera de mauvaises pensées. Nous ne faisons rien de mal.
— C'est vous qui le dites ; mais les autres ne penseront pas ainsi. Vous n'avez pas besoin de vous familiariser avec moi et de me raconter des choses que je n'ai pas besoin de savoir. C'est votre vie et cela ne m'intéresse pas.
— Cela me plaît de vous raconter ma vie. Vous m'inspirez tellement confiance. Peut-être que j'ai besoin d'une personne à me confier. Vous me plaisez et je pense éprouver des sentiments pour vous.
— Vous dites n'importe quoi pour obtenir des faveurs de la femme que vous désirez et puis vous vous débarrassez d'elles. Vous vous laissez entraîner par vos pulsions pour commettre toutes sortes d'ignominies sans jamais songer aux conséquences. Vous voulez avoir des femmes à vos pieds pour vous dorloter et pour satisfaire vos caprices.
— Vous avez tort de penser ainsi.
— Les hommes, en général, ne réfléchissent pas avant d’agir ; cela les mène la plupart du temps vers la perdition. Songez un peu aux bonheurs que cherchent les femmes en s'imaginant trouver en compagnie d'un homme un peu d'amour, un peu d’affection ? Vous n'imaginerez pas combien cela a de l'importance aux yeux de la femme de se sentir réellement aimée. Vous vous en fichez de tout. Ce qui compte pour vous c'est la manière dont vous voulez vivre, c'est le plaisir que vous cherchez sans penser aux torts que cela peut causer.
— N'est-il pas vrai que tout commence par l'intérêt qu'on porte à la personne qu'on aime ?
— Aimer ! Qu'en savez-vous de ce qui est aimé ? Voulez vous insinuer que vous m’aimez ? Si c'est bien le cas je ne crois pas un seul mot de ce que vous dites. Je ne suis pas d'abord du même milieu que vous et cela fait toute la différence.
— Cela ne fait aucune différence pour moi ?
— Comment pouvez-vous dire cela? De quel droit permettez-vous de vous comporter de manière à compliquer les choses. C'est pourtant très simple. Vous évoluez dans un monde dans lequel je n'ai pas ma place. Vous allez m'attirer un tas d'ennuis en essayant de me convaincre de me livrer à vous. Je ne suis pas une idiote et ne suis pas aussi prête à commettre une telle bêtise. Vous imaginez un peu dans quelle situation je me trouverai si vos parents apprennent que vous entretenez une liaison avec moi ?
— Et alors ? Je suis libre de faire ce que je veux.
— Écoutez, monsieur. Trouvez-vous une gentille petite femme de votre communauté. Il y a pas mal des filles qui pourront vous rendre heureux ; n'affligez pas vos parents au moment où ils sont dans leur vieillesse en leur emmenant une belle fille choisie parmi les domestiques. Ils ont fait tant des sacrifices pour votre bien être que c'est de cette manière que vous espérez les récompenser ?
— Je connais ces filles qui veulent vous mener par le bout du nez. Je me suis fiancé deux fois ; la première fois avec une fille issue de famille riche et la deuxième fois avec celle d'un milieu modeste. Je peux dire que dans les deux cas j'ai eu pas mal de problèmes d'ordre personnel et sentimental. Il n'est pas nécessaire de faire de tout cela un cas mais je suis bien placé pour dire qu'il n'est pas facile de trouver une bonne fille.
— J'ai bien peine à vous croire. Deux fiançailles rompus et vous imaginez encore que c'est la faute des autres. Pensez-vous que le genre de vie que vous menez est normal ? Avez-vous au moins cherché la faille ? Si vous changez votre manière de vivre ? Peut-être trouverez-vous remède à la situation ? Savez-vous que vous avez énormément des défauts qui déplaisent aux femmes ? Cela risque de vous nuire tout le long de votre vie. Vous ferez mieux de les corriger avant qu'il ne soit trop tard. Le désespoir a toujours tendance à embrouiller vos pensées. Vous vous montrez aujourd'hui intéressé à moi parce que je représente pour vous une sorte de consolation. Quel avantage pensez-vous avoir à passer votre existence en ma compagnie ? Je ne suis qu'une pauvre femme sans fortune ni passé. Plus tard quand vous aurez mis de l'ordre dans vos pensées vous découvrirez l'erreur que vous avez commise. Qu'en ferez-vous ? Vous vous débarrasserez de moi comme si de rien n'était. Il est aussi de mon devoir de vous empêcher de commettre une telle folie. J'ai une part de responsabilité quand je suis mise en question. Je tiens à vous ramener à la raison et à vous faire prendre conscience de vos actes.
Ces conversations furent livrées pendant les multiples occasions que Bakar se retrouvait seul avec Julie. Elle attendait un peu de se retrouver dans des situations pareilles, face à celui qui voulait la séduire. Elle connaissait ses intentions pour éprouver de la crainte. Elle s'étonnait devant le fait d'avoir trouver du courage de dire ce qu'elle pensait de l'homme envers lequel elle avait des obligations et auquel elle devait obéissance. Elle avait vécu suffisamment dans ce milieu pour comprendre dans quelle situation chaque membre de la famille se trouvait. Au début, quand elle venait d'arriver, quand elle avait compris que son jeune patron s'intéressait à elle, elle se mettait sur ses gardes, vérifiait que personne n'était caché dans sa chambre le soir, fermait la porte à clé et portait beaucoup attention au bruit. Elle éprouvait une telle frayeur qu'elle commettait des bêtises en accomplissant ses tâches. Elle ne fut pas réprimandée par son patron qui était d'une extrême gentillesse. Elle était parfois d'une telle pâleur qu'à la voir l'on pourrait imaginer qu'elle passait des moments difficiles. C'était son imagination qui la rendait ainsi et quand la confiance s'était installée dans son état d'esprit, elle faisait tout pour donner satisfaction dans son travail.
Seule dans les pièces vastes et immenses, Julie se permettait quelques fois de courtes pauses pour admirer les beaux tableaux accrochés au mur et décorés de belles écritures arabes dorées et argentées. Ces tableaux, emmenés de la Mecque par le grand patron lors des pèlerinages, étalaient les aspects d'un monde musulman que Julie découvrait et admirait avec l'enthousiasme qu'accompagne les gens curieux à savoir et à comprendre. Ses regards traversaient ces lieux sacrés où par ci une multitude des gens grouillaient autour de la Kaaba, par là les pèlerins lapidaient Satan. Elle essayait de deviner la hauteur des minarets, de comprendre certains gestes rituels quand les pèlerins se désaltéraient de l'eau provenant du puits sacré de Zem-Zem, de les voir courir, enveloppés dans leur Irham. Ses regards passaient des coupoles à la cour intérieure, des toits en pente au patio. De ses images imprégnées dans son esprit, elle ne demeurait pas insensible. Pour entrer dans la salle de prière dont le sol était couvert de tapis d'orient de couleur sobre et où une pendule était accrochée au mur, elle devait se déchausser, enlever son tablier. Elle n'avait pas le droit de toucher au Coran pour l'essuyer, pour le déplacer. C'était la pièce où il faisait si agréable pour y demeurer, pour se perdre dans des méditations profondes, pour accomplir les prières et pour invoquer Dieu Tout Puissant. Elle s'y rendait une fois le matin pour donner un coup de balai quand la maîtresse avait terminé ses prières.
Julie avait un cœur de femme. Le fait d'assister au déclin d'un homme qui voulait s'agripper à elle ne pouvait la laisser insensible. Elle ne connaissait pas encore les affres de l'amour. Son intention était de causer du tort à personne. Elle ignorait encore les vices ; son innocence la mettait à l'abri de malhonnêteté ; elle ne voulait pas se montrer indifférente envers l'homme qui s'était confié à elle. C'était peut-être là sa faiblesse. Elle était loin de profiter des occasions qui pourraient l’ouvrir les portes de l'avenir. Pourtant, comme toutes jeunes filles qui se retrouvent maintes fois seules avec leur imagination, elle cherchait les possibilités de planifier l'avenir, d'étaler les perspectives qu'elle entrevoyait, de choyer même l'idée de vivre cette vie de faste et de splendeur tant désirée. Quelle image plaisante d'un avenir rassurant et rempli de bonheur ne la remplissait pas l’esprit ? Mais quand elle constatait qu'elle ne faisait que rêver elle devint triste et se disait qu'après tout elle avait bien le droit de laisser surgir de l'imagination les séquences les plus fantaisistes.
En Avril 1938 cinq mois après son arrivée dans la maison Julie continuait à repousser les avances de Bakar
Des fois, tard dans la nuit Bakar glissait dans sa chambre. Il avait pris l’habitude de venir allonger tout près d'elle quand il en avait l’envie.
— Comme je me sens si bien auprès de toi.
— Vous n'avez pas le droit. Vous le savez. Quelqu'un peut entrer et nous surprendre.
— J'ai envie de me reposer un peu à côté de toi. C'est si réconfortant. Je rêve de cet instant où je viendrai m'allonger auprès de toi.
— Vous pensez que c'est bien ce que nous sommes en train de faire ? Ne sommes nous pas en train de commettre une bêtise ? Je risque de me faire renvoyer si on vous voit ici. Est-il vraiment nécessaire d'en arriver jusque là ?
Une nuit que les averses crépitaient sur le toit, que le froid se faisait sentir que Julie avait voulu aussi se réchauffer. Elle s'était livrée à lui. D’autres nuits semblables les avaient rapprochés dans ce jeu interdit.
Un matin de Juillet 1938 elle avait la nausée et commençait à s’inquiéter. Elle aurait dû attendre deux mois quand ses règles n’arrivaient pas pour se persuader qu’elle était enceinte.
Avant que le scandale n'éclatent et qu'elle ne se fasse chasser de la maison pour avoir couché avec son jeune patron elle retournait chez ses parents.
De telle relation n’était pas tolérée dans des familles respectables. Des relations qui prenaient naissance à l'ombre de tout soupçon, et dans la discrétion absolue. Des personnes impliquées qui voulaient vivre leur vie en prenant des libertés sans une seule fois se douter qu’elles seraient victimes de leur propre actes. Ils étaient pourtant conscients des problèmes qui se poseraient pour avoir défié toute loi de moralité. Ils étaient prêts à affronter les éventualités et à tenir tête aux nombreuses personnes qui allaient se dresser contre eux pour avoir eu l'audace de s'engager dans le mauvais chemin. Il était trop tard d'entendre raison et ils n'éprouvaient aucun regret de rompre avec des gens auxquels ils devaient des respects. Toute l'existence d'une famille peut se bouleverser en prenant connaissance des nouvelles qui vont à l'encontre de ce qu'elle souhaite.
The Far Away Colony Chapter 7
The Far Away Colony
Chapter 7
Finally the sacred month of Ramadan came with the arrival of the new moon. A month the Karim family was apprehensive about. During those days of fasting, resignation, abstinence and praying, every effort to accomplish good actions and avoid bad ones helps to understand the value if this sacred month.
Every member of the Karim family was aware of the importance of this month. At three o clock in the morning or even before, when sleep occupies the being, it was time for him to wake up and take with his family the morning meal. The lights in the houses were all alight, and the members of each family gathered to start the Ramadan day.
Julie woke up at the same time Mrs Karim did, at two o'clock in the morning. She helped her in the kitchen heating the meals, making the tea, placing the cutlery and arranging the plates, glasses and spoons. Then she went to wake up the girls who joined the boys already sitting on the table, their eyes puffed up because of the sleep. They ate and drank until the day glimmer pointed out in the horizon. Then they got up and dispersed each other by their side.
Men fulfilled the mandatory prayers at the mosque while women did it at home. They pronounced the vow of wanting to fast for the Lord. They had to pass an entire day without eating, without drinking, in order to get rid of the bad habits, deprive themselves of material satisfactions, experience hunger and be thirsty like the poor do, be identified to them and put themselves in their shoes to understand misery, poverty and suffering effects. It was an entire day to call into question their conscience and ask themselves about the importance and value of materials. The faithful draw their resources from the prayer, strengthened their soul by reading the Coran. It's a month of sacrifice, devotion, abstinence, fasting and prayers that passes too fast to understand that sins fade with obstinacy and will.
The wives, mothers, daughters and sisters retreat to a calm corner to fulfill more prayers than usual. The rooms are impregnated with a strong incense smell. A strange calmness reigns in the entire house and each becomes withdrawn to pray, rest and fast. Only a few words are exchanged, as if the world turned idle.
Julie noticed that during this fasting month the former fresh and smooth faces of her little bosses were metamorphosed into a thick beard. Their faces were stressed by the lack of sleep, the fatigue and the provided efforts during the long nights of prayers. It was a respite period for her too. Not a single word out of place was addressed to her; not a single indiscreet look at her; not a single harmful gesture constrained her everyday life. They were so perfect boys as if there were not two like them all along this month of Ramadan.
A day passed at work or at home ends with the sunset and a celebration to staunch the thirst with a sweet and scented drink, to put on the tongue salty, spicy and smooth cakes that the wife, the mother, the sisters or the cook has made during all the afternoon.
Julie prepared the spices, peeled some garlic, ginger, mixed them with hot peppers and salt and mashed them. She put away the cardamom, cinnamon and clove jars, toasted some coffee in the bottom of a cast iron pot and locked the vanilla pods in the pantry. At that time, Mr. Karim indulged himself with a small amount before going to pray. And during Friday's big prayer when the faithful gathered, they listened to the good words address to all the believers.
"There's a moment in life," sermonized the imam in his speech, "when we have to stop and ask our conscience about the reality of this world down here; we have to realize how little importance is our life compared to the one that is waiting for us in the other world; it's time for us to understand that we have to make some efforts to accomplish good actions and to avoid committing sins."
After having interrupted the fast, the family members gathered for dinner, to allow them a little pause; then men went to the mosque for the evening prayer.
Julie and the other servants cleaned the house, changed the curtains, washed, polished, lustred, tidied every corner. To celebrate the end of Ramadan party, the faithful dressed themselves with nice clothes to go to the mosque. The special prayer was done after the sunrise. The Imam made his speech in front of the believers full of faith and relieved from their sins. Each of them was restless about sitting in front of a table garnished with a variety of home-made or patisserie cakes. The party was celebrated with hearty cheerfulness and great rejoicing. Family gatherings and embraces; gift distribution; food in abundance. Each made its joy explode. The day was passed in a good mood; some visited their relatives, others shared their happiness with their friends.
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Another chapter for : La colonie lointaine Chapitre 7 Goodread to you all http://t.co/tGDRkueJj9
June 13, 2014
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La colonie lointaine Chapitre 7 - MES ACTIVITÉS LITTÉRAIRES, ROMANS ET PUBLICATIONS.
Le mois sacré de Ramadan arrivait enfin avec l'apparition de la nouvelle lune. Un mois appréhendé déjà par la famille Karim. Pendant ces jours de jeûne, de résignation, d'abstinence, et de prières, chaque effort fourni pour pratiquer le bien et éviter le mal, aide à comprendre la valeur de ce mois sacré.
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La colonie lointaine Chapitre 7
La colonie lointaine
Chapitre 7
Le mois sacré de Ramadan arrivait enfin avec l'apparition de la nouvelle lune. Un mois appréhendé déjà par la famille Karim. Pendant ces jours de jeûne, de résignation, d'abstinence, et de prières, chaque effort fourni pour pratiquer le bien et éviter le mal, aide à comprendre la valeur de ce mois sacré.
Chaque membre de la famille Karim était conscient de l'importance de ce mois. A trois heures du matin ou même avant, au moment où le sommeil accapare l'être, il était temps pour lui de se réveiller pour aller prendre en famille le repas du matin. Les lumières des maisons étaient toutes allumées, et les membres de chaque famille se regroupaient pour commencer la journée de Ramadan.
Julie était debout en même temps que madame Karim à deux heures du matin. Elle l'aidait dans la cuisine à chauffer le repas, à faire le thé, mettre le couvert et disposer les assiettes, les verres, les cuillers. Elle allait ensuite réveiller les filles qui rejoignaient les garçons déjà installés à table, les yeux bouffis par le sommeil. Ils mangeaient et buvaient jusqu'à ce que la lueur du jour se pointe à l'horizon. Ils se levaient et se dispersaient chacun de leur côté.
Les hommes accomplissaient la prière obligatoire du matin à la mosquée et les femmes à la maison. Ils prononçaient le vœu de vouloir garder le jeûne pour le Seigneur. Une journée toute entière qu'ils devraient passer à ne pas manger, à ne pas boire pour se débarrasser des mauvaises habitudes, pour se priver de toutes satisfactions matérielles, pour éprouver la faim et sentir la soif comme le font les pauvres, pour s'identifier à eux, se mettre à leur place pour comprendre les effets de la misère, la pauvreté et la souffrance. Une journée entière pour mettre en cause sa conscience, pour s'interroger sur l'importance et la valeur matérielle. Les fidèles puisent leur ressource dans la prière, fortifient l'âme par la lecture du Coran. Un mois de sacrifice, de dévotion, d'abstinence, de jeûne et de prières, qui passe trop vite pour comprendre que les péchés s'estompent par obstination et volonté.
Les épouses, les mères et les sœurs se retirent dans un coin tranquille pour accomplir plus de prières que d'habitude. Les pièces sont imprégnées d'une forte odeur d'encens. Un calme étrange règne dans la maison toute entière et chacun se replie sur soi-même pour prier, pour se reposer, pour jeûner. Peu de mots sont échangés comme si le monde tournait au ralenti.
Julie constata qu'au cours de ce mois de jeûn, le visage auparavant frais et lisse de ses petits patrons se métamorphosait par une barbe bien fournie. Leur visage était tiré par le manque de sommeil, la fatigue et les efforts fournis pendant les longues nuits de prières. Pour elle aussi c’était une période de répit. Aucune parole déplacée ne lui fut adressée ; aucun regard indiscret ne lui fut lancé ; aucun geste qui pouvait nuire n’était venu la contraindre dans sa vie quotidienne. Des bons enfants exemplaires comme il n’y en avait pas deux tout le long de ce mois de Ramadan.
Une journée passée dans le travail ou à la maison s'achève au coucher du soleil dans la réjouissance d'étancher sa soif avec une boisson sucrée et parfumée, de prendre sur la langue des gâteaux salés, épicés et doux que l'épouse, la mère, les sœurs ou la cuisinière ont confectionnés pendant toute l'après-midi.
Julie préparait les épices, épluchait l'ail, le gingembre, les mélangeait avec des piments et du sel et les écrasait. Elle rangeait les bocaux de cardamome, de cannelle, de girofle, grillait le café au fond d'une marmite en fonte, enfermait les gousses de vanille dans le garde-manger. A cette heure-ci, M. Karim se permettait une petite somme avant de se rendre à la prière. Et pendant la grande prière du vendredi qui rassemblait les fidèles, il écoutait les bonnes paroles adressées à tous les croyants.
« Il y existe un moment dans l'existence, sermonnait l'Imam dans son discours, où nous devons nous arrêter et interroger notre conscience sur la réalité de ce monde ici bas; nous devons réaliser combien notre vie importe si peu à comparée de celle qui nous attend dans l'autre monde; il est temps pour nous de comprendre que nous devons fournir des efforts pour accomplir de bonnes actions et pour éviter de commettre des péchés.»
Après la rupture du jeûne, les membres de la famille se réunissaient pour le dîner, pour se permettre une petite pause; ensuite les hommes se rendaient à la mosquée pour accomplir la prière commune du soir.
Julie et les autres domestiques nettoyaient les chambres, changeaient les rideaux, lavaient, astiquaient, lustraient, enfin rendaient propre chaque recoin. Pour célébrer la fête de fin de Ramadan les fidèles étaient vêtus de beaux vêtements pour se rendre à la mosquée. La prière spéciale est accomplie après le lever du soleil. L'Imam fait son sermon devant les fidèles imprégnés de foi et allégés des péchés. Chacun s'impatientait de se retrouver devant la table garnie d'une variété de gâteaux préparés à la maison ou commandés chez le pâtissier. La fête était célébrée de gaieté de cœur et de grande réjouissance. Rassemblement au sein des familles et accolades; distribution de cadeaux; de la nourriture en abondance. Chacun fait exploser sa joie. La journée se passait dans la bonne humeur; certains rendaient visites aux parents, d'autres partageaient le bonheur avec des amis.